Chapitre 18A:Fleckfieber

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Une année s'écoula.Début octobre déjà,nous voyions les premières vagues de froid arriver,signe que l'hiver allait être précoce cette année.La météo est farceuse ou facho .Les juifs ne pouvons commercer qu'entre eux,il devenait difficile de trouver de quoi se chauffer,ou se soigner.Il devenait difficile de trouver des biens matériels tout court,les marchands juifs disparaissant du marché de plus en plus souvent.Maman le constatait chaque fois qu'elle rentrait avec inquiétude.Qu'est ce qui a bien pu se passer? nous demandions nous  à chaque fois.

Vers le 10 environ,j'ai vu les affiches.J'étais partie me balader avec mon père dans un quartier du centre,quartier où l'atmosphère,les couleurs,l'ambiance,devenait de plus en plus morne et grise,comme si déjà la vie commençait à se retirer pour laisser la mort s'installer.C'est là que nous avions vu la première affiche.Nous n'étions pas les premiers à l'avoir vue,déjà plusieurs personnes se bousculaient,essayant de lire,et faisaient le chemin en sens inverse d'un air scandalisé.Car même quand tu ne parles pas allemand,comme papa qui a fait une petite partie de ses études là-bas,on le comprend,quand on voit un dessin de juif outrageusement caricatural,que c'était pas forcément bon signe pour nous. Il faut l'oser.

Mon père traduisit,comme il aurait traduit la notice d'un jouet pour bébé:

-Les juifs transmettent la typhoïde.

-Comme tout être vivant, en fait ai-je répondu. On a le même système

Mon père savoura alors toute la satisfaction d'une éducation réussie et nous pûmes nous remettre en route.


Je savais qu'il voulait me rassurer,mais viendrait un moment où ça ne suffirait plus,et où ça serait à moi de le faire.J'étais bien contente que les autres ne soient pas là pour voir ça,mais peine perdue,les affiches de ce genre s'affichaient partout.Certaines personnes jouaient la carte facile en nous montrant du doigt dans la rue.A moins que c'est ce qu'ils ressentaient vraiment.De la haine,du mépris et...

Le 15 octobre,jour du Kippour,mon père est revenu à la maison alors que ma mère était en train de se préparer,en présentant les robes qu'elle avait passé la veille à coudre.Il avait une carte sous l'épaule et un air profondément préoccupé.

-Passe moi un stylo,Sara.

Je lui passais le stylo,avant de penser.

-Oui,les enfants sont jeunes,et l'occupation n'est là que depuis un an,mais il faut croire que les choses deviennent plus graves que prévu..Bref,voilà où ils vont nous mettre.

Ca y est.Ils l'ont fait.On ne peut pas dire qu'on ne s'y est pas attendu,mais on a pas osé s'y attendre.On savait qu'il le ferait,mais on n'osait pas le savoir.Papa faisait défiler plusieurs pages d'un plan du nouveau quartier juif.

-Nous allons devoir nous y installer avant le 31.

-Il va peut-être falloir faire deux voyages pour prendre tous nos trucs,constata Marek.

-C'est une autre chose,fis-je.J'aimerais mieux porter cent sacs que faire deux trajets,que d'arriver avant la fin...

Plus tard,nous avions dû faire deux trajets parce que la vaisselle était bien trop lourde.

Ma mère fait de son mieux pour se calmer,avant de dire:

-Zygmunt,combien on est à Varsovie?

-360000.

-Quoi?rajouta Marek .Non!On ne fera jamais rentrer tout ça dedans? On va manquer d'air!

-Et pourtant si.

-Il va falloir que je dise au revoir à mes amies une dernière fois.

Je sentais que là,je ne pourrais plus,plus jamais les revoir.

-A ce propos...me demanda mon père en se frottant le menton.

Ce sont les seuls mots qu'il a pu dire sans s'accorder un long temps de réflexion.

C'est la première fois que je le vois réfléchir vraiment sans plaisir,avec que de la douleur.

Zosia habitait dans le quartier juif et était contrainte de déménager.On pourrait s'échanger nos maisons.Maman trouva l'idée excellente et loua l'intelligence de mon père.

Oh,mais non.Les choses ne sont pas aussi simples.Bien sûr qu'ils sont venus récupérer la maison.Ils étaient assez contents,d'ailleurs.Zosia avait un petit sourire béat en me voyant après tout ce temps,et elle me donna sa veste.J'avais envie de lui dire qu'elle était là juste pour me prendre ma maison mais elle avait l'air sincèrement heureuse de me voir.Elle me prit dans ses bras une dernière fois,et elle me dit:

-Tu crois que ça ira? a-t-elle fait en tendant les bras. Ce ne sera pas trop lourds pour vous?Vous allez où exactement?

On espérait que personne ne l'aurait prise avant nous.

Je retourne une dernière fois au salon et j'arrache la photo de Zosia et Kinga que j'avais posée sous le divan.Après Irena c'était elles que je quittais.Toujours pas Kinga d'ailleurs,et il est déjà sept heures du matin.

-Bonne chance,me dit Zosia avant de se retourner.Kinga était là,au loin,en me faisant des signes.

-Elle m'appelle?

-Nie.Elle te fait juste des signes d'adieu.

Je fronçais les sourcils.

-Ecoute,je ne veux pas parler de ça pour le moment.Tu réagis de façon excessive,maintenant laisse nous vous rendre heureux avec notre maison.

J'avais des cernes,j'avais envie de pleurer,mais je ne voulais pas paraître faible,ça non.Elle me pose un bras sur l'épaule,et un sourire magnifique se colla sur leurs visages parfaits.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant