C'était le jour de mes 15 ans plus précisément.
Pour fêter cette occasion,et pour me faire plaisir,ma famille a loué pour le week-end une petite baraque au bord d'un lac,pas très loin.Je ne me rendais pas compte que mon bonheur n'était pas la seule raison...Le lac était peu profond,plein de vases et d'algues et de galets,je le sais car j'y ai trempé mes pieds.Je me souviens encore de tous les détails,de chaque caractéristiques de cet endroit,l'endroit où tout a basculé pour nous.Je me souviens de sa forme ronde,et de tous les roseaux qui l'entouraient,où le soir des insectes commençaient leur concert nocturne.Je me souviens de ce lac beaucoup plus grand qui s'élançait vers l'horizon beaucoup plus bas,entre des collines escarpées et tumultueuses.Je me souviens du reflet bleu du ciel après le coucher du soleil,avant qu'il ne vire au noir,de ce reflet noircissant les méandres de la rive dans un jeu de clair-obscur.On était samedi soir,et les petites fenêtres de la maison de location brillaient encore derrière les roseaux noirs,derrière des rideaux verts.Je me revois encore sortir d'enveloppes en papiers de soie des robes à fleurs,et des partitions,sous l'oeil attendri de ma mère,et celui de mes deux soeurs, Gaëll 7 ans et Lavra,18 ans.Je me revois monter sur une estrade en bois scandinave et chanter pour l'occasion.Car oui j'aimais chanter,et je chantais bien.C'était la seule chose qu'à l'époque je savais sur moi:j'avais une belle voix.Un tumulte indomptable qui ne demandait qu'à sortir,ce qu'on demande pour un mélange de musiques qui bougent beaucoup.Mais paradoxalement à cela j'avais un net attrait pour les berceuses traditionnelles.Je ne sais pourquoi,j'aimais ça.C'est pour cela d'ailleurs que j'avais appris le polonais et le lituanien,car je trouvais les berceuses polonaises magnifiques,comme Jasku ou Mala smutna Krolewna,et que la culture lituanienne en la matière me plaisait aussi.Mais les berceuses que je chante à ma petite soeur,c'est du letton,et rien que du letton.Bizarrement,je maîtrisais assez peu le russe,seulement pour avoir fait réciter ma soeur,qui apprend le russe et l'ukrainien.Ma mère,elle,est carrément trilingue,pour voir étudié à leningrad et à Wilno.Mais cela n'a pas d'importance,je vais continuer mon récit.
La soirée avait pourtant commencé paisiblement.On avait ouvert les cadeaux vers 22H,mangé une sorte de gâteau au fromage blanc et à la cerise que ma mère a fait elle-même,mais la seule ombre au tableau était l'absence de mon père.Pour le coup,c'est bizarre.Mon père peut pas manquer l'anniversaire d'une de ses filles,c'est un évènement important pour lui.
-"T'en fais pas,disait ma mère,pour l'avoir assisté au département géopolitique on est vraiment overbooké.,il sera là,je suis sûre."
J'ai fait semblant de la croire,mais ce n'était pas le seul détail louche.Ma mère a passé les deux derniers jours à faire des doublures,des incises dans nos vêtements.J'ai cru que c'était une surprise pour mon anniversaire.C'est là que j'ai compris que je devais arrêter cette manie de tout ramener à moi.Pourquoi avais-je dû prendre autant d'affaire pour le week-end?
On espérait nous cacher dans cette maison.On espérait que nos voisins ne diraient pas innocemment qu'on est parti dans la petite cabane au bord du lac de babite.On espérait que tout irait bien,que cette soirée serait une soirée de juin comme une autre.
Il était 23H quand on a frappé à la porte.23H quand on a ouvert.
On était le 14 juin.En 1941.
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Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]
Science FictionElles sont trois.Trois filles amenées dans une chambre d'hôpital,un lieu un peu hors du temps. Trois filles au passé plus que difficiles... PS:L'Histoire de Lana est essentiellement une fanfiction de Between shades of gray (en français ce qu'ils n'...