Chapitre 3A:La poésie

96 13 1
                                    

Je suis sortie de la salle de bains.Panne était là,mais les deux autres n'étaient pas encore arrivées.Mais elles n'ont pas tardé,et j'ai eu le temps de me surprendre à penser que leurs tenues étaient cent fois meilleures que la mienne.J'ai ri de ma stupidité en mon for intérieur,et j'ai suivi le groupe qui longeait le couloir.Panne s'arrêta devant une double porte.Une porte en plastique épais et aux embouts noirs,avec deux fenêtres rondes en verre cathédrale.Les deux autres furent emmenés dans des lieux plus confortables que moi.Pourquoi elles avaient ce privilège?Elles étaient de meilleures conditions?Ou alors c'est une affaire de religion.Ils veulent me faire souffrir encore plus pour que je ne pardonne jamais à mes bourreaux?C'est là leur but premier?

Panne m'emmena dans cette salle où j'allais passer une journée entière à raconter mon histoire.Toute mon histoire.Toute mon histoire.Une salle assez grande aux murs gris,en béton peint,propre et peu rêche.Elle était à l'autre bout du bureau en bois massif brun,derrière un pot à plume vertes et dorées.Elle croisait les mains sur un sous-main en cuir noir.J'étais assise sur une chaise longue en métal froid,avec un coussin sans forme bordeaux attaché aux quatre coins de la chaise par des ficelles.

-"Pouvez-vous me rappeler votre nom,s'il vous plaît?"

-"Sara Grazena Sohana Isenberg."

-"Bien,Sara.Quel âge avez-vous?"

-"19 ans,fis-je,surprise par ces questions."

-"De quel pays venez-vous?"

Je baissai la tête et répondit:"De Pologne."

-"Bien,je vois...fit-elle,pensive.Maintenant,j'aimerais que vous nous racontiez tout ce que vous avez vécu.Sara,nous ne sommes pas là pour vous jugez ou pour vous dénoncer.La guerre est finie,vu que vous aviez été libérée.Parlez,je vous en prie."

J'hésitais.Beaucoup.Et je ne parle pas des larmes qui me remontaient aux  yeux à l'idée de remuer le passé et de parler d'une expérience si douloureuse que ni Lana,ni Loony ne l'ont appris.Et un détail attira mon attention.La plume écrivait sur le papier,mais sans que Panne ne la touchât. C'était une magicienne?Ces choses-là pouvaient-elles exister?Une personne douée de magie,aux yeux si purs,ne pouvaient pas me faire de mal.J'ai pris une grande inspiration comme si c'était la dernière fois que je respirais.Et je récitais la poésie que j'avais écrite, dans un style délibérément naïf, juste avant l'arrivée de Lana

Sur ce lit d'hôpital je me rappelle

Qu'il fut un temps où la vie était belle

Jusqu'à mes treize ans

C'était le bon temps

Où je vivais avec ma famille

A Varsovie.

Ah,les parents,

Zygmunt et Grazena,

Les autres enfants,la petite de 5 ans,

Gosia,

Et Marek,9 ans.

L'amour maternelle,

La complicité fraternelle,

La protection paternelle,

Que de souvenirs du temps où j'étais belle,

Pour mes amis j'étais même une perle,

Bercée par mon environnement culturel,

Une culture si belle,

Celle de ma religion et de mon pays

Varsovie.

Mais ce n'était pas mon destin.

Ben non,ce serait trop bien

A mon treizième anniversaire,

Mon pays fut à la merci d'Hitler

Merci du cadeau

Avoir une vie simple c'était trop beau

J'étais née dans la mauvaise religion

D'après tous ces petits soldats blonds

Si j'étais née dans une famille chrétienne

Ou encore mieux américaine

Rien ne me serait arrivée,je n'aurais plus qu'à profiter.

Au pied du mur,

Tout est devenu cent fois plus dur,

Loin de quelques amis

Pas forcément mieux lottis

J'assistais à la lente agonie de ma famille

Et je protégeais de nouveaux amis

Amis d'infortune,

L'amour d'un homme beau comme la lune,

L'amitié de sa soeur

Ensemble nous n'avions plus peur

Sur ce lit d'hôpital

Je me souviens j'ai vu le mal

Je me souviens

Je me souviens

Varsovie

Quand il y avait encore de la vie.

Amère je ne peux que me rappeler

Sur un lit,paralysée,

Les berceuses

Qui me rendaient rêveuse

Dans mon lit

A Varsovie.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant