⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 38

Killian était le plus proche de Mayna et s’était précipité pour l’intercepter dans sa chute, sans trop savoir comment ni pourquoi. La Faeria avait hurlé puis s’était effondrée les yeux grands ouverts. Il avait d’abord cru qu’elle avait une vision de l’avenir ou du passé, comme les Voyants, mais s’était ravisé. Ces mages avaient une particularité intéressante, à chaque vision leurs yeux devenaient entièrement blancs. Mais là, ceux de Mayna étaient entièrement noirs, tels deux puits sans fond où s’engouffrait la lumière. Quand elle reprit connaissance cependant, il retrouva le bleu qu’il lui connaissait. Elle le fixa un court instant puis, sans crier gare, se débattit furieusement et s’extirpa de ses bras pour s’éloigner en rampant à toute vitesse jusqu’à se recroqueviller contre un mur éloigné. Sicomore se précipita à sa rencontre et la serra contre elle, prononçant à mi-voix des paroles rassurantes pour la calmer. Jayde, quant à lui, se tourna vers Killian. Il avait le regard sombre, empli de reproches.

    « Je connais ton aversion pour les Faerias. Je ne sais pas ce que tu lui as fait pour qu’elle réagisse de la sorte, mais tu aurais pu t’abstenir. Je sais que Mestrel t’a mis à la tête de notre expédition, mais je te conseille de te tenir à carreau avec elle. »

    Il avait craché ces mots avec froideur. Son ton était menaçant et moralisateur. Pour autant, Killian n’en avait pas besoin. Il se doutait que leur visite à la maison de soin du palais et son comportement vis-à-vis d’elle étaient les raisons de la réaction de la jeune femme, toujours tétanisée dans son coin. Pourtant il n’en était rien. Mayna était retournée, secouée, détruite de l’intérieur. Et Killian ressemblait tant à Godfray… Les années avaient fait leur office sur les traits de l’homme qui venait de prendre d’une manière si cruelle la vie de ses amis, et il avait des yeux gris si clairs qu’on aurait pu les croire transparents. A part ces détails, les deux hommes étaient le portrait craché l’un de l’autre. Elle savait que Killian ne lui ferait pas de mal, même s’il lui vouait une haine qu’elle s’efforçait d’ignorer, elle n’avait donc pas eu réellement peur de lui. Mais ces images… Elle n’arrivait pas à se les sortir de la tête. Chaque fois qu’elle fermait les paupières elle revoyait le corps de Tany, celui de Béti… Tout ce sang, cette souffrance… Elle l’avait ressentie jusqu’au plus profond de sa chair. De con côté, Sicomore ne savait plus quoi faire. Les sanglots de la jeune femme étaient intarissables et ses tremblements secouaient son petit corps de part en part.

    « Dis-nous quoi faire, petite… » Commença Jayde, qui se sentait aussi impuissant que les autres.
    « Il faut que je rentre chez moi ! » Balbutia-t-elle pour toute réponse.
    « On va te ramener au palais et… »
    « Non ! Je dois rentrer chez moi ! Chez Emelia ! Elle… Et Tany elle… Je ne peux pas… »
    « Calme-toi ! » Tempéra Sicomore. « Rentrer chez les humains… Tu as déjà eu de la chance d’arriver jusqu’ici sans être blessée, alors repartir c’est presque impossible ! »
    « Mais ils vont tous mourir ! » Tonna-t-elle. « Je ne peux pas les laisser faire ! Ils vont être… Non je ne peux pas rester ici ! »

    Elle parlait vite, la douleur et la peur laissant peu à peu place à ce besoin qu’elle avait de les protéger, son amour pour eux lui procurant un sentiment de force et d’urgence qu’elle n’avait jamais connu jusqu’ici. S’agitant en tous sens, elle finit par se relever et se rapprocher de la gemme. Elle tendit la main vers elle, la touchant du bout des doigts, encore et encore, espérant en apprendre plus sur le sort de sa famille mais en vain. Quand elle comprit qu’elle n’aurait plus de vision, elle fondit en larme et repoussa tous ceux qui s’approchaient d’elle. Kilian secoua la tête en fixant Mayna, il se disait qu’elle avait dû perdre la raison au contact de la pierre et qu’elle allait finir aussi folle que sa dégénérée de belle-mère.

    « Je ne suis pas folle ! » Hurla alors Mayna, les prenant tous de court.

    Ses compagnons se regardaient en silence, cherchant quoi dire et quoi faire. Elle avait hurlé sans raison apparente, le regard furieux et les poings serrés.