Chapitre 35B:Nativités silencieuses.

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-Je suis étonnée,me dit Panne.Vous me faites adhérer à une histoire qui n'est pas la mienne,bien qu'elle ne soit pas uniquement la vôtre.

-Oui,c'est celle de ma famille et de tous les gens que j'ai connu.

-Pas seulement...C'est celle de votre peuple.Mais comment expliquer ça...Je suis admirative par la simplicité et la singularité de votre cas,sans doute cela est-il dut à la singularité,et à la simplicité,de votre cas.


-En effet...A présent je vais vous parler des silencieuses premières fêtes de la natalité que j'ai pu passer en camp de travail.j'ai vu les gens évoquer et comparer des desserts à la balte,certains étant dix fois plus beaux et bons que d'autre,et ce genre de comparaison était assez insolite,vois-tu,étant donné que nous n'avions rien à manger.Les gens débattaient de recette qu'ils ne pourront sans doute pas reproduire à l'identique faute d'ingrédients,sauf si Lasse arrive à produire des ultrasons capables de nous faire parvenir ce dont nous avons besoin.Je ne vois pas en quoi ça pourrait servir,naturellement,c'est juste une boutade.

Nous n'étions même pas en mesure d'amuser nos ennemis,et nous travaillions le soir de Noël comme n'importe quel soir.Nous n'étions pas des animaux de foire.Nous étions moins que des animaux.

Au contraire,nous étions des ennemis.Nous transgressions triplement les règles du parti.En fêtant Noël,on fêterait une fête interdite,on mangerait plus que permis,et,plus grave que tout,notre paresse serait vue comme un acte de sabotage.En tout cas,ils étaient tellement plus puissants que nous que nous ne pouvions qu'obéir.Leurs ordres étaient puissants,je ne peux pas le nier.Mais ils n'étaient pas assez puissants pour faire quoi que ce soit contre nos esprits.

Je travaillais,cette fois,à couper des arbres,comme un homme,dans un carré d'herbe déboisée.Un homme,très grand et lituanien,assez timide et distingué,malgré tout,n'arrêtait jamais son travail,comme si il était monté sur patte pour le faire.C'était un homme que je connus plus tard,assez agité et petit dans sa tête,que je verrai mourir plus tard,et qui avait 36 ans.Il avait un regard inquiet derrière les larges verres de ses lunettes.Il possédait également de nombreux tics de langages.

Si je comparais aux autres travaux forcés qu'effectuaient les autres,je pourrais presque dire que j'aimais mon labeur.Il avait l'avantage de m'occuper assez peu de temps,au final,il divertissait mon public,sans doute parce que ça permettait d'entendre claquer sur le sol des coups de fouets,et surtout,on marchait au-dessus de la colline et je pouvais admirer la vue,avec peut-être au loin,le camp où trimait ou trinquait mon père.

Les suédois sont arrivés trois jours plus tard,avec de l'alcool.Ce ne fut que cette dernière chose que vit Lavra.Moi,je n'avais d'yeux que pour Lasse.

Et un jour,la veille de Noël était arrivée.Ce n'était point une natalité silencieuse.Parce que cela faisait partie de ces choses que je n'aurais pas supportées.Lasse est arrivé,à bord d'un vélo,qu'il tenait par la guidon,et moi j'étais déjà là.J'avais une photo de Zita,une photo de papa,une photo de tante Régina,des photos pour remplacer des gens physiquement absents.

Il salua poliment,silencieusement,les gens qui déballaient leurs affaires sur le sol.

-Et ta mère?le questionnai-je,anxieuse.

-Ma mère?Elle va arriver.Tiens,à voilà!

-Ah oui,ajouta Lasse,d'un ton complètement décalé avec les horreurs qu'il allait me raconter,tu savais qu'un homme,au camp,est mort dans son sang à force d'avoir trop crié?

-On l'a torturé?j'ai fait,choquée.Et le soir de Noël en plus?

-Bon,écoutez,fit Markas,je n'ai pas l'habitude de célébrer votre fête,mais essayez de ne pas faire la tête pour cette fois Okay?Regardez plutôt ce qu'Annicka m'a forcée à avoir sous les yeux,plutôt...

-Oh,là,là,a plaisanté Petys...J'en connais qui tueraient pour en avoir!

-Toujours à nous rappeler que notre situation est loin d'être normale?soupira Grimas,qui nous avait ramené des biscuits du village.

Ce pourquoi Petys pourrait massacrer sauvagement des innocents,était une tablette de chocolat blanc.Mes joues sont déjà gonflées par la salive.Ce n'était pas une réaction dignement humaine à proprement parler,mais ici notre seuil de jugement est différent.

Markas a posé sur la table une grande bouteille de vodka.Que ma mère a empoigné par le goulot pour loger dans un coussin servant de siège à une photo de famille.

-Je vous rappelle que je ne suis pas chrétien.

Personne ne prit pas la peine de répondre,pour ne pas le froisser.

Seule Lavra fit cet effort.

-Vous êtes pratiquants?

Il rit,mais ce n'était pas son rire grinçant et sadique habituel.C'était un rire de soulagement.Il allait parler d'un sujet qui l'intéressait.

-Oui.Un mort bien court pour désigner une si grande culture!Mais la religion est pour moi quelque chose de personnel.La lithurgie,le prières,Hanouka,je ne l'exposerai pas au vue de tout le monde.Surtout pas ici...

Lavra leva les yeux au ciel en souriant.

-Parce qu'on est letton?

-Entre autre.Vous les allemands,les polonais,les russes,il faut se méfier de vous sur la question.Mais les lituaniens sont sans doute les pire.

Le lituanien que j'avais croisé tout à l'heure se racla bruyamment la gorge pour signaler qu'il était là et qu'il entendait tout.

-Qu'est-ce que tu veux?

-Ce que je veux,c'est vous dire que je suis lituanien,de un.Et aussi,que je veux aller me coucher!ajouta-t-il à la hâte,tellement il était mal à l'aise,sans laisser à personne le temps de réagir.Il aurait pu fêter Noël avec nous,se réchauffant contre nous,mais il est partit à cause de Markas.Qui récolta simplement une demi-douzaine de regards noirs braqués fixement sur lui.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant