⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 72

Killian n'en revenait pas. Le souffle coupé, il s'efforçait à ne pas succomber à la détresse de sa compagne. La nouvelle annoncée par Orelio n'aurait pas jeté un tel voile de sombres pensées dans leurs esprits si elle n'avait été aussi lourdes de conséquences. Souveraine du monde des Hommes, Impératrice d'Alderan. Condamnée à demeurer sur ce continent qui lui a causé tant de souffrances alors qu'elle venait de perdre la dernière personne chère à son cœur en ces lieux. Privée à jamais de l'île des mages et de ses habitants, de ceux qu'elle avait été amenée petit à petit à considérer comme sa famille, son peuple, les siens. Il avait senti, au fur et à mesure de leur avancée dans ces terres, son envie grandissante de rentrer sur Ferys, retrouver Mestrel et sa sagesse, Zéti, espiègle et joyeux, s'affairer à guérir les Changeformes prisonniers de leur totem dans la forêt des bêtes. Elle voulait revoir les doudoutons et le soleil inonder de lumière la frontière océane à son coucher. Elle voulait vivre libre...

Il la vit s'effondrer au sol, témoin direct de sa douleur, et, ne la voyant pas se relever, s'approcha d'elle. Elle tremblait plus qu'il ne l'aurait cru possible, au point que son propre corps lui faisait mal. Gémissant, elle fixait le sol, l'écume s'échappant de ses lèvres ouvertes, les yeux écarquillés. Il fronça les sourcils. Non cette réaction n'était pas normale. Lorsqu'il croisa son regard, alors qu'elle levait vers lui des yeux effrayés, il comprit. Son bras avait commencé à s'allonger, son visage à se déformer. Il devait faire vite. Étant donné la puissance de Mayna, ils devaient s'éloigner.

« Que tout le monde s'écarte ! Eloignez-vous le plus possible et mettez-vous à l'abri ! » Cria-t-il à l'adresse de quiconque voudrait bien l'entendre. « Rester près d'elle est dangereux, sa magie risque de se déchaîner ! »

Sans plus attendre, il attrapa les deux plus proches combattants et, les tirant derrière lui, commença à courir. Il avait aperçu non loin un muret écroulé avec un appentis qui ferait un abri convenable, dans la mesure où elle ne rasait pas la cour entière en laissant éclater son énergie. Jamais, dans l'histoire des Faerias, une prêtresse n'avait acquis ce pouvoir, cette particularité confinée à un seul et même clan. Jamais il n'y avait eu de Changeforme... Et une métamorphose si tardive, si brutale, avait toutes les chances de blesser Mayna et ceux qui l'entourait. Au vu des dégâts causés par la panthère de Zéti, il avait peine à anticiper la destruction qu'allait provoquer sa compagne. Il n'arrivait même plus à communiquer avec elle, tant son esprit était empli par celui de la bête qui prenait place en elle.

Mayna ne ressentait plus la douleur, elle ne ressentait plus rien. Prisonnière de sa peur, elle errait dans le vide de son esprit, cherchant la moindre lueur à laquelle se raccrocher. Killian avait disparu. Ils avaient tous disparu. Elle était seule. Son corps se distordait, ses organes bougeaient, sa peau se déchirait pour renaître, et bien qu'elle se rende compte des changements qui s'opéraient en elle, elle ne sentait rien, ce qui l'effrayait un peu. Allait-elle perdre la tête, elle aussi ?

« Non, tu ne crains rien, la folie ne s'emparera pas de toi. » lui murmura une voix inconnue. « Laisse-toi le temps de devenir celle que tu es. »

« Qui es-tu ? » S'efforça-t-elle de demander

« Je suis celle que tu seras lorsque tu deviendras moi. »

Si la réponse manquait de clarté, elle eut pourtant sur elle l'effet apaisant d'une étreinte. Ce sentiment de solitude qui l'oppressait s'évanouit et les ténèbres se dissipèrent. Ouvrant les yeux, elle vit s'étendre devant elle la cour du palais impériale, ravagée par les éléments et le combat. Elle voulu s'appuyer sur ses bras pour se relever mais ne put que brasser l'air.