⸙ Faeria ؞ Fille de la Forêt ⸙

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 21

Emelia était à court d'idées. Les jours qui avaient suivis la course de Mayna à travers la ville avaient été pour le moins stressants. Ponctuées de cauchemars, les nuits de la jeune fille se soldaient souvent par un réveil en sursaut agrémenté de larmes intarissables. Enfermée dans la bibliothèque, la plupart temps, elle n'en sortait que pour les repas ou, une fois seulement, pour accompagner Tany et sa maîtresse sur la plage, ne lâchant leur main sous aucun prétexte, s'accrochant à elles comme si sa vie en dépendait. Elle n'avait même pas consenti à s'en détacher pour relever les pans de sa longue robe et tremper ses pieds dans l'eau.

Elle ne parlait pas beaucoup de ce qui lui était arrivée devant la maison de chair, ni de ce qu'elle avait ressenti, ni de sa blessure au dos, marqué d'un énorme bleu violacé par les coups de genou de ce barbare qui la tenait par les cheveux. Elle préférait discuter de tout et de rien, papotant généralement avec Bétricia ou écoutant les récits des balades de ses deux compagnes. Mais Emelia ne l'entendait pas ainsi et espérait bien retrouver la jeune fille plein d'entrain, espiègle comme une enfant et aussi vive de corps que d'esprit, qu'elle avait connue jusqu'ici. Alors, quand Tany vint la rejoindre sur la terrasse de toit, un grand sourire aux lèvres, elle se redressa vivement et l'invita à s'installer à ses côtés pour laisser sortir son idée qui lui brûlait visiblement les lèvres.

« Maîtresse, je viens d'apprendre que la fête du solstice va commencer ! Ce soir, les habitants organisent la première fête de la quinzaine, sur la plage. Il y aura des artistes, des cracheurs de feu, des jongleurs, des danseurs, et nombre d'étals de nourriture, de boissons et de produits locaux. Penses-tu que cela pourrait l'intéresser ? L'idée d'une telle animation pourrait bien la faire sortir de son isolement, non ? Elle qui est si curieuse de nature... »

« Elle l'était jusque là, en effet, et je pense que cela lui ferait le plus grand bien. Si nous lui promettons de ne la laisser seule sous aucun prétexte, gardant toujours sa main dans la notre, elle nous suivra sûrement ! Mes dieux, je ne pensais pas que la saison était si avancée... Déjà la fête du solstice... »

Cette grande fête, admirable tant elle était colorée et gorgée de jeux, de boissons, de nourriture, de musique, de danse et d'autres activités toutes aussi joyeuses les unes que les autres, faisait la fierté de la région. Ancienne coutume des prêtresses des temps anciens, les habitants, fiers de leur histoire, avaient gardé cette habitude et rivalisaient chaque année de créativité et d'audace pour célébrer comme il se devait les quinze jours les plus courts de l'année, faisant la fête du lever au coucher du soleil et organisant, une fois le soleil couché, de grands banquets et des feux de joie. Emelia réfléchit à toute vitesse à une manière d'attirer Mayna à ce premier soir de festivité, espérant bien profiter avec ses deux amies de l'effervescence de la ville à cette époque. Elle remercia Tany, l'invitant à se reposer sur la couche moelleuse de la terrasse, à l'ombre de la tenture et se leva, déterminée à faire sortir la jeune femme de sa cachette.

Elle la trouva, comme à son habitude, terrée dans la bibliothèque, un gros livre posé sur les genoux. Elle était assise sur la banquette de la fenêtre du fond, les pans de sa robe tombant sur ses jambes jusqu'au sol, dénudant ses pieds nus posés à même les coussins. Perdue dans sa lecture de ce qui semblait être un recueil de légendes locales, pour lesquelles elle s'était prise de passion, elle n'entendit pas son amie approcher et sursauta quand celle-ci posa une main sur son épaule.

« Madame ! Par les... Padonnez-moi je ne vous avais pas entendue arriver. »

« Ce n'est rien, excuse-moi de t'avoir fait peur. Tu n'apprendras donc jamais à me tutoyer ? Comme le fait Tany ? »

« J'avoue avoir un peu de mal... »

« Essaye quand même, s'il te plaît. Je ne suis pas réellement ton employeuse tu sais, je ne te demande pas de me considérer comme ta supérieure hiérarchique. »