Chapitre 27B:Creuser.

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On avait déjà creusé au moins 70cm,quand enfin,un petit camion arriva,pour nous faire passer un petit seau d'eau.

-Chut,fredonnait ma soeur dans mon oreille.

J'ai rien dit,mais ça elle s'en moquait bien.Les gardes nous accordèrent une pause.Ma soeur me tient dans ses bras pour m'aider à me lever,m'accompagnant dans les derniers haut-le-coeur qui soulignaient mon état.Je ne connaissais pas,en fille née vernie que j'étais,l'état d'épuisement qu'entraînait le travail,la douleur dans le dos à force d'être courbée.Je ne suis pas certaine de la raison pour laquelle j'ai autant mal,la raison pour laquelle mes mains sont tellement couvertes d'ampoules disparaissant sous la terre.Je ne comprenais pas tout ça.En tout cas,la chaleur dont faisait preuve Lavra en Lettonie m'avait terriblement manquée,et c'était un vrai bonheur de la voir revenir,avec également l'eau.Comme il n'y avait pas de verre,j'étais obligée de me baisser encore un peu plus,et d'enfoncer mon visage dans l'eau,une eau à l'odeur un peu suspecte,qui avait un vague goût de chlorure de potassium.L'inconscience,vis-à-vis de nos conditions de travail,du ministère de l'exploitation(je sais,ça n'existe pas),m'inquiétait.Pf.J'ai connu tellement pire.

-Et si on était en train de creuser notre propre tombe?je demandai,soudain,à ma mère.

-Nous en parlerons plus tard,répondit-elle.Parlons de la plage,de Spienciai,des grands lacs.

A ces évocations,une faible lumière en elle s'allume,et s'amplifie en une explosion vive de ce bonheur qu'elle souhaitait transmettre aux autres avec la plus vive des déterminations,quitte à elle-même manquer de félicité.C'est là qu'elle m'avouait qu'ils avaient pensé organiser mon départ,en 1942,car la situation était tendue.

-Maman...Mais c'est déjà bien ce que tu fait pour nous...

Elle fronce les sourcils.

-Sérieusement c'est bien,si on était parti en Bretagne,ou quelque chose comme ça,Lasse ne pourrait pas me visiter tous les jours.

Après cette discussion,ma mère demanda l'autorisation d'aller aux toilettes,et on lui répondit d'aller se faire foutre.

-Je reviens dans une minute,me dit-elle.

Moi,j'aurais bien aimer demander à me changer et à enlever ce lourd t-shirt,c'est trop chaud pour la température ambiente,le climat continental,et je sens que mes poumons paniquent,ils ne peuvent pas inspirer la moindre bouffée d'air frais.J'avais besoin de relire les lettres,toutes les lettres que j'ai reçu,et spécialement la lettre de Zita,mon objet préféré dans tout le monde entier.

-Fuck,fuck,répétait Lavra,et j'avais presque envie de composer un air sur ses mots vu comment elle le dit.

-Lana!

Ma mère ayant obtenu l'autorisation d'aller aux toilettes,elle tenta de nous entraîner avec elle,et avec notre documentaliste qui avait un humour de merde.

Penne rit au jeu de mot.

-Mais ça va pas non!j'ai fait.Tu sais que j'ai du mal à y aller quand y a du monde même à la maison...

-Je sais,répondit maman.

Je baisse la tête,laissant tomber mes mains dans le sol,et je continue de râcler.J'inclinai ma tête pour regarder ce que je faisais,comme à l'habitude.

-D'accord,alors arrête de me dire n'importe quoi,fis-je.

J'étais déjà devenue cruelle.Aussi cruelle que ma soeur.La déportation révèle qui nous sommes réellement.Si nous avions l'âme d'un brave ou d'un complice ou d'un bourreau.Avant qu'elle ne puisse répondre,madame Sessimis l'entraîna sous le couvert des arbres,et ma mère,semblant à la fois remise sur pieds,et très exténuée,sort de la fosse.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant