Chapitre 38B:Il vous faudra un jour partir.

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A part les soldats et les résistants avérés,nous nous étions retrouvés ici par hasard.Le hasard pouvait très bien faire que nous puissions en partir.Pour ces même raisons accidentelles qui avaient faites que nous soyons déportés en Sibérie.

Avril 1942.Je commençais presque à me sentir utile.Il fallait bien que je serve à quelque chose,même si c'est à eux.Je ne pourrais supporter de me sentir inutile une fois de plus.

Ma mère avait cesser de l'être.Elle ne pouvait plus enseigner dans la petite école improvisée au milieu du camp,à l'école russifiée.Bientôt Madame Petys allait récupérer son travail.

En était-elle vraiment heureuse?Ma mère était incroyablement bien appréciée au camp.Le 31 Mars ils ont fêté son anniversaire,alors que normalement on ne pense qu'à sa vie et à celles des autres.Singulièrement il y a une logique à cela.Les systèmes concentrationnaires les plus durs suscitent,dans les pays où ils sévissent,la plus farouche et hallucinante des oppositions,celle de la dignité,d'une normalité inébranlable.Par ce fait même,les gens semblent avoir une relative tolérance à l'égard de cas de bizarreries tels que ce juif homosexuel aigri.Oui,on a jamais rencontré d'excentrique si on a pas rencontré un excentrique letton.

A quatre heures,Lasse est venu nous voir et j'ai vu à son expression que quelque chose ne collait pas.Il était expressément venu me voir à la hutte de Jona,et ce n'était pas pour offrir un cadeau à ma mère déjà bien gâtée pour une déportée.

-Ils ont fait une réunion vendredi d'où il est ressorti qu'ils vont déporter des quantités de gens.

-Le NKVD ?Ils nous ont encore concocté un très sympathique planning de déportation ?

-Il faut croire que oui.

J'allais m'intéresser plus particulièrement aux personnes mentionnées sur cette liste rouge quand la conversation resta suspendue par l'arrivée de Madame Grimas.Il se tut.

-Madame Grimas...

-Je ne peux pas vous parler maintenant,a-t-elle fait en se retenant de râler.Je veux travailler pour manger,et je vais rater ma session.

Quand elle se fut éloignée,j'interrogeai Lasse.

-Pourquoi... ?

-Lana.C'est la première fois que je vois un truc pareil.Ils vont déporter les deux jumelles orphelines.

-Mais ils ne vont pas déplacer leur mère adoptive ?

-Oui je vois les bébés n'ont pas pu signer,ai-je ajouté,ironique et amère.Et moi dans tout ça ?

C'est alors qu'arriva le moment qu'il attendait pour m'en parler.J'eus l'impression qu'on allait me jeter du haut d'un toit,mais du toit d'une hutte.

-Tu es sur la liste rouge,Lana.

-Arrête de prononcer mon prénom,La...Ma famille y est aussi ?

-Oui.

J'ai pensé en premier lieu que cela ma rapprocherait de mon père.Qu'après avoir reçu le jour même de l'anniversaire de ma mère une lettre de ma tante dévastée par la mort de sa fille annonçant à mots couverts sa survie,j'allais me retrouver dans le même camp.Quand je vis Lavra rire avec une fille nommée Klaara,sa ration de pain sous un bras que j'ai tiré violemment.Elle riait à gorge déployée à quelques pas de moi,son œsophage évoquant un condor des andes.

-Il faut qu'on parle à maman,j'ai fait en petite sœur raisonnable.Et vite.

Plusieurs questions relatives à la situation se posèrent.Où?Qui?Quand?Et autant de conjectures.

-Calme-toi,a fait ma mère.Qu'est-ce qui t'arrive ?

-Lasse...ai-je commencé en entrant dans la petite maison.

-Oh,arrête!fit mon aînée.Lasse est blond,Lasse est souriant,intelligent,gentil,beau.Et puis quoi encore ?

-Lavra ne fait pas l'autruche.Ils vont déplacer des quantités de gens d'après ce qu'il m'a dit et on en fait partie.

Pour la première fois depuis le jour de mes 15 ans Lavra se montra naïve.

-Idéal.

-Ils vont peut-être nous ramener en Lettonie,ils estiment que notre peine est terminée,a fait mon autre sœur de huit ans.

-Pas forcément,renchérit maman.Nous envoyer dans un meilleur endroit.

-Je vous rappelle qu'on va pas nous offrir des fleurs alors qu'on a même pas signé.Vous auriez vu l'expression de Lasse vous ne réagiriez pas avec autant d'optimisme.

Enfin alarmée,ma mère est sorti pour les comérrages. Nous fûmes seuls avec Jona.

L'atmosphère était chaude aussi bien en-dehors que dedans,après un hiver que nous avions réussi à passer ici sans mourir.La nouvelle se répandait au-dehors comme une lettre maudite tandis qu'au dedans l'atmosphère se réchauffait au point que les vitres se retrouvaient perlées de gouttes de condensations.Si bien que Lavra et moi prenions un semblant de douches derrière un rideaux chamarrés de motifs russo-altaïques quand Madame Petys est entrée.Elle cherchait maman,Jona aussi.

-Tout le monde cherche maman,a fait Gaëll en souriant.

-On se retrouve chez Markas,a fait Petys. Madame Sessimis est apparemment sur cette même liste.

Apparemment,les gens se triturent le cerveau à élaborer des théories qui pouvaient très bien nous entraîner tous dans la psychose collective,ou posaient des questions auxquelles personne n'était capable de répondre.Je me suis assise sur le sol en arrivant dans la cabane surpeuplée,éclairée violemment tout en étant sombre.J'avais grave mal à la tête et au ventre aussi.

-Je note un point intéressant,a fait le père de Viktor,qui y était,ainsi que le reste de la famille Luks.Madame Petys n'a pas signé et c'est pas ça qui fait qu'elle soit sur la liste.Il doit y avoir un autre critère là-dessus.

Chacun a donc acquis comme si l'idée venait de lui.

-Il va falloir qu'on se prépare,a-t-il fait sur un ton de prédicateur.Vous vous souvenez sans doute du premier voyage.Un nouveau voyage arrive.L'hiver arrivera ensuite.Plus hurlant,plus puissant que jamais.


Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant