Chapitre 33A:Au nom des disparus.

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22 Octobre 1942.

J'ai longtemps pensé que ce que je vivais me donnerait tous les droits.Le droit de fuir,le droit de ne pas être aussi courageuse que ceux qui ont encore un père et une soeur.Ce jour là ce défaut fut enterré en moi.Encore au prix d'une vie.

Dans un ghetto où il ne restait plus que des  orphelins et des jeunes adultes,Wladislaw avec ses 41 ans semblait un vieillard.C'est de lui que se rapprocha fortement Halina,qui nageait comme moi seule dans l'océan de ses larmes involontairement contenues,après avoir perdu celle qu'elle considérait comme sa soeur,elle trouva en le père de mes amis un soutien,un autre homme souhaitant faire la révolte.Se révolter contre la spirale infernale.

Sans doute Halina souhaitait-elle,au fond de son esprit gavé de souffrances,de mourir en martyr,espérant peut-être que dans un futur encore traumatisé par la disparition de son peuple tout entier,cette révolte,son héroïsme,rendrait éternel sa légende,et que son salut reposerait dans sa postérité.Contrairement à Wladislaw,qu'elle avait l'air d'adorer,elle ne semblait pas y croire.

-Tu me fais penser à mon fils,lorsqu'il était jeune.Il espérait qu'à sa mort même l'ennemi pleure une si noble oblation.

-Si c'est de joie qu'ils pleurent j'y verrai un magnifique signe d'intérêt.

Grâce à son travail,il pouvait parfois sortir,comme nous le faisions nous,avant d'avoir perdu l'espoir qui nous poussait dehors.Je n'écoutais plus ce que Wladislaw,que parfois j'appelais encore Mr Brejnakowski,racontait sur le dehors.La pauvreté y est présente,également,mais de façon tellement moins importante.

-Si tu veux t'en aller Waldek,n'oublie pas qu'on pend ceux qui aident les juifs.

Je n'avais même plus très envie que Jablonski veuille courir ce risque pour nous.Je n'espérais pas grand-chose de la part d'un inconnu,pourquoi aurions-nous la chance que mon frère et ma soeur n'ont pas eue?

Je continuais pourtant de garder confiance,et cela était sans doute parce que je n'osais m'imaginer vivre la même scène que mon père,voir les quatres autres enfants survivants mourir sous mes yeux avant de mourir à mon tour.J'imagine que cela ne déplairait à plus personne,tous ces gens là morts,de voir le monde enfin débarrassé de moi.

Le 22 Octobre,donc,Wladislaw était envoyé derrière le mur.Je l'enviais,de pouvoir voir ce qu'il y avait dehors.Il devait à la fois se sentir soudain immensément libre,de l'autre côté,il n'était qu'un homme qui ne devait pas se faire remarquer.

Même par les autres résistants,il était tout désigné pour quitter l'espace d'un instant ces murs.Parce qu'il était à moitié chrétien après tout,même si ce n'était pas la bonne moitié.Il connaissait mieux que nous tous leur culture,pour y avoir presque baigné.

-Encore une super journée en perspective,nous avait-il dit d'un ton grinçant,avant de sortir la tête de l'eau.

En effet.Les nazis organisaient une grosse fête ensemble,et Wladislaw avait émis l'idée de s'y incruster simplement pour saboter.Si nous n'étions pas dans la vraie vie,pas dans le monde réel,ce serait probablement avec plaisir.Mais la vraie vie nous y sommes.Et ce fut le jour où de nombreuses personnes tirèrent leur révérence.Où pour beaucoup ce fut fini.

Il mettait du temps à revenir,à pouvoir de nouveau accéder à cet appartement,que nous avions réussi à conserver pendant deux ans déjà,comme si il était habité par une force défensive incroyable.

-Halina,demanda paniquée Ania,dis-moi qu'il arrivera,qu'il rentrera vivant à la maison.

-Sois patiente,Ania.Sois patiente.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant