𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 63

38 8 4
                                    

Artemise portait son masque de joie à la perfection. Elle savait manipuler les traits de son visage pour y dessiner des émotions à volonté. Pourtant, malgré son talent, elle ne pouvait cacher sa tristesse à Mayna. La jeune femme hésitait à l'interroger, ne voulant s'immiscer dans ses pensées, mais se retint, se disant que le lieu et le moment étaient mal choisis pour ce genre de conversation que l'on ne tenait d'ordinaire qu'entre amies proches. Se serrant davantage contre le torse de Killian, elle se décida à changer de sujet.

« Désolée si je t'ai vexée, ce n'était pas mon intention. Je connais mal ces oiseaux et ne les ai vus à l'œuvre qu'une seule fois, lorsque Killian a envoyé à travers l'île des demandes pour qu'on nous accompagne. Je te fais confiance, tu les connais mieux que moi. Nous avons rédigé un semblant de message, assez rapidement, mais qui dit l'essentiel sans trop en dévoiler. Tu peux le confier à l'un de tes locursas ? »

Artemise, qui connaissait les capacités de la Faeria, fût soulagée qu'elle ne s'étende pas sur ses perceptions, mais ne le montra pas, affichant de nouveau son masque parfait. Haussant les épaules, elle se contenta de prendre l'un des oiseaux sur son bras et répondit d'un ton blasé.

« Ils sont là pour ça. Donne-moi le message, je vais le lui confier. En attendant, tu peux fouiller dans la mémoire de ton... ami... pour trouver la destination ? »

« Oui, je peux. Orelio ? Tu peux venir face à moi s'il te plaît ? »

Elle s'était placée à califourchon sur le banc et attendit qu'il fasse de même avant de porter ses mains sur les tempes du marin. Si elle pouvait entrer à sa guise dans l'esprit des gens sans effort, il lui était plus facile de fouiller dans les souvenirs anciens, de chercher un moment précis, en touchant son vis-à-vis. Orelio, la voyant s'approcher, eut un mouvement de recul qui, bien qu'elle tenta de n'y prêter aucune attention, lui pinça le cœur.

« Aurais-tu peur de moi ? »

« Non... » Répondit son ami. « Mais je n'ai jamais... Est-ce douloureux ? »

« Absolument pas. Tout au plus, tu pourrais te sentir un peu désorienté, tes pensées ne t'appartenant plus et ton esprit obéissant à la volonté de quelqu'un d'autre, mais ce ne sera que passager et tu te sentiras à nouveau parfaitement bien une fois que je serai sortie de ta mémoire. »

« Et c'est tout ? » Poursuivi-t-il. « Je veux dire, vas-tu seulement chercher ce qui t'intéresse, ou peux-tu fouiller n'importe où dans ma mémoire, mettre à nue mon intimité, mes pensées les plus personnelles, et t'y balader à ta guise ? »

Mayna comprenait son hésitation, ses appréhensions. Elle avait eu les mêmes aprioris lorsqu'elle s'était découverte ce don précieux, jugeant ce pouvoir intrusif et malsain. Lorsqu'elle ne le contrôlait pas encore, Killian lui avait reproché plusieurs fois de ne pas garder ce qu'elle entendait ou voyait pour elle et de poser des questions déplacées. Orelio avait le droit de douter, il avait raison de le faire. Pourtant, ils devaient en passer par là.

« Je vais avoir accès à toute ta mémoire, Orelio. Que tu le veuilles ou non, que je le veuille ou non. Cependant, et je compte sur toi pour cela, tu peux me guider mentalement. Essaye de forcer mon esprit à se rappeler de ce que tu as vu. Il faut que tu me guides, comme on le ferait pour un aveugle récalcitrant. Tiens moi par la main dans ce voyage à travers ta mémoire et force moi à aller où tu veux que j'aille. Si tu ne me guide pas, je serai tout d'abord happée par les souvenirs et les pensées en surface, les plus forts, les plus récents, avant de pouvoir me diriger un peu au hasard vers de plus anciens. Il me faudra fouiller pour trouver ce que je cherche et, ne sachant pas à quoi m'attendre, il se peut que je passe à côté sans le savoir. C'est donc à toi d'éviter que je voie ce que tu ne veux pas que je voie, en fermant les portes et en les ouvrants au fur et à mesure de ma progression dans ton esprit. »

⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant