𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 56

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Killian l'avait conduite jusqu'à une grande demeure un peu à l'écart des autres. Si les autres maisons de la ville étaient impressionnantes en termes de taille, celle-ci battait tous les records. D'apparence plus récente que bien d'autres, elle culminait sur trois étages en plus du rez-de-chaussée. Elle était construite au centre d'un terrain arboré et fleuri, bien mieux entretenu que ce que Mayna aurait pu le penser au vu des activités de Mestrel et de Killian, qui passaient tout leur temps loin de chez eux. Une allée pavée de galets gris, parfaitement rafraîchie et propre, conduisait à la double porte vitrée qui servait d'entrée. Toute de bois construite, elle en imposait mais restait accueillante et lumineuse.

Quand Killian actionna la poignée de fer forgée et l'invita à entrer, elle prit une grande inspiration et se laissa guider à l'intérieur. L'entrée débouchait sur un petit salon confortable, meublé de quelques fauteuils et d'un divan double, éclairé par la sphère de lumière finement travaillée suspendue au plafond. Si elle avait vu des objets semblables chez Noctaline, jamais elle n'en avait eu de si magnifique sous les yeux. Large de près d'un mètre, elle était légèrement aplatie et gravée d'innombrables silhouettes abstraites d'animaux qui s'entrelaçaient, formant une arabesque indescriptible. Elle n'eut pourtant pas le temps de s'extasier davantage, Killian lui prit à nouveau la main et l'entraîna jusqu'à la porte à la droite de la pièce.

« La porte à gauche mène aux pièces dédiées aux repas. Nous sommes nombreux, comme tu vas vite le voir, alors autant la cuisine que la salle à manger sont grandes. La porte en face mène aux escaliers et donc aux étages et aux chambres et bureaux. Cette porte mène au grand salon, où nous retrouvons la plupart du temps en famille. Aujourd'hui, mes frères et sœurs sont venus avec leurs compagnons et compagnes, et bien entendu avec leurs enfants. La plupart des chambres sont occupées, à ce que m'a dit mon père. Heureusement, la mienne ne l'est pas. Allez, viens, suis-moi. »

Elle eut juste le temps de hocher la tête qu'il poussa la porte. Devant ses yeux s'étendait une véritable foule, occupée à boire, manger et parler avec un enthousiasme non feint. Elle comprenait mieux pourquoi la maison était si grande et se demanda si tous les Changeformes fondaient des familles aussi nombreuses... Surpris par les pensées de sa compagne, Killian éclata de rire, ce qui alerta les siens et annonça leur arrivée. Le silence se fit et tous les yeux se posèrent sur eux. Si l'aigle était ravi de cet effet, ce ne fut pas le cas de Mayna qui se cacha derrière lui.

« Allons ma belle, ne fait pas la timide ! » S'amusa Mestrel en s'avançant vers eux. « Ma famille est grande mais aucun ne mord ! Enfin à part Killian bien entendu... »

L'intéressé leva les yeux au ciel et se décala, privant Mayna de sa cachette, avant de passer un bras autour de ses épaules et de la guider jusqu'aux siens. Il s'employa à faire les présentations, ce qui prit un temps certain étant donné le nombre d'inconnus qui lui faisaient face, mais elle tenta de retenir tous les noms. Ce qui, bien évidement, fut un cuisant échec. En effet, Mestrel, du haut de ses 158 ans, avait donné naissance à cinq filles et huit garçons. Si elle connaissait Killian, Zéti, Lithlin, et depuis peu Videl, elle ne connaissait pas les autres et, en les voyants, n'aurait jamais deviné qu'ils étaient de la même fratrie. Il faut dire, pour comprendre, que les Changeformes étaient un clan de mages bien singulier. Leur apparence, contrairement aux autres, n'était pas due aux traits de leurs parents mais bien à ceux de leur animal intérieur, leur âme. Il y avait des blonds, des roux, des châtains et des bruns, des yeux qui se nuançaient sur une palette bien trop large de couleurs, des forts et des minces, des grands et des petits, aussi bien chez les enfants de Mestrel que chez ses petits enfants.

Yoko, pour l'exemple, était l'aîné de ses enfants. Le renard gris qu'il était lui avait donné une magnifique chevelure d'argent, lisses et brillants et deux yeux gris si clairs qu'elle aurait cru voir deux lunes la regarder. Il avait les traits fins, quelque peu féminins, et était de taille moyenne mais très élancé. Cependant, les quelques muscles discrets qui se dessinaient sous sa chemise largement ouverte sur son torse laissaient deviner une carrure athlétique, digne d'un sprinter. Aussi l'imagina-t-elle vif et rapide plutôt que doté d'une force brute. Sa femme, Tzarine, aurait pu être sa jumelle sombre. Son renard noir intérieur lui avait donné les mêmes traits, la même corpulence. Seule ses cheveux noirs de jais et ses yeux couleur charbon le différenciaient de lui. Killian lui apprit d'ailleurs que, tout comme leur père et leur mère, ces deux-là s'étaient trouvés très tôt et étaient devenus inséparables. Dans leurs enfants, si Grimin, un renard roux, leur ressemblait, Milia la panthère et Plebien l'étalon n'avaient aucun trait en commun avec leurs parents, malgré leur âge adulte.

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant