Funeste destin

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  J'étais couché sur mon lit moelleux et je réfléchissais, comme tous les soirs depuis un bon moment déjà. Je pensais à mes ambitions, mes rivalités, mon passé, mon avenir. Tout cela formait au brouillard si épais autour de moi que je n'y voyais plus rien. Tout n'était que mirage et illusion. Et j'avançais à l'aveuglette au risque de tomber pour ne plus jamais me relever. Il m'arrivait de trébucher mais je me redressais immédiatement pour ne surtout pas mourir. Mais je le sentais, le pire était à venir, une épreuve plus dure que celles que j'avais déjà affrontées, allait se mettre à travers mon chemin. Et cette fois, je ne me relèverai pas !

Une personne m'était immédiatement venue à l'esprit : Shimy ! Celle qui me pourrissait l'existence depuis maintenant plusieurs années et qui m'empêchait d'être la meilleure ! La seule. Depuis son arrivé, elle n'avait cessé de me prendre se qui m'appartenait, la place de numéro 1 par exemple. Elle avait tout se que je ne possédais pas : une famille et de l'amour de leur part. Et elle ne se rendait même pas compte de la chance qu'elle avait. C'est toujours pareil, on se rend compte de se qui nous manque que lorsque s'est trop tard, pas avant. Je la détestais et je ne laisserai jamais me voler la place d'elfe élémentaire. Le seul rêve que je n'ai jamais eu et ma seule raison de vivre, la chose qui m'encourageait à avancer et ne surtout pas abandonner.

J'avais bien-sûr aussi des personnes qui m'aimaient et tenaient à moi : Regen et Roccia. Je n'étais pas dupe, j'avais remarqué la façon qu'avait mon amie de me regarder. Mais je ne voulais pas la blesser alors j'ignorais, la vérité fait souvent bien plus mal, j'en sais quelque chose. Moi, j'aimais Kalgon. Il m'avait toujours impressionné et je voulais suivre ses traces. Depuis peu, j'avais plus que de l'admiration pour lui. Nous nous retrouvions presque tous les soirs quant il était à l'école, dans un endroit précis, en amoureux. J'adorais ces moments qui me permettaient d'oublier tous mes tracas, un peu de tendresse qui me remontait le moral. Mes petits moments de répits. J'imagine que je ne devais pas être très discrète en rentrant dans les dortoirs, un sourire béat sur mes lèvres sombres.

Je m'entrainais chaque jour sans relâche pour être toujours meilleur. Même la nuit je continuais, grâce à l'aide de Regen et Roccia à qui je dois beaucoup. Je m'imaginai déjà être la nouvelle elfe élémentaire, j'en rêvais ! Depuis mon arrivé, la directrice Shyska me faisait entendre que j'y arriverais, et je voulais tellement y croire. Pouvoir toucher le bonheur, enfin, moi qui avais autant souffert.

Presque mécaniquement, je touchai ma cicatrice qui défigurait mon visage, traçant un diagonal tout au long de ma joue. Elle me rappelait un épisode particulièrement douloureux de ma vie. Des gens avaient pensés que les personnes tels que moi, ne méritaient pas de vivre, nous « confondant » avec des criminels à cause de la couleur de notre peau. Je ne devrais pas me souvenir de cet épisode, mais pourtant, il était resté gravé au fer rouge dans ma mémoire et je savais pertinemment que jamais, je n'oublierai.

Encore aujourd'hui, on me dévisageait pour ma couleur de peau ou les autres choses qui me rendait « hors norme » et me rappelaient que jamais je n'entrerai dans la catégorie « normaux ». On me regardait avec un mélange de dégoût et de peur, parce que pour eux, tous les elfes noirs n'étaient que des voleurs, des brigands, ou même, des criminels. Souvent, je détournais le regard, serrai les poings et laissais couler sans réagir. C'était presque devenu une habitude.

Mon regard se posa sur mon bras, ou plutôt, sur l'absence de mon bras gauche. Un autre souvenir de ce jour maudit qui avait donné un autre sens à mon existence, un tournant nouveau. Si rien ne s'était passé, j'aurais surement vécut heureuse dans ma famille, inconnue de tous mais bien heureuse. J'aurais eu une routine bien tranquille, une famille aimante, des passions, des amis et peut-être même, un amoureux. Une vie bien tranquille. Avec des petits problèmes, comme tout le monde, des petites joies. Un rien m'aurait fait plaisir, une vie toute simple. Comme tout le monde en rêverait !

Mais, non ! J'avais compris depuis longtemps que rien n'arrivait pour rien, alors si j'avais vécu tant d'horreur c'est qu'il devait y avoir une bonne raison. Un « pourquoi ». Les épreuves m'avaient forgés un mental d'acier et une force inépuisable. Et j'avais découvert mes dons, un bien pour un mal ! Ils m'avaient sauvés de l'orphelinat mais pour finalement me retrouver ici, les regards dégoutés étaient toujours les mêmes. Tant d'événements avaient bouleversés ma vie, la liste était interminable.

Maintenant, quelque chose allait arriver, me terrasser, m'anéantir. Une ombre sombre planait autour de moi, comme une épée de Damoclès qui menaçait de tout faire basculer, encore une fois. Une chose que je ne pouvais pas combattre, une sorte de fatalité, un funeste destin. Je pouvais simplement me débattre, essayer d'y échapper, un vain combat que j'avais déjà perdu. Je le sentais, ça oppressait ma poitrine, me coupait le souffle, comme si l'on voulait me prévenir que tout allait bientôt se finir. Mon rôle n'était pas drôle mais c'était mon rôle et j'allais le remplir jusqu'au bout. J'avais rempli ma part du contrat et qu'il fallait laisser ma place à présent. J'allais mourir.


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