⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 35

Si Mayna ne montrait rien, la réaction de Killian l’avait secouée. Elle ne comprenait pas cette aversion qu’il avait pour elle et, bien qu’elle soit curieuse d’en connaître la raison, elle ne s’imaginait pas se présenter devant lui pour lui demander des explications. Elle avait donc récupéré son cheval après avoir une nouvelle fois remercié cette petite famille et repris le chemin du palais de cristal. Prenant le temps d’explorer chacun des couloirs qui se comptait pourtant par dizaines, elle avait fini par trouver la cuisine. Elle avait eu beau appeler, personne ne s’était présenté, alors elle s’était décidée à se préparer un petit repas elle-même. Béti lui avait appris les rudiments de la cuisine durant son séjour dans la maison d’hiver, aussi n’eut-elle aucun mal à se s'arranger une petite salade, ainsi qu’une omelette aux champignons et au lard, non sans un sourire amer sur le visage. Elle entendait encore les commentaires de Béti, cette infatigable petite femme toute ronde, qui sautillait partout en lui disant qu’elle avait des doigts de fée et qu’elle la surpasserait certainement dans l’art délicat de préparer un repas de roi. 

    Son assiette et ses couverts en main, une outre d’eau bien fermée suspendue à son épaule, elle avait repris le chemin de sa chambre, non sans se perdre à plusieurs reprises. Assise à sa petite table, son regard rivé sur le paysage fabuleux qui s’étendait à perte de vue, elle avait englouti son repas. Elle repensait à sa journée, sa promenade qui, bien que revigorante, fût plutôt surprenante. La forêt, surtout, l’avait intriguée. Elle avait senti sous le couvert de ces arbres une magie à l’état brut, la vie jaillissant de chaque branche, chaque feuille, chaque pierre et se mêlant à un flux d’énergie qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant. Cette bulle semblait entourer la forêt et…peut-être, la confiner. Après tout, Monsieur Mauvaise Humeur ne lui avait-il pas dit que la forêt était dangereuse ? Mais elle n’eut pas le temps de pousser plus avant ses réflexions que des coups retentirent à la porte.

    « Pardon, je peux entrer ? » Demanda Lithlin, qui s’invitait déjà. « Oh je sais que ton entrevue avec le conseil ne t’a pas laissé le meilleur des souvenirs, mais j’aimerais tout de même que nous parlions. Si tu es d’accord bien entendu. »
    « Eh bien, oui. Maintenant que vous êtes là… ». 

    Elle n’avait pas voulu faire preuve de sarcasme mais force était de constater que sa voix en avait décidé autrement. 

    « Hum, oui. Je comprends que tu ne sois pas forcément à l’aise avec nos méthodes. Ni ma présence d’ailleurs. Je te promets que je ne te veux aucun mal, que je n’ai aucune mauvaise intention. Mais, comme tu le sais peut-être, le clan des Erudits a la charge de retranscrire la mémoire de notre peuple. Cela inclut bien évidement la mémoire des Faerias. Si cela t’intéresse, je pourrais commencer à te l’enseigner, du moins les grandes lignes. Quand à Kalya, des Elémentaires, elle est d’accord pour te montrer comment faire appel consciemment à la magie des éléments. Après tout, c’est dans ta nature… »

    Mayna n’en croyait pas ses oreilles. Il ne lui était jamais venue à l’esprit qu’elle pouvait apprendre à maîtriser ces quelques pouvoirs ! Pour dire vrai, elle était totalement persuadée qu’ils ne dépendaient pas d’elle, alors elle n’aurait jamais pensé pouvoir apprendre à utiliser une magie qu’elle ne possédait pas.

    « Mais… Faire appel à la magie des éléments ? Je croyais que la nature agissait de sa propre volonté pour m’aider ? »
    « C’est exact. Mais cela n’empêche que tu peux y faire appel volontairement. C’est une magie qui est ancrée en toi, au plus profond de ton être, de ta lignée. Tu ne croyais tout de même pas que tes pouvoirs se limitaient à quelques dons reçus au hasard ? Tous les mages possèdent des dons variés. Tous, sans exceptions. Certains plus que d’autres, certains plus ou moins puissants. Mais te limiter à cela ferait de toi une simple sorcière, pas une Faeria. La nature est ton terrain de jeu Mayna. C’est à toi de dicter les règles. »
    « Mais je n’ai envie de dicter aucune règle ! »
    « Allons, ce n’est qu’une façon de parler… Ce que je veux te dire c’est que plutôt que de compter sur l’aide de la nature tu peux l’inviter à t’aider et à faire ce dont tu as besoin. La nature te protège toi, mais toi seulement. Pas ce qui t’entoure, ni ceux qui t’entourent. Et crois-moi, la magie élémentaire est l’une des plus utiles qui soit. Eteindre un incendie, construire un abri, éviter une avalanche, tout te serait possible. Mais cela, il te faudra le voir avec Kalya. En tant qu’Erudite, je ne puis t’enseigner cette maîtrise. Seulement t’éclairer sur ton histoire et la notre. »
    « Bon… Soit… Je veux bien alors. Noctaline m’avait prévenue qu’elle vous demanderait ce service… »
    « A la bonne heure ! En effet elle est venue m’en parler, et elle avait bien raison. Nous ne pouvons te laisser dans l’ignorance. Nous commencerons demain matin, si cela te convient. Je viendrai avec quelques livres et Kalya prendra le relais avant le déjeuner. Nous ne te prendrons pas tout ton temps, il n’est pas bon de surcharger l’esprit et le corps avec des informations. Il faut que tu te détendes un peu… »
    « D’accord. »
    « Je vais te laisser te reposer à présent. Sauf si tu as des questions, bien entendu. »
    « Une seule. Avez-vous décidé de quand nous pourrons aller à la tour ? »
    « Ah… Si tout va bien, dans huit jours. Nous avons fait partir des oiseaux messagers pour faire quérir quelques hommes. Des Enchanteurs pour la plupart, ainsi que des élémentaires. Mestrel a insisté pour que son fils et un autre ChangeForme t’accompagnent. »
    « Génial… »
    « Encore du sarcasme ? » S’amusa Lithlin. « Tu as quelque chose contre Mestrel ? »
    « Non. Mais visiblement son fils, ton frère, a quelque chose contre moi. Je me serais bien passée de sa présence. »
    « Oui… Il est… Enfin ce n’est pas à moi de t’en parler. Mais si tu t’inquiètes, sache que jamais Killian ne mettrait en péril ta sécurité. Allons, repose toi, nous avons peu de temps pour t’enseigner les bases et il vaut mieux que tu sois reposée. Bonne nuit. »