ELEANOR

5 0 0
                                    

Connor s'est précipité pour fermer la porte de ma chambre derrière moi. Il s'est ensuite assis sur mon lit et m'a fait signe de le rejoindre.

-Tu as fouillé dans ma chambre ? Ai-je presque crié.

-Non, Lena, ce n'est pas ce que tu penses...

-Comment veux-tu que je te croie ?

-Je sais... Écoute-moi, je te cherchais, j'ai vu... ça et après...

-Après tu as fouillé ma chambre.

Il a baissé les yeux en cherchant ses mots. Je me sentais trahie. Et honteuse, surtout.

-Je l'ai fait pour toi, a-t-il repris. Il fallait que je sache jusqu'où...

-Jusqu'où ?

-Jusqu'où tu étais allée.

-Et alors, ton verdict ?

-Je ne suis pas là pour te juger, tu le sais bien. Je veux juste que tu ailles mieux. Que tu sois heureuse.

-Je suis heureuse.

-Mais tu te fais du mal à toi-même.

-Peut-être que c'est ma façon de gérer les choses. Et si ça me réconfortait ? Pourquoi tu voudrais m'enlever ce qui me rend heureuse, justement?

-Ça ne te rend pas heureuse, tu te trompes. C'est ta maladie qui parle, là. Cela met ta santé en danger et ça te fait souffrir psychologiquement.

-Ah parce que tu t'y connais si bien, maintenant ?

-Je ne suis pas ton ennemi, Lena.

-Comme tu l'as été l'année dernière ?

J'ai vu que je l'avais blessé.

-Je ne voulais pas t'envoyer à l'hôpital, je te le promets. Mais on n'avait pas d'autres choix. J'ai préféré te sauver la vie au risque que tu me détestes ensuite.

-Je ne te déteste pas, je suis désolée... Tu ne peux juste pas fouiller dans mes affaires comme ça.

-Je sais, je n'avais aucun droit de le faire. Mais maintenant que je suis au courant que ta maladie est revenue, je peux t'aider.

-Elle n'est jamais partie. Et tu veux dire, me surveiller, plutôt ? Tu en as déjà parlé aux parents ou tu n'as pas eu le temps ? À moins que tu aies prévenu l'hôpital directement ?

-Arrête. Je ne compte prévenir personne, cette fois-ci. Mais il faut que tu ailles mieux et j'ai besoin que tu sois honnête avec moi. Je serais toujours là pour toi et tu peux me faire confiance.

-C'est compliqué...

Je sentais que les larmes montaient et j'ai arrêté de parler pour ne pas m'effondrer. Évidemment, mon frère ne pouvait pas comprendre. Et je savais que j'étais sur la défensive pour tout ce qui concernait la nourriture. On me proposait un restaurant et j'en avais des nausées, alors bon... Il savait que c'était compliqué de ne plus faire ce que je faisais, il en avait l'habitude. Et je me détestais de lui infliger cela, d'être un poids pour mon petit frère.

-Ce n'est pas ton rôle, de t'occuper de moi. Je fais attention, tu sais. Je mange.

-Bien sûr que si, c'est mon rôle. Tu es ma famille et ma meilleure amie. Et je sais que tu manges aux repas, même si ce n'est pas grand-chose. Le problème, c'est ce qu'il y a autour. Tes crises de boulimie, ton sport excessif, les coupe-faim que j'ai trouvés...

-C'est si dur de manger.

-Pourtant, c'est ce qui te fait vivre. Tu ne devrais pas avoir peur de la chose qui te maintient en vie. Tu es magnifique comme tu es, Lena.

-Pourquoi personne ne le voit, alors ?

-Tu parles de Noah ?

-Non...

J'ai baissé la tête. Évidemment que je parlais de lui.

-Noah est un con s'il ne voit pas ce qu'il a devant lui. Tu n'as pas besoin d'exister dans ses yeux pour être belle. Tu l'es naturellement et je t'interdis de laisser un homme te faire penser le contraire. La personne la plus importante de ta vie, c'est toi. Tu devrais pouvoir manger ce que tu veux quand tu veux et personne n'a le droit de faire de commentaires sur ça.

-Pourtant tout le monde en fait quand même...

Depuis mon enfance, cela avait toujours été comme ça. Quand j'étais plus petite, j'avais tendance à prendre du poids assez facilement et j'avais entendu toutes sortes de critiques. On me disait constamment de manger moins. Et maintenant que je ne mangeais plus, on me trouvait trop maigre.

-Les gens aiment critiquer tout ce qu'ils voient, c'est la nature de l'être humain. Un jour, tu te regarderas dans un miroir et tu te trouveras jolie.

J'ai pouffé de rire.

-C'est pas prêt d'arriver, ça.

-Tu veux bien accepter mon aide ? À la condition que tu sois totalement honnête sur ce que tu fais.

-C'est-à-dire ?

-Quand tu fais une crise, tu dois me le dire. Je ne serais pas déçu ou fâché, ça jamais. Mais il faut que je le sache, c'est important.

-Tu n'auras pas honte de moi ?

-Bien sûr que non. Je suis tellement fier de toi, si tu savais. Tu as fait beaucoup d'efforts jusqu'ici, je m'en rends compte. C'est justement la raison pour laquelle je ne peux pas te laisser emprunter ce même chemin qui te détruit à petit feu.

-J'aimerais bien m'en sortir, c'est sûr. Mais je ne veux pas retourner en centre.

-Alors on fera en sorte que tu y arrives par toi-même. Tu es forte et courageuse, je sais que tu peux le faire. Tu as simplement besoin d'aide.

-Il y aura des moments où je serais volontairement méchante avec toi. Si je suis obligée de manger, si je ne peux pas vomir...

-Je l'accepterais, d'accord ? Ne t'inquiètes pas pour moi. Occupe-toi de toi pour une fois. C'est tout ce qui compte.

Je l'ai regardé. J'avais vraiment besoin d'une prise de conscience. Je savais que ça serait dur, comme à chaque fois. Et je finirais inévitablement par replonger, comme à chaque fois. Mais je ne pouvais pas risquer d'aller trop loin encore une fois. J'avais pensé à la mort mais j'aimais bien trop la vie pour ça.

Destinées CroiséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant