𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 31

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Mayna se réveilla sous l’assaut de Noctaline qui la secouait comme un prunier. Elle avait la bouche pâteuse et le corps endolori, presque autant que l’était son esprit. Cette sensation d’avoir simplement cligné des yeux l’incommodait et elle luttait pour ne pas se rendormir. L’ancienne ne lui laissa aucun répit, ne cessant de l’appeler et de la secouer jusqu’à ce qu’elle descende de son lit et se frotte le visage en grognant. 

    « Allons ma petite, un peu de nerfs ! Le soleil va bientôt se lever et nous avons de la route. Je t’ai préparé quelques vêtements pour le voyage et j’ai glissé une de tes robes dans ton sac pour ton entrevue. Allez, change-toi, je nous prépare de quoi manger pour la route. J’ai déjà sellé les chevaux, il ne manque plus que toi. Pressons !! Dans la chambre, allez !! Nous devons rejoindre l’auberge de passe avant la nuit, sinon nous dormirons dehors. La magie a du bon mais une porte qui se verrouille toute seule au coucher du soleil… Enfin, cet enchanteur devait avoir ses raisons. Allez, hâte toi !! »

    Soupirant plus qu’elle ne respirait, Mayna se traina jusqu’à la chambre de Noctaline pour se changer. Elle retira maladroitement la robe froissée qu’elle avait gardée sur elle pour la nuit et enfila le pantalon court et la tunique qui étaient posés sur le lit. S’attachant maladroitement les cheveux en une tresse qu’elle noua à nue, elle sorti enfin de la maison pour rejoindre la vieille folle qui l’avait arrachée à ce sommeil sans rêve dont elle avait cruellement besoin. 

    Il faisait jour depuis peu au dehors. On distinguait à peine les champs cultivés qui s’étendaient à seulement quelques dizaines de mètres de la maison, encore moins le fleuve et certainement pas la montagne. Tâtonnant du pied pour ne pas se prendre dans une pierre ou une racine dissimulée par les ombres, Mayna rejoint l’ancienne devant le petit portail de bois. Elle tenait les rennes de deux grands chevaux, si l’un était plus blanc que les neiges des Hauts blancs, l’autre, à l’inverse plus sombre qu’une nuit sans étoile, lui rappelait son cher Tourmalin qu’elle avait laissé derrière elle dans sa fuite. Il était un peu plus grand et un peu plus large, mais son regard était tout aussi doux. Elle tendit la main vers lui et rit lorsqu’il vint la flatter du bout du museau. 

    « Je crois que tu as trouvé ta monture ma jolie. C’est Geos, c’est sur son dos que je t’ai ramenée à la maison, il doit te reconnaître. C’est un bon cheval, docile et doux. Il te portera bien. Allez, monte. Il faut partir. »

    Mayna ne se fit pas prier. Elle mit pied à l’étrier, sauta sur le dos de Geos avec l’agilité d’un chat et se positionna directement. Noctaline approuva d’un signe de tête et prit la tête du convoi. Elles allaient bon train, le soleil baignant leur chemin d’une douce lumière bleutée à mesure qu’elles avançaient. Une fine brume recouvrait l’île d’un voile humide, signe d’une chaude journée et d’une nuit fraîche, et s’écartait en arabesques voluptueuses à leur passage. Levant la tête, Mayna fût soudain tout à fait réveillée.

    « Nous… Est-ce que nous allons vers la montagne ? »
    « Le mont des anciennes ? Oui et non. Le palais de cristal, érigé par les premières prêtresses, se tient juste au pied de la montagne. Il y a un pont, bien plus loin, dans un des coudes du fleuve. Nous traverserons là. Pourquoi cela ? »
    « Non… rien… seulement… » bafouilla Mayna, peu sure de la réponse à donner. « Disons que, cette montagne m’attire, ou du moins, quelque chose, au sommet de la montagne je dirais. Je ne sais pas pourquoi… »
    « Hmm, étrange en effet. » Répondit Noctaline, pensive. « Nous demanderons au conseil, les Erudits sauront certainement te répondre, s’ils sont capables de mettre leur maudit égo en sourdine. »
    « D’accord… »

    Mayna ne savait que dire de plus. Elle avait une nouvelle raison de craindre la réaction du conseil. Et si son attirance pour cette montagne était une mauvaise chose ? Et s’ils l’empêchaient d’y aller ? Non, elle ne devait pas y penser. Serrant la bride de son cheval, elle se força à se calmer et à taire ses peurs. Elle avait renoncé à observer les alentours, la brume lui cachant déjà la vue, mais surtout, à cause des habitants de l’île. Elles en avaient croisé plusieurs sur leur chemin et tous l’avaient dévisagée avec curiosité, malgré leur vitesse. Depuis, gênée et inquiète, elle gardait les yeux baissés, ne les relevant que par moment pour voir où les conduisaient leurs pas et, chaque fois qu’elle portait son regard au loin, elle cherchait la montagne, haute et étrange, qui les dominait déjà depuis longtemps. Elle n’en voyait ni le sommet ni les racines, mais elle la sentait forte et percevait ce qu’elle pensait être de la magie en son sein. 

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant