⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 28

Noctaline fulminait. Elle avait attendu près de cinq longues heures avant qu'on ne l'informe que le conseil était enfin réuni. Les membres du conseil ne devaient quitter le palais de cristal qu'en cas de crise dans leurs clans respectifs ou dans leurs familles. Sinon ils devaient demander une permission spéciale, mais, dans tous les cas, représentant par deux couples les clans, le conseil pouvait toujours se réunir, même avec un élu absent, le vote de son suppléant comptant au même titre que celui du titulaire. Quoi qu'il en soit, à chaque instant les élus ou, en cas d'absence, leur suppléant, devaient toujours résider au palais de cristal et donc être présents en cas de réunion d'urgence. Cinq heures ? Ses longues décennies de vie n'avaient jamais connu une telle attente, une telle humiliation. Ancienne membre du conseil, elle n'aurait jamais laissé passer un tel affront à l'époque où elle siégeait, en compagnie de son alter ego masculin, sur l'un des douze sièges de la salle du conseil.

Trépignant d'impatience, elle allait et venait, pestant encore sur la lenteur des choses, quand un des érudits vint enfin la chercher pour la mener aux élus. Ils attendaient tous, bien installés sur leurs sièges, comme s'ils n'avaient aucunement fait patienter la sage guérisseuse plus que nécessaire. Noctaline était certes d'une nature douce et généreuse, plus encline à pardonner qu'à garder rancune, mais elle n'avait nullement l'intention de faciliter les choses aux élus qui la toisaient avec humeur, visiblement ennuyé qu'on les ait coupés dans leurs activités.

Noctaline, fière et difficilement impressionnable leur rendit leurs regards avec un sourire mauvais sur le visage. Assis en demi cercle devant elle, elle pouvait tous les détailler un par un depuis son petit siège de pierre translucide. A gauche, Orcho, l'élu mâle du clan des Guérisseurs et Ziane, celle qui l'avait remplacée depuis quelques années déjà, à leurs côtés, Mestrel, sage parmi les Changeformes et sa partenaire Jenks. Méfiants par nature, ils avaient tous deux les regards les plus durs et les postures les plus tendues. Venaient ensuite Celebrin, grand maître des Erudits, pilier du conseil et Lithlin, la fille de Mestrel qui avait depuis quatre décennies rejoint le clan des Erudits par mariage et par choix. Olin et Kalya, des deux élus des Elémentaux, peu loquaces, préférant la compagnie de la nature à celle de leurs semblables. Suivaient Garth, un aveugle du clan des Voyants et Udany dont la vue dépérissait de plus en plus. Le fardeau des Voyants... Ils pouvaient voir clairement le passé et l'avenir dans des rêves éveillés mais perdaient le sens de la vue à mesure qu'ils utilisaient leur don. Pour finir, les Enchanteurs, insaisissables et extrêmement sélectifs dans le choix de leurs membres. Merdin, grand forgeron et Alabeth, la sorcière qui commandait aux animaux, étaient d'ailleurs parmi les plus sévères des recruteurs.

Dans un soupir, Noctaline s'arracha à son observation méprisante de ces élus qui visiblement s'enorgueillissaient de leur position et se leva, ne sachant que trop bien le temps qu'ils pouvaient prendre avant de lui adresser la parole. S'avançant au centre du demi-cercle des trônes surélevés, elle posa ses mains sur ses hanches et commença son récit d'une voix forte. Il y avait peu à dire, mais elle prit le temps de le faire tout de même.

« Il y a trois jours, alors que je revenais du village de l'est, étant en visite chez ma fille, j'ai trouvé sur la plage une jeune femme inconsciente. Hormis son état comateux, elle était parfaitement indemne. » Commença-t-elle. Elle marqua une pause avant de reprendre, s'assurant que l'information leur parvenait réellement. « Oui, indemne. Pas une blessure, rien. Mais le plus surprenant n'est pas là. Je ne sais depuis combien de temps elle était étendue sur la plage, mais la mer semblait vouloir la protéger. L'eau, mêlée au sable, formait au dessus d'elle une ombrelle mouvante, l'abritant des rayons du soleil. Et, au loin, j'ai pu voir les orques. Ils tournaient en rond en face d'elle, comme pour la surveiller, et ne se sont éloignés qu'une fois qu'elle fut chargée sur ma monture. Je lui ai administré les soins qui s'imposaient pour la réveiller et lui ai donné de quoi se sustenter. Elle n'a répondu qu'à une question, son nom. Mayna. Je sais également que c'est une sorcière, mais qu'elle ne l'a appris que récemment. »