⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 73

Sans attendre que sa compagne reprenne ses esprits, Killian s'approcha plus encore d'elle et, posant une main dans son dos, tenta de l'éloigner du groupe. Il devait lui expliquer en quoi consistait son nouveau pouvoir, réellement. Il devait lui dire quel était réellement le don accompagnant son totem, tout comme la maîtrise du vent suivait son aigle d'or. Il n'eut que le temps d'ouvrir la bouche cependant, les limiers ne lui laissèrent pas le temps de faire plus. Frustré, il ferma les yeux, grommela pour lui-même et, sous l'œil encore tremblant de Mayna, se retourna.

« Non mais, attendez voir... La p'tite elle se transforme en piaf et nous on doit rester là, sans rien dire, pendant que notre plus ancienne loi offre sans détours la couronne à un maudit pigeon ? C'est marcher sur la tête ! »

« Et on fait passer ça comment auprès du peuple au juste ? Des décennies durant on s'est battus pour leur faire croire que les mages n'étaient que des superstitions de vieux séniles, et là on leur pond une impératrice magique ? »

« Il a raison, on passe au mieux pour des menteurs, et on gagne des sifflades, au pire pour des traitres, et c'est une révolte continentale qui nous attend ! Comment vous voulez qu'on gère ça ? »

Killian, sentant son esprit bouillir sous les assauts des humains en colère, prit son visage dans ses mains et souffla fort, faisant sursauter une Mayna déjà bien intimidée et désemparée par les vociférations de ces hommes. Il n'eût pourtant le temps de réagir, c'est un autre, jusque là absent, qui s'en chargea pour lui.

« Ce n'est certes pas à vous de vous inquiéter de la marche à suivre, limiers. Ni aux espions, ni aux assassins, ni, que sais-je, aux domestiques. C'est à Nous, les grands conseillers, de nous occuper de comment répandre l'information. »

Tous et toutes s'étaient tus, humains et mages, à l'apparition de cet homme. Sa présence seule était écrasante d'autorité, sa voix l'était plus encore. Dans les quelques cheveux gris qui ornaient une chevelure très sombre, coupée courte et tirée en arrière, on pouvait voir les années et l'expérience qui les accompagnait. Ses yeux, d'un vert sombre, détonnaient au milieu d'un visage basané, si buriné et si marqué par le temps qu'il en semblait charbonné. Une grande cicatrice marquait sa joue gauche, remontant jusqu'à l'œil qui avait été épargné de peu par l'arme responsable. Vêtu sobrement, entendons par là sans fioritures ni recherche, ses habits n'en étaient pas moins propres et les tissus, solides et légers, témoignaient de sa richesse et de sa position au sein de l'entourage de l'ancien empereur.

Une cape de fourrure, simplement ornée d'un anneau d'argent pour maintenir l'attache, composait la seule marque de réelle vanité dont ce maître de la cour faisait pourtant preuve quotidiennement. Les bottes de cuir brun, fourrées avec une peau de lapin tannée dont le poil doux conservait parfaitement la chaleur, remontaient haut sur les jambes, jusqu'aux genoux, protégés par une extension de cuir durci. Un pantalon noir, en toile épaisse, surmonté d'un manteau d'hiver de la même couleur et flanqué d'une large ceinture du même cuir que les bottes, constituaient le gros de sa tenue. Des gants d'escrime en cuir de cerf et une écharpe de soie fine complétaient le tout. C'était un personnage aussi intimidant qu'effrayant et Mayna, encore un peu secouée par le rude combat mené et sa récente transformation, peinait à garder sur lui son regard. Elle tremblait, ce qui alarma Killian.

« Qui êtes-vous donc, pour réclamer ce droit ? » Demanda-t-il, suspicieux. « Nous ne vous avons vu prendre parti ni pour un camp, ni pour un autre ce soir. Allez, annoncez-vous ! »

« Je ne saurais que trop te conseiller d'ouvrir les yeux et d'observer, jeune mage. Il n'y a plus ce soir aucun camp, et seulement un peuple qui aura bien de la peine à s'unifier, comme il le fut jadis. Quant à moi, je me nomme Gremen et les hommes qui sont ici sont les miens. Tous n'ont pas suivi mes ordres, pourtant, et si l'insubordination est, dans mes rangs, punie de mort, force est de constater qu'elle a déjà été dispensée. »