Chapitre 55B.

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Lavra avait décidément décidé de se laisser crever.Elle commettait un grave péché selon l'esprit chrétien.ll fallait se battre pour survivre,et elle aurait bien aimé faire don de sa vie au père de Viktor qui venait de mourir.Qu'on puisse avoir envie de mourir,et donc de satisfaire les ambitions des cocos,effleurait l'irrationnel.Cela rendait Lavra encore plus détestable,comme si elle ne l'était pas suffisamment avec son aventure Nikolaïesque,et j'étais seule à m'occuper d'elle.Je n'étais absolument pas malade.Mais ma mort restait envisageable.Et alors là,qu'est-ce qu'elle allait devenir ?Le bout de son nez était noir et ses gencives le devenaient aussi.On s'obligeait à boire,tous ensemble,de bières scandinaves et j'en gardais la majeure partie pour Lavra.On passait des heures à attendre la fin d'une tempête de neige dans une hutte bondée.Les femmes s'endormaient rapidement,et les enfants se lassaient vite de cette situation qui empêchait la formation de leurs muscles.Je ne pouvais pas me dire qu'en à peine plus de 18 mois toute ma famille en serait morte.Le sommeil m'aspira moi aussi,comme une tornade sous-marine.Je rêvais de vacances que j'avais passé il y a des années avec mes cousines,alors que rien de ce qu'il m'arrivait cette année ne méritait le nom de vie.Et le pire,c'était qu'on nous considérait comme des privilégiés.Des privilégiés de classe,et privilégiés par rapport à tous ces juifs restés au pays.

Février arriva bien assez vite,ce qui devait être le mois où Lavra démissionnerait de la vie.Jusqu'à ce qu'un miracle se produisit.Jésus est arrivé,et Jésus était russe,et Jésus était médecin.C'est Lina qui m'a réveillée.Elle avait trouvé un médecin,qui l'avait trouvée.

-Un médecin?Lavra!

J'ai regagné la hutte des malades,qui pouvait devenir la mienne en quelques instants.Je lu ai tapoté les joues et je lui ai annoncé la bonne nouvelle.Tout le monde s'activait autour de nous et il fallait qu'elle prenne part à tout cela.Mes prières avaient été exaucées.

-Nous sommes là!j'ai crié sans savoir ce que je pourrais dire d'autre,alors qu'une musique semblait s'allumer dans ma tête.Je n'avais pas le courage de courir pour aller le chercher.

-Il y a deux enfants en très bas âge ici,deux jumelles,elles n'ont qu'un an et demi,et il y a ma soeur...

-Oui,calmez-vous,on m'en a parlé,ça ira,tout va bien...Vous êtes en bonne santé?

-Je vais bien,mais pas ma soeur...Il faut qu'on s'occupe d'elle.

-Ne vous en faîtes pas pour ça!

-J'espère qu'on pourra prendre un bain...Mais j'ai un tas de questions à vous poser.Qu'est-ce que vous faîtes là?

-Calmez-vous...Calmez-vous.

Il a pris Lavra avec lui,sur un brancard,me laissant seule,avec dans ma main son bracelet où papa avait gravé,à la naissance sa première fille,le nom de celle-ci en ancien alphabet letton.Ces noms ont souvent un sens,vous savez.

-Jamais!Jamais!ne cessait de hurler Lavra en se débattant.

Je me suis levée,et j'ai traversé la neige pour aller la soutenir.

-Mais qui vous a donc prévenu?

Je n'ai pas entendu la réponse.Mais à en voir la réaction de Lavra j'ai tout de suite compris,et j'étais enchantée.Je suis partie,ayant entendu du bruit,je suis sortie attendre devant la porte.Mais qu'allons nous donc avoir?Allait-il rentrer?Je savais ce qu'il allait falloir faire.Partir d'ici pour le rejoindre et la laisser se blottir dans ses bras pour ne plus jamais en sortir.Je me suis levée et j'ai avancé dans la neige en gardant en moi un sentiment d'espoir dévorant,j'avais l'impression qu'on m'avait tiré du gouffre le plus profond de la Terre avec des harnais magique et qu'une fois sous la lumière du soleil on allait m'acclamer.Et ce n'était pas qu'une image.Je m'envolais réellement sous la lumière du soleil.La nuit polaire était finie et le soleil le levait sur une terre gelée par la nuit.J'ai avancé vers lui comme si je pouvais être totalement enveloppée par sa chaleur,pendant qu'il éclairait mon sourire.Je ne pensais plus aux autres,c'était fini,et je me suis dit que peut-être,comme Lavra allait retrouver Nikolaï,j'allai retrouver Lasse,pensant égoïstement à l'amour alors que ni Gaëll ni mes parents n'allaient  retrouver.

-Lana?

Je me suis retournée vers l'origine de la voix.

-Nikolaï.

C'était pas Lasse donc.

-Lavra.Elle est...

-Vivante.Grâce à toi.Même si c'est à cause de toi qu'elle s'est rendue malade.

-Tu imagines bien que j'en suis désolé.Lana,si je suis ici,c'est que je vous propose de fuir toutes les deux.Il y a un campement evenk pas loin d'ici,vous pourriez y  vivre jusqu'à la fin de la guerre.J'irai vers l'est,je rejoindrais ma famille,mais au moins vous serez en sécurité toutes les deux...

Il ne me regardait pas alors qu'il exposait son plan.Il regardait le nouveau soleil,indifférent à l'idée qu'il puisse lui brûler la rétine.

-Bonne idée,j'ai fait,consciente qu'on ne puisse pas évacuer tout le monde,et ravie de quitter cet endroit avec ma soeur.Mais hors de questions que l'on s'en aille sans emmener les jumelles ni Viktor.Il va falloir que je leur en parle mais ils n'ont plus aucune attache ici.

-Très bien,ce sont des enfants je pense que je pourrais,a-t-il répondu comme si il avait pressenti à l'avance cette requête.Rejoins-moi à minuit,dans deux jours.Tu verras ça va bien se passer.Et il est reparti,me laissant le temps de rejoindre le camp,et pour lui de se cacher derrière les arbres morts.Il fallait que j'en parle à Lavra,et à Viktor.Je suis rentrée en courant,et j'ai attendu la fin dla journée,calmement,envahie par une excitation triste,à l'idée d'abandonner nos amis,mais de sauver les enfants.J'ai réfléchi pendant des heures à ce que je pouvais dire,pleinement consciente de ce que je faisais.

-J'ai vu Nikolaï,Lavra.Je vais te le dire tout de suite,il nous propose de fuir.Avec Viktor et les jumelles.Il faut l'attendre devant...

-Il ne propose pas aux enfants d'Elena de s'enfuir?Tout ça me semble très bizarre.

-Il ne peut pas accueillir toute la misère du monde et puis ils ont 17 et 12 ans,ils peuvent se débrouiller.Ces enfants,non,tu comprends?Et si ils nous proposent de fuir à nous c'est que c'est toi qu'il aime et qu'il sait que tu ne m'abandonneras jamais ici.

-On va s'en aller?a demandé Viktor qui n'espérait plus rien.

-Tu auras une nouvelle famille Viktor.

-Mais ce sera pas ma famille.

-Je comprends parfaitement,a fait Lavra en lui faisant un gros câlin.Mais ce sera bientôt fini tu verras.


Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant