Chapitre 32A:never forgive.never forget.

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27 Septembre 1942.

Il va falloir le dire.Oui,il va falloir le raconter.Ce souvenir qui était l'un des plus pénibles de ma vie.Il allait peut-être falloir le revivre un instant,deux ans et demi plus tard,pour ensuite,recommencer à vivre normalement....

-Oh,Panne,commençai-je en pleurant.Oh,Panne.Si vous saviez ce qui est arrivé,comment j'ai commencé à tragiquement perdre l'esprit.Panne,je pense qu'il faut absolument que vous entendiez ce qui est arrivé.Ce jour où nous devions sortir Gosia et Marek du ghetto,le soir même.Soir qu'ils n'ont jamais pu atteindre.

-Je suis désolée...commença la blonde.

-Nous avions pourtant déjà commencé à organiser leur départ.Ils sont partis avant Felix et Aniela car Soshele n'était pas encore prête à les voir partir.Au sein du ghetto,là où Gosia et moi nous étions cachées,nous avions trouvé une caisse de déménagement,une gigantesque caisse en bois qui pourrait très bien sembler faire partir des marchandises produites ici même.Dix enfants pouvaient y tenir debout.Très tôt le matin donc,mon père,dont les larmes coulaient sur le visage sans qu'il ne s'en aperçoive,est allé la récupérer dans cet entrepôt qui fut plus tard désigné hopital militaire lors de la révolte.

Ensuite,ils les guideraient dans la salle gigantesque,où travaillent une quarantaine d'ouvriers esclaves,sans eau ni lumières,dont Wladislaw,Waldek,et Halina.Comme si Marek et Gosia en étaient la production directe.

Je m'étais entretenue avec Jablonski dans la matinée.Ma petite soeur de huit ans et mon petit frère de douze seraient enfin libres,et en bonne santé.Et pourtant,cet après-midi là....

Ma voix ne cessait de se fendiller,tant ce souvenir était cruel.Tant à partir de ce moment je pouvais me considérer comme morte.

Grimpant dans un arbre touffu et vert avec mes deux cadets,je leur montrais,quelque part dans Varsovie,là où ils allaient habiter.Ils écoutaient d'un air très sérieux mes consignes,tout en cachant leur émotion à l'idée de nous quitter.Ma voix déjà se fendait à l'idée de les laisser seuls.Non,ils ne le seront pas.

En début d'après-midi,Waldek Ania et moi nous sommes réunis dans cet arbre,près d'une anfractuosité dans le mur impénétrable du ghetto de Varsovie.Wladislaw était allé travailler.Halina était avec les enfants de Soshele chez janusz Korczak.Un soleil de début d'automne,un soleil étrangement crépusculaire pour ce début d'après-midi,éclairait des rues qui se vidaient.Il fallait en finir au plus vite.

-Nous devons tous nous protéger coûte que coûte,j'ai professé en serrant les mains saillantes de Waldek,les accordant au rythme de mes paroles.

-Je promets.

-Je promets,continua sa petite soeur.

Nous étions dans notre arbre,celui qui nous cachait de tous les malheurs.Ou du moins,nous le croyions.Dans cet arbre,nous pensions qu'aucun malheur ne pouvait nous atteindre.Cela faisait déjà un an que personne n'était mort,dans notre entourage.Nous nous pensions déja tirés d'affaire.

Vous savez,ce que c'est,quand une personne que vous aimez meurt?Une fièvre insurmontable vous gagne,et vous emporte avec elle.Cette fièvre m'a gagné,certes,mais elle n'a même pas voulu m'emporter.Elle m'a consumé de la haine qui l'avait accompagné,j'avais l'impression qu'on m'avait tout arraché,sauf le souffle de vie.Qui lui était simplement étouffé.C'est comme si,seulement maintenant,j'étais entrée dans le monde des adultes,comme si j'avais réellement vieilli d'un seul coup.

On se dit que c'est fou ce qu'on a pu évoluer en trois ans,en se réfugiant un peu plus dans le nid vert et doré qu'on s'était constitué.Nous aussi,le ghetto nous avait changé.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant