Emelia, comme à son habitude, se réveilla au point du jour. A peine fût-elle habillée qu'elle se précipita vers les étables où elle savait une brebis malade. Quelle ne fût pas sa surprise de voir, non pas un animal en détresse, mais un agneau pendu aux pis de sa mère ! Elle s'approcha lentement pour ne pas effrayer le nouveau-né et sa mère, affaiblie mais alerte, et s'accroupit pour les observer entre les barreaux de l'enclos. Il tenait à peine sur ses jambes et était recouvert d'un fin duvet de laine, aussi blanc que les premières neiges de l'hiver, ses grands yeux d'ambre qui la fixaient avec insistance comme on plongerait son regard dans celui d'un ennemi en attendant qu'il frappe. Elle ne prit pas le risque d'approcher d'avantage ni de tendre la main dans l'enclos, se contentant de les regarder de loin et d'apprécier ce qu'elle voyait.
« Elle a mis bas dans la nuit », l'informa alors Yougo, l'esclave chargé des soins des animaux qui avait la fâcheuse manie d'apparaître derrière les gens sans prévenir. « Elle va bien mais la mise bas a été éprouvante, c'est son tout premier petit et il était bien gros pour elle. D'autant qu'il se présentait par le siège. J'ai dû faire appeler Markial pour qu'il m'aide. Il doit encore dormir, il a veillé la mère jusque tard dans la nuit, elle n'arrivait pas à se relever. Maintenant, ils vont bien tous les deux. »
« Je vois ça, Yougo. Et bonjour, en passant. Combien de fois ai-je essayé de t'enseigner les bonnes manières ? Combien de fois dois-je te répéter qu'un esclave ne parle pas avant son maître ?»
« Trop pour que je puisse les compter maîtresse. Mais je progresse quand même un peu, non ? »
« Je considérerai que tu auras progressé lorsque tu cesseras de me faire sursauter pour ton bon plaisir et que tu me salueras avant de t'adresser à moi. Mais oui, tu es bien plus respectueux de ceux qui t'entourent à présent. As-tu prévenu Tany que nous avons un agneau de plus dans le troupeau ? »
« Non, maîtresse, pas encore. Je ne l'ai pas croisée. »
« Bien, je le ferai. Merci Yougo. Et veille bien sur elle, elle n'a tout de même pas l'air solide sur ses pattes. »
« Oui maîtresse. Au revoir ? »
« Au revoir, Yougo, puisque tu le dis », répondit elle en riant.
Emelia était coutumière du manque de savoir vivre de son esclave et ne s'en formalisait pas. Il savait quelle affection il avait pour elle et son défunt père. Yougo les considérait comme de bons maîtres lui qui, malgré son jeune âge, avait déjà connu une dizaine de maîtres qui, tous, lui avaient fait goûter au fouet et à la matraque, considérant son éducation comme honteuse ou plus sévèrement comme inacceptable. Le dernier en date l'avait vendu à Simien, prétendant qu'il faudrait certainement lui couper la langue si l'on voulait supporter sa présence sans que les oreilles n'en soient offensées. Et c'est lui que l'on disait manquer de civilité...
La maîtresse de maison sortit des étables et continua sa visite matinale, s'inquiétant, ça de l'avancée de la remise en état du jardin que ne serait sans doute jamais le même, des rosiers précieux qui croissaient depuis son enfance ayant été perdus, ça de l'état général des troupeaux et de l'état de leur laine ou de leur soie. Elle fit un détour par la dépendance pour en vérifier la maintenance puis se dirigea vers la maison. Passant par le vestibule où elle déposa sa cape de mi-saison, s'apprêtait à regagner ses appartements pour son bain quotidien mais fût arrêtée dans sa course par la cuisinière. Cette dernière paraissait passablement inquiète, ce qui n'alarma pas Emelia tant sa tendance à la panique était coutumière. Elle se demanda tout de suite si Mauvaisemine, comme elle aimait la surnommer, avait croisé la route de Mayna mais n'eût pas le temps de pousser plus avant ses questionnements, Willemine prenant la parole sans attendre.
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⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙
FantasyMayna a passé toute sa vie entre les murs froids d'une cellule de pierre, avec Damian, un des serviteurs de l'empereur, pour seul contact avec le monde extérieur. Mais la requête de l'empereur la fera s'enfuir à toutes jambes, suivant son instinct q...