𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 14

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Mayna apprenait effectivement plus rapidement que Tany n'aurait pu l'espérer. En quelques jours à peine, elle savait parfaitement compter et lire, ne butant plus que sur quelques mots que Tany elle-même peinait à comprendre et à prononcer. En une semaine, elle était capable d'effectuer des opérations compliquées, incluant les taxes et les impôts à ses comptes sans la moindre erreur, et avait appris à dessiner des cartes en ne se fiant qu'à une boussole et un mètre cordage en guise d'étalon. Elle s'était d'ailleurs prise de passion pour cette activité, délaissant le plus souvent les cartes pour croquer au fusain sur des feuilles de papier tout ce qui lui passait à portée de vue, que ce soit des animaux, des plantes, dont elle connaissait maintenant les noms, ou les employés de la maison. Elle était passée du gribouillage au portrait fidèle en moins de deux jours, talent que lui jalousait Tany qui n'avait jamais vu dépasser le stade de l'esquisse.

Elle était d'ailleurs affairée, pendant le temps libre qu'il lui restait dans la matinée, à dessiner l'un des chevaux qui s'ébattait joyeusement dans la plaine, lorsqu'elle entendit Yougo et Léon s'agiter près des écuries de la maison. Thédéore, le palefrenier qui faisait également office de cocher, les avait visiblement réquisitionnés pour sortir la carriole et la vérifier, et riait maintenant de les voir forcer en pestant pour soulever le poids conséquent de cette dernière. Il n'était pas évident de la manier sans cheval pour la tirer, encore moins sur un terrain détrempé par la pluie diluvienne de la veille, qui avait paralysée toute la maisonnée.

Attirée par ce spectacle étrange, elle s'approcha, prenant soin de ne pas glisser dans la boue avec ses bottes lisses. Arrivée à leur hauteur, elle remarqua Emelia, dans sa tenue d'extérieur, qui observait elle aussi la scène. Se glissant près d'elle, elle la salua poliment, ne l'ayant pas croisée de la matinée, et lui adressa un regard interrogateur.

« Tu te demandes ce qu'ils font, n'est-ce pas ? »

« Oui, madame. J'avoue ne pas comprendre l'utilité de sortir la carriole par ce temps. Avez-vous prévu un voyage ? »

« En effet, Mayna. En effet. Le moment est enfin venu pour moi de rejoindre ma demeure d'hiver, bien au sud, derrière les montagnes. Il y fait plus chaud et plus sec, de plus, l'océan a quelque chose d'apaisant, je trouve... »

« Alors... Vous allez nous quitter ? Pour combien de temps ? »

Emelia s'esclaffa subitement avant de lui prendre les mains entre les siennes et de les serrer avec bienveillance.

« Mais enfin, je pensais que c'était logique ! D'autant que je te l'avais dit à ton arrivée ! Je ne me sépare jamais de Tany, qui gère mes affaires et, comme tu apprends son travail, je ne me séparerai pas de toi non plus ! Tu viens avec nous bien entendu !

« Avec vous ? Derrière les montagnes... »

Laissant son regard vagabonder sur les hauts cols qui se dessinaient au loin, derrière la maison, elle se mit à sourire. En fermant les yeux, elle ressentit à nouveau ce besoin, étouffé depuis son arrivé, de se rendre au-delà de ces pics couverts de neige. Son cœur s'envola et elle sauta presque au cou de la maîtresse de maison tant sa joie était grande. Emelia, loin de s'offusquer, en rit avec elle et lui rendit son étreinte. Elle n'avait jamais vu l'océan, ni traversé les montagnes, elle n'avait même aucune idée de pourquoi elle ressentait l'envie de s'y rendre, elle ne comprenait donc pas pourquoi ce voyage la mettait en joie, mais c'était bien le cas. Peut-être était-ce la perspective de découvrir de nouveaux paysages, ou simplement de reprendre la route, elle qui avait été bridée dans ses mouvements depuis sa naissance et n'avait pas quitté la maison depuis son arrivée dans la vie d'Emelia et Tany, toujours était-il qu'elle sentait son impatience grandir.

« Quand ? Madame, quand partons-nous ? » demanda-t-elle avec vigueur.

« Ahah, calme-toi, nous ne partirons que demain matin au lever du jour. En attendant, tu devrais te hâter de préparer tes bagages. Quelques tenues de travail, quelques unes des robes que je t'ai prêtées aussi. Demande à Tany, elle saura t'aider, elle a l'habitude et doit déjà être en train de préparer mes malles et les siennes. Allez, va ! Vas-y, ne perds pas de temps ! »

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant