Chapitre 62B:Ragana.

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C'est donc Lasse qui m'a embarquée. Plus j'y réfléchis, et plus je me dit que c'est à dessein qu'il m'a amenée ici. Je lui avais pourtant indiqué la direction du campement des evenks où nous avions laissé Viktor et les jumelles et pourtant il est allé dans ma direction; de toute façon je me sentais trop faible pour lui indiquer la direction opposée. Pour tout ce que j'aimais Lasse, je détestais cette attitude qu'il avait envers moi. Je déteste me souvenir de ce moment.

-Ah, parce que tu aimes te souvenir des autres?

-J'avais l'impression de ne rien pouvoir faire. Mais il y avait beaucoup de vent. Le vent sans neige. J'adore le vent je ne le répéterai jamais assez. Et je suis heureuse qu'ils nous aient déporté ici plutôt que dans une prison en Lettonie. Malgré tout ce que j'ai vécu là-bas je ressens un grand vide depuis que j'ai quitté la Sibérie. Soyons honnête, je vous arrête de suite, je ne penserais pas ça si j'étais retournée en Courlande. Je suis soulagée d'avoir quitté de telles conditions de vie.

C'est d'avoir quitté la Terre dont je souffre, mais je ne me suis jamais sentie aussi Terrestre qu'en Sibérie. Lavra était vivante quand je l'ai quittée. C'était une traîtresse mais elle était vivante. Nous nous coiffions toujours les cheveux mutuellement. On se nourrissait. On avait tenu 3 ans et demi ensemble à vivre dans les mêmes camps,ce qui est incroyable. Je mérite pas cet honneur que vous m'aviez fait.

Je ne sais pas comment je suis venue ici. Je regardais Lasse, je regardais le vent, et il me murmurait tout bas que c'était lui qui avait fait ça. Je le regardais, j'étais émerveillée.

-Tu nous avais fait nous envoler le premier jour du voyage, c'est ça?

-Oui et je peux te prouver que c'est réel. Je pourrais recommencer...On s'envolerait loin d'ici.

-Tu crois? On est là depuis 3 ans et demi, Lasse, et tu n'avais jamais essayé avant. Lasse tu es un des ces personnages qu'on voit dans les contes. Tu ne t'appelles même pas vraiment Lasse n'est-ce pas?

-Oui je te mens depuis le début. Mais je m'appelle bien Lasse. Je n'avais pas besoin de couverture. Personne ne sait qui je suis ici en Russie. Tu te doutes bien depuis le début que ma mère et moi sommes des déportés volontaires et que je ne suis pas le fruit de l'immaculée conception. Mon espèce pratique la gestation spontanée tu sais.

Il était visiblement ému de me raconter tout ça. Il s'est ensuite défait de mon étreinte, car j'avais trop froid pour le faire seule. Il a alors pointé le doigt en direction des nuages, en tapant ensuite des mains, comme s'il espérait se faire repérer depuis la lune. C'est à ce moment là que je me suis évanouie. J'avais l'air totalement inconsciente, car il ne se retenait plus de vous parler devant moi. Il vacillait légèrement sous mon poids alors que j'étais  toute fine. C'est bien la preuve qu'il était affaibli lui aussi non? J'ai papillioné des yeux et j'ai vu qu'il m'allongeait au sol avec un petit sourire crispé alors que j'avais un sourire heureux, éperdu de reconnaissance.

-C'est bon elle s'est évanouie. Ah là là y a un bon feu de cheminée qui n'attend plus que toi ma chère!

Oui il a clairement dit ça, ai-je fait en me retournant vers celui qui grillait dans cette maison.

-Tu vas déguster des tonnes de dessert ma petite, tu dois être si affamée...

Il se relève et lâche ma main il semble faire des grands signes. Un avion semble alors venir pour moi et je pleure sous mes paupières fermées. Cette partie est finie pour moi, mais je suis seule. Seule avec lui et soudain c'est pire que d'être seule. Petys, Sessimis, ça m'aurait même plus plu d'être avec elle. J'essaie de bouger. J'étais animée par une folle envie de rester, de fuir. Mon âme était aussi déchirée que la Lettonie elle même. J'étais en lambeaux. J'avais aimé un garçon inconnu, presque plus que ma propre famille, et j'avais laissé ma soeur toute seule, ma soeur qui était tombée aussi bas. Il fallait que je trouve un moyen de l'aider. Et je ne faisais même pas ça par conscience et amour filiale. J'aurais essayé de retourner là-bas avec Lasse si j'avais toujours eu confiance. Mais là je rampe les yeux fermés, me dandine, pour essayer de fuir mais je ne peux pas. Je trouve à quelques pas des haillons. Je ne sais pas à qui ils ont appartenu. Son corps est peut-être recouvert de neige. Soudain ils disparaissent. C'est Lasse qui les a ramassés. Il n'y a plus de vent. Je sens ses mains derrière la tête puis les haillons sur mon visage. Il voulait que je perde connaissance, vraiment, que je ne puisse pas fuir du tout. Il me prit alors dans les bras et semblaient avancer vers quelque chose qui...qui battait des ailes oui. Je me souviens,comme dans un rêve qu'il m'avait déposée sur le dos d'une bête, on aurait dit...un dragon. C'est alors qu'il se décida à me parler doucement, au creux de mon oreille.

-Est-ce que ça te dirait de déjeuner une fois que tout sera terminé ma petite Lana?

Après on s'est envolé et je me suis évanouie dans les airs. C'est ici que toute cette histoire prend fin et que je me suis réveillée ici , loin de la Terre. Je l'ai eu mon déjeuner en me réveillant et il n'était pas là. Bien sûr qu'il n'était pas là. Je pensais qu'il m'avait dénoncée, mais je n'aurais pas dormi dans un grand lit. J'aurais dormi pour toujours. Et puis tout fait sens. Je n'avais jamais connu ma grand-mère. Mais le prénom celte de ma soeur ça vient de là? C'est pour ça que mon père a combattu en Irlande après l'avoir connue? Et puis il y a eu ce que j'ai fait avec la fenêtre et puis tout est devenu clair en moi. Je suis une sorcière. On dit Ragana en letton.

Si je devais changer de nom dans cette nouvelle vie..Je prendrais ce nom là.

-Effectivement j'allais te le suggérer, ça sonne très bien.

J'étais épuisée parce que je venais d'accomplir. Comme si j'avais vécu toute ma vie d'une traite et qu'il était venu le temps de reposer...euh de se reposer pardon. J'ai tourné la tête et derrière les vitraux j'ai aperçu un dragon. Il était doré , mais la couleur de ses écailles avaient des nuances de blé. Je n'étais pas surprise de l'apercevoir. Je suppose que c'est lui qui nous a amenés ici. Je me suis souvenue que j'avais rêvé de lui il y a deux nuits et j'ai haussé les épaules. Ce dragon n'allait pas aller rechercher ma soeur pour la ramener ici. Je sentais bien que l'on m'en empêcherait. C'est alors qu'on a tapé contre la grosse porte en bois de la pièce. J'ai dit d'entrer et Penne a traduit.

-Pas la peine je comprends très bien.

C'était Lasse. Je me suis laissée tombée sur le sol. Un petit groupe se constitua alors devant la porte. Sara et Panne semblaient en avoir fini avec sa romance, ils venaient me chercher moi, avec Lasse et Penne, ils bloquaient la porte d'entrée. J'ai calculé que j'étais ici depuis 4 jours déjà. J'avais fait ce que j'avais à faire. Jusque dans ce monde magique on aurait entendu parler de la Lettonie alors que là-bas sur Terre ils restaient tous sourds et muets. J'ai pris appui sur le petit fauteuil en mousse. Sans rien dire à ma soeur je m'étais acharnée à espérer l'indépendance de la Lettonie moi. De toute façon elle avait jamais critiqué le pays avant ses 18 ans. J'ai pris appui sur un pouf, puis sur le rebord de la fenêtre pour me retrouver dehors. Je suis sur le dos du dragon. Je ne sais pas si c'est une rechute d'une infection que j'ai attrapé là-bas ou si je me suis cognée contre le rebord de la fenêtre mais ma bouche est pleine de sang. Je l'essuie d'un revers de manche et tourne mon regard vers eux. Sara me regarde intensément et aimerait me rejoindre. La main appuyée de Panne contre son bras l'en empêche mais je vois qu'elle se débat. Lasse reste là les bras ballants à se demander comment il va pouvoir me contrôler. Et Penne elle elle ne dit rien. Elle me sourit pour que je me calme et voyant que ça ne marche pas, elle est paniquée. Et puis un coup de vent semble alors emporter les vitres et droite comme un i, à l'horizontale, Sara percute à son tour le rebord de fenêtre, c'est vraiment traître cette installation.

-Dis moi y a pas une troisième fille ? m'a-t-elle glissée , et je lui ai fait remarquer qu'elle s'était cognée le menton.

Je les ai vus alors, ils étaient tous petits. J'ai pensé qu'avant de rentrer sur Terre j'avais tout un monde magique à découvrir...Non, pas tant que ma soeur et nos amis seront en camp de concentration. J'essuie la petite plaie sur le menton en de Sara puis ma bouche d'où le sang avait continué de couler. Enfourchant les rênes du dragon, je regarde une dernière fois la fenêtre avant que Penne ne se jette dedans:

-Que dieu bénisse la Lettonie!

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant