⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 39

L’animal, si tant est que Mayna ait pu le qualifier ainsi, ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait pu croiser jusqu’ici. Long de presque trois mètres, il avait une gueule béante, munie de plusieurs rangées de crocs aiguisés, si fins qu’on aurait dit sa gueule emplie d’aiguilles. Sa tête était un croisement entre un loup et un félin comme il en existe dans les savanes du sud, ses pattes, semblables à celles d’un ours, étaient dotées de quatre doigts aux griffes recourbées. Quand à sa queue, elle était longue et fine et se divisait en trois fouets que la créature s’amusait à faire claquer dans l’air, produisant un bruit assourdissant. Il était si rapide qu’elle l’avait à peine distingué dans le noir avant qu’il ne se jette sur Killian, qui n’avait rien pu faire pour l’éviter. Ses griffes avaient entaillé son torse profondément et sa gueule crachait à présent au dessus de la tête du jeune homme qui mobilisait le peu de forces qui lui restait pour l’empêcher de le mordre, en dirigeant vers lui de puissantes bourrasques de vent. 

    Seulement, sa force et sa maîtrise de l’air ne lui étaient que de peu d’utilité face à ce monstre et aux deux autres, semblables, qui se présentaient derrière lui. Le groupe forma immédiatement une ligne devant Mayna qui tremblait tout ce qu’elle pouvait, impressionnée par la carrure de cette chose trapue et musclée, plus robuste qu’un étalon de trait et plus large qu’un bœuf des montagnes. La surprise l’avait figée sur place, et tout ce sang… Elle n’arrivait pas à en détacher les yeux. Elle avait l’impression de revivre sa vision cauchemardesque, l’odeur métallique emplissait son nez et sa bouche et les éclaboussures qu’elle avait reçues poissant ses habits et son visage. Manquant de tourner de l’œil, elle réussit tout de même à s’essuyer les joues et le front avant de frotter vigoureusement ses mains sur le dos de sa tunique, rare partie encore immaculée. 

    Krylo et Ostar, les archers du groupe, se mirent en arrière et tirèrent leurs premières flèches. Celle de Krylo gela une des pattes d’un des montres en retrait et celle d’Ostar mit feu au pelage de la créature qui se roula sur le sol en mugissant de fureur. Le premier, toujours sur Killian qui se montrait de moins en moins résistant, dû faire face à Decepti, Lior et Sam, qui le matraquaient de coups d’épées, qu'elles soient enflammées ou gorgées d’électricité. De leur côté, Diane envoyait voler des pans entiers de roche sur les montres qui tentaient encore d’approcher et Sicomore tentait de repousser l’assaillant de Killian avec de puissants jets d’eau. 

    Mayna ne savait plus où porter son esprit ni son regard. Partout autours d’elle la forêt n’était plus qu’un immense champ de bataille où se mêlaient les éléments et le choc du métal contre la chair. Mais Killian… Lorsqu'elle reposa les yeux sur lui, elle n’arriva pas à le quitter des yeux. Son beau visage était maculé de terre et de sang, ses membres tremblaient sous l’effort. Cette vision la hantait, comme un mauvais rêve remontant à la surface. Elle ne pourrait peut-être pas sauver Tany et les autres, peut-être assisterait-elle à leur mort, peut-être ne les reverrait-elle jamais… Elle ne pouvait accepter cela. Non elle ne pouvait rester les bras croisés à regarder un homme agoniser. Elle ne pouvait rester à rien faire et condamner un homme à mort, condamner Mestrel à perdre un autre de ses fils. 

    Elle s’infligea une véritable gifle intérieure qui remit en marche tous ses sens et tous ses muscles. Une froide colère s’empara d’elle, fureur dirigée contre ces montres qui tentaient de prendre la vie de l’un des siens. Hors de contrôle, elle plongea au sol, un hurlement froid déchirant son visage en un rictus tordu, et enfonça ses doigts dans la terre. Docile, la terre réagit immédiatement à son ordre. Surgissant sous les bêtes, de larges lances vinrent s’enfoncer dans l’abdomen de deux de ces choses et les transpercèrent de part en part, avant de rapidement pivoter pour les envoyer valser au loin. Celle qui s’en prenait jusqu’alors à Killian délaissa sa proie. Elle se nourrissait de magie et avait trouvé un en cas plus intéressant. Grognant et bavant, elle s’approchait de Mayna. Grossière erreur de sa part, la jeune femme releva les deux bras au dessus de sa tête en un mouvement sec jusqu’à ce que ses paumes claquent l’une contre l’autre. La terre suivit le mouvement, écrasant la bête entre deux langues de pierre, fracassant sa carcasse pour n’en laisser qu’un monticule de chairs et d’os broyés.