Alec avait décidé de parler à ses parents aujourd'hui. Il m'avait proposé de l'accompagner mais nous avions ensuite convenu tous les deux que ce n'était certainement pas le bon moment pour me présenter à ses parents. Il devait avoir cette discussion avec eux même si le simple fait de le laisser affronter cette épreuve seul me donnait la nausée. Je me rendais compte de la chance que j'avais d'être né dans ma famille.
Je reçus soudain un SMS. Je reconnus immédiatement le numéro et cela me glaça le sang. C'était un de ces gars qui me harcelaient. Avec l'arrêt des cours, je me sentais enfin en paix par rapport à cela. Ils ne s'ennuyaient d'habitude pas au point de continuer à m'embêter quand ils ne me voyaient pas. C'est pourquoi je fus surpris de recevoir une preuve de vie de leur part. Je le lis, appréhendant le contenu du message :
On t'a vu avec ton nouveau copain, tapette. Tu te caches même plus pour baiser des mecs ? Fais gaffe, la prochaine fois on aura une photo à partager à tout le lycée.
Je soupirais. Ils m'énervaient. Qu'est-ce que j'en avais à foutre s'ils me voyaient avec Alec ? Ils pouvaient bien diffuser les photos partout, j'en serais toujours fier. C'est plus pour mon copain que je me faisais du souci. D'accord, son entourage était maintenant au courant, du moins ses parents parce que Louise l'était depuis bien longtemps. Mais je doutais qu'il apprécie beaucoup que sa vie privée soit étalée devant le lycée entier. C'était un sujet sensible pour lui et je le comprenais totalement. Il venait à peine de faire son coming-out, ce n'était pas le moment pour ça. En même temps, on pouvait à peine se permettre de sortir en public, Alec et moi et je ne voulais pas arrêter cela. Mais je voulais encore moins lui avouer ce que m'avaient fait ces mecs. J'avais honte d'être une victime alors que je passais mon temps à faire semblant d'être sûr de moi à tout prix. J'étais dans une impasse.
J'allais dans la chambre de ma soeur pour lui parler. Même si elle non plus n'était au courant de rien, elle avait assez de problèmes à gérer elle-même, ça me faisait toujours du bien de discuter avec elle. Lena n'était pas là et je m'apprêtais à descendre pour la chercher quand quelque chose dans la pièce m'interpella. Je connaissais bien ses cachettes, c'est elle qui m'en avait fait part lorsqu'elle avait été hospitalisée. Je regardais derrière moi pour être bien sûr qu'elle n'était pas dans les parages et je fermais la porte en entrant dans sa chambre. Je commençais à fouiller un peu et je ne tardais pas à découvrir ce qui avait attiré mon regard. C'était des papiers de gâteaux. Je sentis mon coeur sombrer dans ma poitrine en voyant qu'il y en avait plein. Des paquets de chips, des tablettes de chocolat. Tout était vide. Je continuais ma recherche et je découvrais plus loin des coupe-faim et des chewing-gums. Elle en avait toujours. Je connaissais bien ses techniques. Elle avait recommencé. En fait, peut-être qu'elle n'avait jamais arrêté. Je me sentis automatiquement coupable de n'avoir rien remarqué. Avec toutes les années, je connaissais sa maladie par coeur. Son comportement quand elle ne voulait pas manger, sa manière de détourner l'attention pour nous faire croire que tout allait bien. Ses crises de boulimie et ses vomissements. C'était moi qui avait voulu qu'elle soit hospitalisée. Pendant un moment, elle m'en avait voulu. Mais sa raison avait repris le dessus et elle s'était rendue compte qu'elle pouvait en mourir si elle n'arrêtait pas. Elle avait repris du poids et elle me paraissait à nouveau heureuse ces temps-ci. Je ne sais pas quand elle avait replongé mais je savais que cette maladie était un calvaire. Il lui fallait tellement de détermination pour arrêter complètement.
Quand tout allait au plus mal, tout le monde faisait attention à elle. Les repas étaient une source d'angoisse car personne ne savait comment elle réagirait. Si on avait le malheur de commander au fast-food, on retenait notre respiration en attendant la crise venir. Les balances étaient interdites chez nous. Mais depuis qu'elle était sortie de l'hôpital avec un poids satisfaisant, elle était libre de manger ce qu'elle voulait. Mes parents n'étaient pas toujours à la maison à vérifier ses repas et à compter les calories qu'elle mangeait pour voir si elle en avait assez. J'étais censé veiller sur elle, pourquoi est-ce que j'avais baissé la garde ? Elle ne faisait pas de jogging tous les jours, elle mangeait ce qu'il fallait aux repas, elle ne sentait même pas le vomi. Oui, elle mangeait toujours peu et elle paraissait toujours maigre mais en-dehors de ça, elle n'avait plus son comportement d'anorexique qui lui bouffait la vie. Qu'est-ce que j'avais raté ? Il fallait que je lui en parle mais sans la braquer sinon elle ne m'écouterait pas et s'enfoncerait encore plus. Je ne pouvais pas agir dans son dos comme la première fois. Il y avait un moyen d'arranger tout cela, j'en étais persuadé. Je ne voulais pas qu'elle retourne à l'hôpital après tous les efforts qu'elle avait fait. Elle méritait d'avoir une chance de s'en sortir par elle-même. Il fallait juste qu'elle se rende compte de ce qu'elle faisait. Et si je sentais que les choses étaient hors de contrôle, alors, dans ce cas, j'en parlerais à mes parents.
J'entendis la porte s'ouvrir et je sursautais. Merde. Eleanor entra et fit un bond de surprise en me voyant. Son regard se porta ensuite sur les emballages que j'avais trouvé. Elle me regarda à nouveau, le visage grave. Je la fixais. Le silence était lourd dans la pièce et j'avais envie de vomir. Tant pis pour la discrétion, notre discussion allait donc avoir lieu maintenant.
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Destinées Croisées
Teen Fiction«Tu crois que c'est de la chance ? Tout ce qui nous arrive ? a demandé la fille, allongée sur le dos dans l'herbe à côté de son ami. -Non. Je crois que c'est le destin, a murmuré le jeune homme en regardant les étoiles. -T'y crois à toutes ces conne...