NOAH

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J'avais passé toute la journée avec Louise. Comme au bon vieux temps. Aujourd'hui était une bonne journée. Je ne me sentais pas trop mal dû au manque et cela se faisait rare ces temps-ci. On m'avait prévenu que cela durerait quelques semaines mais c'était un réel enfer. En plus de la douleur physique, j'avais terriblement peur de ne pas tenir. J'avais tellement envie de reprendre quelque chose. Cette idée m'obsédait en permanence. Heureusement que j'avais des gens sur qui compter et qui me motivaient à résister. Je le faisais pour eux. Pour elles, en vérité.

Louise m'avait parlé de sa relation avec Robin. Il m'avait tout l'air d'être quelqu'un de compliqué. Mais qui étais-je pour juger ? Si une fille aussi incroyable qu'Eleanor avait envie d'être avec moi alors que j'étais un vrai déchet humain, je ne pouvais pas reprocher à Louise de s'attacher à quelqu'un d'un peu dysfonctionnel. Cela m'effrayait un peu quand même. Égoïstement, je ne pensais pas être en capacité de l'aider si jamais cela se passait mal avec lui. C'était trop compliqué pour moi en ce moment sans avoir, en plus, à m'occuper de quelqu'un d'autre. Non pas que je pense que Lou avait besoin d'être sauvée, elle savait très bien prendre soin d'elle-même, elle y avait été forcé très jeune. Et même si elle avait besoin d'aide, elle ne l'avouerait jamais. Pourtant, nous avions tous nos failles et nos travers. Je suis un drogué et dealeur, Eleanor est anorexique. Alec est gay, c'est probablement son seul péché du point de vue de ses parents tout du moins, il a toujours été le meilleur d'entre nous. Robin a apparemment des problèmes dans sa vie, quels qu'ils puissent être. Quant à Connor, malgré sa bonne humeur constante évidente, il a dû souffrir dans sa vie. Je n'ai jamais vu quelqu'un de parfaitement heureux se réfugier autant dans les fêtes, le sexe, l'alcool et la drogue. On essaye en permanence d'échapper à la réalité quand ça va mal. Que ce soit dans la nourriture, la drogue, l'alcool ou d'autres moyens de faire face. Certains vont paraître exubérants, se faire remarquer et d'autres préféreront passer inaperçus. D'une manière ou d'une autre, on essaye tous de s'en sortir comme on peut avec les moyens qu'on a. Et certains y parviennent mieux que d'autres, d'ailleurs.

Louise est anxieuse depuis toujours et, même si elle le cache bien, a des penchants dépressifs comme notre mère. Elle a tendance à se faire du mal et j'ai toujours eu peur qu'elle fasse quelque chose d'irréversible. Nous n'en avons jamais parlé ensemble et je ne pense pas qu'on le fera un jour. Mais je le sais, je l'ai vu. Elle va mal parfois et elle a l'impression qu'elle ne pourra jamais s'en sortir quand c'est comme ça. Mais je refuse qu'elle devienne comme notre mère. Je refuse de la perdre aussi. Je sais qu'elle est plus forte que ça. J'ai confiance en elle, je lui confierais ma vie. Ça a toujours été nous deux contre le reste du monde. En grandissant, on ne pouvait compter sur personne d'autre et ça nous a lié. À jamais. Je l'ai abandonné ces derniers temps et je refuse de le faire à nouveau.

-T'as l'air pensif, Noah.

-Tu sais que tu peux toujours te confier à moi, Lou ?

-Je le sais. Même complètement drogué, je te parlais, tu sais.

Je l'ai regardé, interrogateur, afin qu'elle m'en dise plus.

-Je te parlais le soir avant que tu ne t'endormes. Tu ne t'en rappelles probablement pas parce que tu étais littéralement un zombie, à cette époque. Mais chaque fois que tu rentrais à la maison, je savais que je pouvais tout te raconter et que tu écouterais.

-Tu es vraiment en train de me dire que tu appréciais parler à un mec défoncé qui ne te répondait même pas.

-Des fois, si j'avais de la chance, tu marmonnais quelque chose. Même si je ne pense pas que j'ai eu droit à des conseils très avisés. Mais tu sais, des fois, juste parler ça fait du bien. Au moins, j'étais certaine que tu ne me couperais pas la parole. Et, dans ces moments-là, tu ne dormais pas bien donc je pouvais parler un bon moment avant que tu ne commences à fatiguer. Tu étais tout ce qu'on peut rêver pour un confident, silencieux et approbateur.

-J'ai été un frère détestable.

-Tu as fait ce que tu as pu. Je ne t'en voudrais jamais pour ça. C'était compliqué pour nous deux. Je n'ai pas été là pour toi, non plus et je m'en rends compte.

-Tu n'aurais rien pu faire de toute façon. Lou ?

-Oui ?

-Tu me promets que tu ne feras jamais de bêtise sans m'en parler avant ?

-Je te le promets seulement si tu me le promets aussi.

-C'est d'accord, ai-je dit en souriant.

-Tu sais, j'en ai toujours voulu à maman de nous avoir laissé seuls. Mais je crois que je lui en voulais vraiment parce que j'avais peur de devenir comme elle.

-Tu es loin d'être comme elle. Tu fais tout pour t'en sortir, tu te bats, toi. Et si un jour tu as envie d'abandonner, je serais là pour te rappeler qui tu es comme tu l'as fait pour moi. On mérite de s'en sortir. J'en ai souvent douté mais maintenant, j'y crois.

-Aussi, contrairement aux autres jours, tu n'es pas littéralement en train de crever.

-Je pense sincèrement que c'est juste une pause mais j'apprécie ce moment de répit, tu n'as pas idée.

Elle a rigolé un moment et a eut l'air pensive.

-Tu ne trouves pas ça bizarre qu'on se soit tous rencontrés un peu au même moment et qu'on soit tous tombés amoureux. Je veux dire, Alec et Connor, la soeur de Connor et toi, Robin et moi. C'est étrange, ce timing.

-Selon toi, je devrais remercier qui de m'avoir fait rencontrer Eleanor du coup, Alec ou Connor ?

-Techniquement, Summer, la petite soeur d'Alec. C'est grâce à elle qu'on a rencontré Len dans un premier temps.

-J'en apprends tous les jours.

-Noah ?

-Oui ?

-C'est normal que ça me fasse peur que tout ait l'air d'aller si bien ? J'ai en permanence l'impression que quelque chose va merder. Bien sûr, c'est compliqué en ce moment avec Robin. Mais je veux dire, psychologiquement je vais bien. Toi, tu vas à peu près bien et tu es tiré d'affaire niveau trafic de drogue. Tu as même une copine. Alec aussi a une copine et il a enfin réussi à s'assumer après des années. Je veux dire, on dirait un véritable conte de fées. Mais je ne crois pas à ça, la tendance va forcément s'inverser. Pour maintenir un équilibre, tu vois.

-Je vois totalement ce que tu veux dire. Mais en même temps, il vaut mieux profiter de ce déséquilibre quand il est en notre faveur, tu ne penses pas ? Et puis, si ça peut équilibrer la balance, le sevrage c'est vraiment pas un cadeau.

-Peut-être qu'on a eu notre lot de négatif pour un moment. Et peut-être que c'est pour ça qu'on s'est retrouvés, tous. Les gens qui ont épuisé toute leur négativité se regroupent pour vivre les moments positifs ensemble.

-C'est une belle vision de la chose, je ne te savais pas si poétique, ma chère soeur.

-J'ai toujours été la plus intelligente de la famille.

-Ça, je n'en ai jamais douté.

Destinées CroiséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant