𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 51

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Mayna, toujours sous le coup de sa nuit de tendresse et de passion, mit un moment avant de sentir l'agitation qui montait à l'extérieur. Fronçant les sourcils, elle se pencha à la fenêtre et vit au loin ce qui commençait à la tracasser. Killian, qu'elle reconnaîtrait au milieu d'une foule, venait de repousser, à grands renforts de coups de vent, un énorme bloc de pierre, visiblement lancé par une femme en face de lui. Elle avait quelque chose de familier, sa magie surtout mais, à cette distance, elle ne pût en dire plus. Incapable de rester en place, elle enfila à la hâte une robe et, cheveux ballants et pieds nus, s'élança aussi vite que ses jambes pouvaient la mener dans les couloirs. Jugeant sa vitesse trop faible, elle en appela à la terre qui la guida rapidement jusqu'à la plaine où se tenaient Killian, son père, Zéti et bien entendu la femme. Elle reconnut Diane, blessée et visiblement folle de rage, s'attaquant à l'aigle majestueux qui lui faisait face.

Elle s'arrêta une seconde, surprise au-delà de tout, tant par l'apparence de Killian, qui ne revêtait que rarement sa peau d'oiseau à terre, que par la ferveur combative de celui-ci, qui maniait l'air avec aisance et précision, touchant toujours sa cible malgré la roche qui volait autours de lui. Il esquivait les rocher avec une grande habilité, inhabituelle chez un animal de cette taille. Mais après tout, elle avait affaire à Killian, le prodige de son clan qui avait passé les longues années de sa vie à développer ses capacités. Mais quand elle le vit fondre sur Diane, serres en avant et bec ouvert, et attraper l'élémentaire, elle paniqua. Non, elle ne voulait pas le voir verser le sang de ses semblables, elle en avait vu couler bien trop pour le supporter.

« Killian ! Non arrête ! » Hurla-t-elle, presque à bout de souffle avant de se précipiter vers lui.

L'aigle majestueux arrêta net son mouvement. Restant un instant figé, il finit par se détourner de sa proie et, en un battement d'aile, fût près de Mayna. La jeune femme, essoufflée et inquiète, se retourna vers lui et noua ses bras autours de son cou, enfouissant ses doigts dans ses plumes, tant pour calmer les battements de son cœur que pour apaiser son oiseau qu'elle sentait au bord de l'implosion.

« J'aurais préféré que tu ne vois pas cela... » Pensa-t-il.

Elle sentait la culpabilité dans sa voix intérieure. Sans doute avait-il honte de sa réaction mais elle ne s'en souciait pas. Elle avait simplement eu peur pour lui, peur qu'il soit blessé et qu'il blesse quelqu'un d'autre. Il le cachait bien mais cet homme avait un cœur en or, débordant d'amour pour les siens, et elle était persuadée que jamais il ne se pardonnerait d'avoir blessé une mage dans un combat comme celui-ci. Alors elle secoua simplement la tête, plongeant son visage dans son poitrail recouvert de plumes plus douces que la soie, et sourit.

« Ne te reproche rien. Tu devais avoir une bonne raison. »

Il en avait une, en effet, qui ne tarda pas à se rappeler à lui. Diane, qui s'était relevée, était toujours en proie à la fureur. Ses blessures étaient profondes mais elle n'en sentait rien. Fulminant, son visage était déformé par un masque de rage. Elle avait eu, l'espace d'une soirée, un aperçu de ce qu'aurait pu être une vie à ses côtés, un aperçu de ce qu'elle avait toujours voulu avoir, et on venait de le lui retirer. Cette Faeria, qu'il dénigrait depuis son arrivée, venait de le lui retirer. Non, elle ne pouvait l'accepter. Puisant dans ses dernières forces, elle leva la main. Mestrel, qui avait senti le danger, hurla pour les prévenir. Avant qu'elle ait pu faire le moindre mouvement, Killian éloigna sa compagne d'un coup d'aile et reçu à sa place la lance de pierre qui lui transperça la poitrine.

Diane, effarée par sa réaction, ne sût que faire. Que venait-elle de faire ? Et lui, pourquoi avait-il pris la place de ce monstre qui les empêchait d'être ensemble ? Prenant son visage dans ses mains, elle chancela. Mayna, quant à elle, était à deux doigts de perdre la tête. Diane venait de frapper Killian, qui perdait beaucoup de sang, et elle ne voyait rien d'autre que cela. Diane... Non, elle ne la laisserait pas s'en tirer si facilement. Serrant les dents, elle plongea ses doigts dans le sol. En jaillirent de véritables flèches de fer qui filèrent sur Diane. Mestrel, plus rapide qu'on ne l'aurait cru pour un homme de son âge et de son tempérament, força sur ses jambes et attrapa l'élémentaire de justesse pour lui éviter une mort certaine. Diane ne réagissait plus mais Mayna ne s'en souciait guère. La seule chose qui l'empêchait d'agir était la présence de Mestrel à ses côtés. Elle le considérait comme un ami et de plus en plus comme le père qu'elle n'avait jamais eu. Non, lui, elle ne lui ferait pas de mal.

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant