𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 76

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                « Il serait temps de te réveiller, mon amie... »

Cette voix était à la fois douce et autoritaire. Elle répétait inlassablement la même chose, tirant Mayna d'un sommeil confortable. Plus elle l'entendait et plus elle semblait familière. Elle l'avait déjà entendue...

« Lève-toi maintenant, prêtresse. Nous ne pouvons nous permettre de nous attarder plus longtemps... »

Son Simorgh... Oui, c'était bien lui, son oiseau porteur de vie qui lui parlait en songes. Mais pourquoi donc fallait-il qu'elle se lève ? Ce matelas était si ... inconfortable ? Comment son lit si douillet d'ordinaire avait-il pu durcir à ce point durant la nuit ? Mollement, elle souleva une paupière et ne vit qu'un flou grisâtre marbré de vert et d'or. Elle leva ses mains à hauteur de son visage, espérant se frotter les yeux, mais ses muscles protestaient. Que lui avaient donc fait subir ses pouvoir cette fois-ci... Elle ouvrit les yeux en grand, cherchant à se repérer grâce à la faible lumière qui éclairait la pièce à travers les épais rideaux de velours vert sombre qui lui faisaient face, mais en vain. Elle ne connaissait pas cet endroit.

« Amour... »

La voix de Kilian... Rien n'aurait pu lui paraître plus familier et plus doux dans les brumes de son éveil. Elle tenta de se relever mais ne réussit qu'à rouler sur le côté, chutant de son divan pour atterrir mollement sur le tapis rêche du salon, provocant le rire de Kilian et des autres personnes qui l'entouraient. Elle grogna alors que Kilian la relevait tout de même et, lorsqu'elle eut retrouvé son équilibre, jeta autours d'elle un regard honteux. Cependant, lorsqu'elle croisa celui de sa chère Emelia qui avait retrouvé forces et couleurs, elle oublia sa courte mésaventure avec le tapis et se précipita dans ses bras. La tisserande la rattrapa de peu et la serra de toutes ses forces contre son cœur, rayonnante d'une joie que partageait sans limites la prêtresse de la forêt. Mages et limiers semblaient avoir tempéré leurs ardeurs, sous l'œil autoritaire de Videl et Jayde, ainsi que celui, intimidant mais posé, de Gremen, qui avait rapidement su canaliser les quelques hommes encore belliqueux. Ce fût d'ailleurs ce dernier qui le premier prit la parole.

« Soyez assurée que nous sommes ravis de vous voir éveillée, prêtresse. » Commença-t-il. « L'inquiétude nous gagnait peu à peu en voyant votre sommeil se prolonger. S'il n'y avait eu le lien entre votre compagnon et vous pour nous rassurer, nous aurions certainement pris le risque de faire quérir un médecin, Sam, si j'ai bien saisi, n'étant guère confiant en ses dons de guérisseur défaillants, tout comme les autres mages issus de ce clan. Je n'ai pas réellement saisi les subtilités de leur refus mais je me doute qu'ils ont craint d'aggraver votre état, ce que je peux parfaitement comprendre. Quoiqu'il en soit, vous êtes revenue à vous et vous pouvez constater que nous attendions cela avec impatience. »

Mayna rit pour elle-même et répondit, comme à son habitude, sans réfléchir à la bienséance de rigueur.

« Vous parlez toujours autant pour dire si peu ? »

Gremen ne sût que répondre, se contentant de fixer la jeune femme avec un air hébété qui ne fit qu'alimenter l'hilarité générale. Emelia, de son côté, jubilait. Elle avait retrouvé sa petite fugitive telle qu'elle l'avait toujours connue, espiègle et spontanée, sans considération pour le rang ou les titres de ses interlocuteurs. La maîtresse tisserande n'était d'ailleurs pas certaine qu'elle ait réellement intégré la notion de noblesse et sa hiérarchie, bien qu'elle l'ait étudiée avec Tany. Au souvenir de son amie et de ses proches massacrés, la douleur voila le beau regard azuré d'Emelia, jusqu'alors si pétillant. Mayna n'eut aucun mal à saisir la raison de ses tourments, sa télépathie n'étant pas nécessaire pour comprendre qu'elle n'avait eu aucun moment de répit pour faire le deuil de ceux qu'elle avait vu mourir si atrocement juste sous ses yeux. La prêtresse s'efforça de garder la tête froide et de ne pas tenir rigueur aux humains pour leur cruauté, mais l'exercice était des plus complexes. Lentement, elle ferma les yeux et, prenant une nouvelle fois son amie bien vivante dans ses bras, se tourna vers Gremen.

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant