LOUISE

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J'avais attendu un appel de Robin toute la semaine. Bien entendu, j'avais pensé à lui constamment mais j'étais bien trop têtue pour faire un pas vers lui en premier. Alors, j'avais attendu. Je finissais par perdre espoir et me dire qu'il ne me contacterait plus jamais. Cette réalisation m'avait fait beaucoup de mal mais après tout, je ne pouvais rien y faire. Je n'allais pas me battre pour lui s'il ne voulait même pas me dire la vérité.

Et puis, quand j'avais fini par me résigner, il est apparu en bas de l'appartement, sans prévenir. Je sortais rejoindre Alec et je l'ai vu, attendre sur la marche de l'escalier.

-Robin ?

Il a relevé la tête, surpris. J'ai pu alors constater sa lèvre tuméfié et son arcade sourcilière ouverte.

-Lou. Je ne savais pas comment m'y prendre, je suis désolé. Je me suis dit que le courage me viendrait une fois devant ta porte mais c'était encore plus compliqué arrivé ici.

-Tu aurais pu appeler.

-Je sais, je suis désolé. J'avais besoin de temps pour réfléchir...

-Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Ai-je demandé en avisant son beau visage amoché.

-Une embrouille au bar, rien de grave.

-Rien de grave ?

-Je l'ai cherché. J'avais besoin de me remettre les idées en place, a-t-il dit en esquissant un sourire.

-Je n'ai jamais rien entendu d'aussi stupide. Je ne trouve pas ça drôle. Et si à chaque fois qu'on se dispute, tu as besoin de te faire taper dessus, tu peux autant repartir et ne jamais revenir.

Il a vite ravisé son sourire pour me répondre.

-Pardon, Lou. J'ai été con. La vérité c'est qu'il y a certaines choses dont je n'ai jamais parlé à personne. Bien sûr que j'aimerais que tu sois la première. Mais pour le moment, c'est compliqué.

-Je ne veux pas te presser. On a tous nos secrets, je comprends.

-Mais je n'ai pas envie de te perdre. Et je me suis mis à ta place, cette semaine. J'aimerais savoir que tu me fais assez confiance pour te confier à moi.

-C'est le cas mais je ne veux pas précipiter les choses. Je n'aurais pas dû chercher à savoir la vérité à tout prix non plus.

-J'ai eu envie de te parler tous les jours. C'est pour ça que je suis là, aujourd'hui. Dans ma vie, j'ai souvent abandonné les choses qui me tenaient à coeur. Je ne voulais pas me battre, je voulais juste éviter les conflits. Je n'ai jamais été le type de personne à défendre mes intérêts, je préférais fuir et oublier. Cette fois, c'est différent. Et je m'en fous si c'est juste pour un jour ou pour toute la vie, j'ai envie de t'avoir auprès de moi. J'ai envie de me battre pour toi. Pour nous. Et ça va te sembler terriblement ringard, d'autant plus que je sais que tu n'es pas romantique du tout, mais, Louise, tu mérites quelqu'un qui se batte pour toi plutôt que quelqu'un qui prenne la fuite à la moindre difficulté.

-En effet, c'est extrêmement mielleux. Mais Robin, je ne suis romantique pour personne d'autre que toi. La fuite est facile, je comprends. Je pense que si on se parlait davantage, on résoudrait nos conflits plus sainement. Je ne te demande pas de te battre pour moi, notre relation n'a pas à être un combat compliqué et éprouvant. Et je te demande encore moins d'aller te faire frapper par tes clients au bar. Quand ça ne va pas, appelle-moi. Parle-moi ou n'en parle pas, si tu préfères. Tu as le droit de demander de l'aide. Ou simplement de la compagnie, si c'est plus simple pour toi.

-J'aurais dû aussi te contacter plus tôt. Je ne suis pas doué avec les autres êtres humains, tu sais. Et encore moins avec les filles pour qui j'ai des sentiments. Si tu veux bien me donner une chance, je promets d'essayer de ne plus fuir et de t'en parler s'il y a un souci.

-Je crevais d'envie de t'envoyer un message mais j'avais besoin que tu me prouves que j'étais importante pour toi. Évidemment que je te donne une chance, je ne suis pas prête à ce que tu sortes de ma vie comme ça. Et, en retour, je n'insisterais pas pour avoir des réponses. J'attendrais que tu sois prêt.

-Merci. Je pense que là, on peut vraiment affirmer qu'on a réglé le problème comme des adultes.

-Je trouve cette expression détestable. La majorité des adultes que je connais n'ont jamais fait preuve de bon sens.

-On a eu des modèles éducatifs assez pourris, je pense.

-Secrètement, quand j'étais plus petite, je rêvais que les parents d'Alec étaient les miens, même si eux non lui ne sont pas parfaits. Maintenant qu'ils ont viré leur fils de chez eux parce qu'il est gay, je me remets en question.

-Ils ont quand même pris sur eux, après tout. Je pense qu'ils font ce qu'ils peuvent. Ils essaient.

-C'est plus que mes parents n'ont jamais fait.

Nous sommes restés silencieux quelques secondes. Je sentais qu'il voulait me dire ce qu'il avait sur le coeur mais ce n'était pas le bon moment.

-T'es dispo demain soir ? M'a-t-il demandé soudain, changeant de sujet.

-Connor organise une fête. T'es invité, aussi, d'ailleurs.

-Je pensais plus à un truc en tête-à-tête mais ça peut attendre. Je viendrais à la soirée.

-Tout le monde sera là. Mon frère, Alec, Len.

-Tu vas enfin me présenter, alors ?

-Enfin ? Tu te fous de moi. C'est bien trop rapide à mon goût. Je déteste que les gens que j'aime se rencontrent entre eux.

-Tu as peur qu'ils s'éloignent de toi, qu'ils finissent par t'exclure ?

-Je ne sais pas, peut-être. Et puis, je pense que je suis un peu différente avec chacun. Je n'aime pas que toutes mes personnalités se confrontent.

-Arrête, tu es toujours toi, au final. Tu peux être toi-même avec les gens qui t'entourent, ils ne vont pas s'enfuir pour autant.

-J'espère. En tout cas, fais gaffe à toi, j'ai des hommes protecteurs dans mon entourage.

-Je te rappelle que je me bats avec des mecs dans les bars. Je saurais me défendre.

-Tu touches à un seul de leur cheveux et c'est moi qui te frappe, t'as compris ?

Il a éclaté de rire en m'embrassant le front.

-Entendu, Mademoiselle Parker. Je me tiendrais à carreau et ferais en sorte que ton frère et ton meilleur ami m'apprécient.

-Le premier déteste tout le monde sans exception et le deuxième fera semblant d'être ton ami pour t'enfoncer un couteau dans le dos si jamais tu me fais du mal.

-Tes relations sont intenses, dis-moi.

-Tu n'as encore rien vu, ai-je fait en lui adressant un sourire en coin.

-Arrête de me draguer, tu me fais trop d'effet.

-Tu ferais bien de rentrer au lieu de rester dans les escaliers, alors.

-T'as prévu de me prouver à quel point t'es intense, c'est ça ?

-T'as tout compris.

Destinées CroiséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant