Les caprices du prince

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Une chaleur moite avait plongé Sabledoray dans une langueur communicative. Une ambiance qui se cristallisait dans les ailes du palais royal où séjournaient les Légendaires pour quelques jours.

Danaël était installé sur le lit immense qu'il était invité à partager avec la princesse Jadina. Une situation des plus délicates et inconfortables. Le chevalier se tenait sur ses gardes, comme si la légendaire pouvait à tout moment le jeter dans un solide embarras. Le seul fait de se trouver ici, dans la demeure du prince Halan, suffisait déjà à tourmenter ceux qui avaient eu le déplaisir de croiser sa route, mais le maître des lieux avait en plus de cela eu le bon goût de répartir ses invités selon son humeur du moment. Une plaisanterie qui était loin d'être du goût du chevalier.

— Jadina, à quoi ça rime, toute cette histoire ?

— Si tu précisais de quoi tu parles, je pourrais peut-être te répondre.

Jadina brossait ses cheveux avec un soin tout particulier, au point où Danaël n'osa même pas la déranger. Si la princesse avait choisi la vie de justicière à celle à laquelle son rang la prédisposait, elle n'en demeurait pas moins de haute naissance. Les habitudes ne disparaissaient pas si facilement et elle semblait parfaitement à sa place en ces lieux. Parfois, Danaël en venait à se demander s'il n'aurait pas mieux fallu la laisser adhérer à ce destin plutôt que de l'en éloigner. De dos, ses rondeurs s'épanouissaient sous le voile des vêtements typiques de Sabledoray qui ne cachaient rien de ses formes voluptueuses. Une beauté aussi exotique que cet auguste pays. Le chevalier lui accorda un regard et se détourna aussitôt. Halan n'avait rien perdu de son humour cinglant et particulier, mais Danaël ne comprenait pas le sens de cette plaisanterie. Le forcer à dormir avec Jadina alors qu'il nourrissait à son égard des sentiments connus de tous, c'était tenter le diable. Si les deux adultes avaient tout fait pour taire toute ambiguïté lors des voyages et combats qui peuplaient leurs aventures, l'attirance qu'ils nourrissaient l'un pour l'autre était aussi réelle qu'inavouable. Halan ne pouvait pas prendre un tel risque.

— Halan, maugréa Danaël, comme une injure.

— Eh bien, quoi ? Il s'est montré charmant, même à ton égard. Crois-moi, je suis étonnée qu'il se soit révélé si serviable, c'est loin d'être dans ses habitudes.

— On aurait mieux fait d'emprunter un autre itinéraire, je maintiens que notre passage à Sabledoray était une perte de temps et un vrai...

— Danaël, le coupa Jadina, se levant d'un bond. On en a discuté des dizaines de fois. Tu ne veux pas cesser d'être de mauvaise foi ? Il s'est montré charmant, il est notre hôte et son comportement n'a rien de si détestable. Mets de côté ta fierté et admets-le !

Danaël préférait mourir plutôt que de l'admettre et, pourtant, il fallait reconnaître qu'Halan s'était révélé accueillant. Un hôte parfait. Les Légendaires faisaient escales à Sabledoray au cours d'une mission qui semblait prête à durer plusieurs mois et le prince avait offert son hospitalité en plus d'insister pour que les héros prennent un peu de repos. Après tout, la menace que représentait le Sorcier noir attendrait bien un jour ou deux. Perspective à laquelle Danaël s'était farouchement opposée, résolu à poursuivre sa route après une nuit de sommeil. Face aux protestations de ses camarades, il avait été forcé de céder, persuadé que ce personnage insupportable et tyrannique se jouait de lui dans le seul but de remonter ses frères d'arme contre lui.

Jadina considéra le chevalier avec un mélange d'exaspération et d'amusement mal dissimulé. Il était incorrigible et elle était soulagée que ce séjour à Sabledoray se déroule sans accrocs particuliers. Elle refusait de faire les frais d'une dispute ou d'une concurrence de mâles mal dégrossis. En fait, la princesse ne demandait qu'à se délasser d'un voyage particulièrement éprouvant et profiter d'un luxe qu'elle ne pensait plus connaître.

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