«Un Juif n'a-t-il pas des yeux ? Un Juif n'a-t-il pas des mains, des organes,
des dimensions, des sens, de l'affection, de la passion ; nourri avec
la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé
aux mêmes maladies, soigné de la même façon,
dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été
que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ?
Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez,
ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? »A peine une semaine plus tard,tous les hommes sans travail furent réquisitionnés pour la construction de ce putin de mur(euh pardon,de ce mur).Même dans l'état de ce sommeil où je me trouvais,dormant sur un canapé et espionnant les conversations du bas de la pièce,mon esprit commença à s'emballer.Papa,Waldek et Wladislaw partirent donc construire leur propre prison.On avait beau être juif et ne pas pouvoir se le permettre,on ne se posait pas de questions.Pas moi en tout cas.J'étais trop déconnectée de la réalité.J'étais pitoyable.Je venais souvent aider les travailleurs dans leurs tâches,pour y voir Waldek.Je pouvais bien passer trois heures avec lui pour l'encourager.De toute façon,on avait pas le choix.
On rentrait à la maison,toujours plus déroutés.
-Si ça peut permettre d'isoler les malades du typhus et d'éviter que l'épidémie se propage,essayait d'expliquer Soshele,Aniela dans les bras.Sans doute ils interdiront les malades de sortit,mais les autres pourront!Gardons espoir!
Personne ne semblait convaincu.
-Tu es agaçante quand tu es optimiste,lui disait son amie Halina.
-Eh bien toi tu es toujours agaçante et qui t'as dit que tu pouvais t'asseoir?Moi j'ai travaillé toute la journée et je suis crevée.Tu as de la chance d'ailleurs que j'ai déjà un travail,parce que sinon...
-Et dire que je vais devoir dormir avec elle,cette nuit,glissa Waldek.
A l'aube de la mi-novembre,je vis nos travailleurs occupés à une tâche étrange.Ils cassaient des bouteilles et des assiettes.D'autres les collectaient dans un baquet de bois,et juchés sur l'échelle,fixaient les tessons dans le mortier frais,avant de poser de longs fils de barbelés.
-Tu vas me haïr demain,disait Wladek,c'est à cause de nous si tu es enfermé.
-Je te haïssais déjà...
Il s'immobilise en entendant mes mots,et j'ajoute coquinement.
-Mais ça c'était avant.
Il semblait soulagé.
Le 15 novembre 1940,les portes du ghetto se sont refermées sur nous.Bonne idée pour asservir une opulation que de l'obliger à s'enfermer elle-même.Waldek avait 15 ans.Je sais qu'il se retenait de demander des cadeaux,et ça me rendait folle,d'une mauvaise ou d'une bonne façon.Ce n'était pas un très beau cadeau pour lui.
Je partais chercher du travail dans la rue ce jour là,et il devint brusquement trop chaud.Je levais les bras pour enlever une épaisseur,quand je vis qu'un soldat allemand gardait une issue près de moi.j'entend un bruit de verre qui se brise,et je m'en vais.
Je ne suis pas sortie avant un long moment depuis cet incident.Il me fallait trouver le temps,le temps qu'il fallait pour ensuite trouver du courage.Il y a onze entrées dans le mur.Une entrée à sens unique.Les soldats montent la garde nuit et jour.De toute façon,partout où ce mur cède la place à un bâtiment,celui-ci se retrouve condamné.Evidemment,c'est trop facile sinon.Quand bien même on y arriverait...lJe me souviens encore d'une de mes premières familiarisations avec la violence,un mort,les vêtements accrochés aux barbelés,suintant d'un liquide visqueux,et ce visage tourné vers l'intérieur,ce visage aux yeux encore grand ouverts,qui essaye de sortir de leurs orbites pour appeler à l'aide.Les allemands s'en sont approchés,l'ont décoincés sans ménagement,et il a atteri juste à côté de moi.Cette fois-ci,j'ai évité de partir en courant.
La vie au ghetto est impitoyable.Il fallait qu'on s'attire quelques tâches de couleurs dans l'obscurité générale de la destinée.On ne savait pas ce qu'elle nous réserverait.De bien ou de mal.De mal ou de bien.
Pour moi,ce mur avait également un autre sens.Il me coupait de la part polonaise qui était en moi.Il me coupait de la société polonaise,celle dont la destinée restait étrangement flou derrière ce mur,me coupant de mes amies dont je n'eus absolument aucune nouvelle.Et de la langue aussi.J'ai très peu parlé polonaise pendant ces années,nous parlions yiddish.Le jargon de ghetto,comme certains l'appellent.
Des milliers de gens se retrouvèrent au chômage,sans aucun moyen de subsistance.Dans le ghetto,la vie se montrait impitoyable,la séléction était rude.Qui ne travaille pas ne mange pas.Il capitule devant la mort plus rapidement que les autres.
Nous avions donc vraiment eu de la chance de tomber sur halina.Elle était peintre.Je la regardais peindre,au fond de l'appartement,dans un reste d'espace qui lui était attribué,des paysages enneigés éclairés par la lumière du soleil,une production picturale impressionnante qui nous offrait un peu de nature dans cet enfer urbain,presque carcéral.Elle peignait d'impénétrables forêts de bouleau,typiquement polonaises,ou biélorusses,sous une lumière bleue ou rouge,chaude ou froide.Mais viendrait un jour où la peinture manquerait et où la peintre ne pourrait plus peindre,simplement dessiner.De toute façon,qui les achèterait?Pas les juifs,mais je ne sais pas non plus si les allemands voudraient acheter des peintures réalisées par une sous-femme.
Soshele a gardé sa machine à coudre.Les autres étaient trop jeunes pour le travail,ou devaient se débrouiller eux-même.
Les parents de Waldek et d'Ania ont trouvé du travail dans les ateliers allemands Többens,rue Prosta,qui fabriquaient des vêtements pour les soldats.Pour l'ennemi.Mais dans notre situation,on ne peut pas vraiment faire les difficiles,quand on est dans notre situation.Quand t'es au chômage ici,on te propose un poste d'essuyeuse,tu l'acceptes.
Au début de l'année 1941,les uniformes abîmées leur parvenaient.C'est Wladislaw qui nous l'a annoncé en nous voyant dans la rue,son fils et moi,sans savoir ce que nous préparions.Il lui disait je t'aime,et il repartait.Oh,mon dieu.Il disait ça avec excitation.Le petit diable qui vivait dans sa tête l'a fait succombé à cette joie sadique que nous éprouvons tous quand il s'agit de la mort d'un de nos ennemis.
J'avais du mal à dormir la nuit.Waldek n'était plus là pour me réchauffer de sa présence rassurante.Une nuit de janvier,après les trois ans d'âge d'Aniela,je me réveillais au beau milieu de la nuit.J'ouvris brusquement les yeux,car je sentais un contact autour de moi.Je vis un quart de seconde la lune froide qui entrait par la fenêtre,puis la peau familière de Waldek posée sur moi.Sa tête est sur mon estomac et ses bras autour de ma taille.Je gloussai,cette attention me séduisait.
Le lendemain,Waldek accompagnait son père au travail,il était debout très tôt.
-J'ai bien apprécié ta petite visite nocturne.Merci.
-Quoi?Non,je n'ai pas fait ça!
Il lève ses mains en guise de défense.
-Alors qui?demandai-je d'un ton qui se voulait délicieusement provocateur.
Mais en quelques secondes,il s'approche de moi en arrachant le fil du séchoir du mur.
-Qu'est ce qui ne va pas chez toi?intervint sa mère en le rebranchant.Tu aurais pu le briser!Vous ne vous rendez pas compte que chaque chose qui nous appartient est une chance!Que nous sommes extraordinairement chanceux que Soshele nous ait accueillis ici!Eh bien non,Waldek,tu ne t'en rends pas compte,assurément.
VOUS LISEZ
Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]
Science FictionElles sont trois.Trois filles amenées dans une chambre d'hôpital,un lieu un peu hors du temps. Trois filles au passé plus que difficiles... PS:L'Histoire de Lana est essentiellement une fanfiction de Between shades of gray (en français ce qu'ils n'...