Après ma discussion avec Noah, j'avais beaucoup pleuré. Cela peut sembler un peu pathétique étant donné qu'il n'avait jamais été plus qu'un ami pour moi. Mais je m'étais attachée à lui malgré les avertissements que mon cerveau m'avait donnés. J'avais l'impression d'être dans une de ces comédies romantiques où on savait que les deux protagonistes étaient faits pour être ensemble. Je sentais que c'était la bonne personne pour moi. Malheureusement, il faut croire que ce n'était pas le bon moment.
A force de pleurer, j'avais fini par manger pour me réconforter. Loin d'améliorer mon état, cela a, une fois de plus, conduit à une crise. Après avoir vomi, j'ai encore pleuré. Beaucoup. Est-ce que les choses allaient s'améliorer ? Est-ce que j'allais être heureuse un jour ? C'étaient des questions que je me posaient. Évidemment, j'étais heureuse parfois. Souvent, même. Mais dans ces moments-là, j'avais juste l'impression que rien n'allait et que je n'allais jamais sortir la tête de l'eau. Je savais que c'était faux mais c'était plus fort que moi. Cela n'en finissait pas.
Je décidais de sortir de chez moi, de prendre l'air. C'était la seule manière pour moi d'aller mieux. Me balader, à l'inconnu, de la musique dans les oreilles. Essayer de ne penser à rien d'autre que le souffle du vent sur ma peau et les feuilles craquant sous mes pieds. La nature me reposait. J'adorais être entourée, j'aimais profondément la compagnie des gens mais des fois, j'avais juste besoin d'être seule. Pendant longtemps, je détestais ma propre compagnie, je faisais toujours en sorte d'être avec quelqu'un. Petit à petit, j'ai compris que dans la vie, il n'y aurait toujours que notre propre personne pour nous sauver. Je n'étais pas obligée de m'aimer, je n'avais jamais vraiment réussi, en fait. Mais je pouvais décider de passer du temps avec moi-même et d'aimer cela. Le réaliser avait été un grand tournant dans ma vie. Cela m'avait aidé à guérir de ma maladie. Je crois qu'avant, j'en attendais trop des gens et je m'étais perdue en chemin. C'est important de se sentir bien avec les gens qu'on aime mais c'est encore plus important de se sentir bien avec soi-même.
Dans les moments de crise ou de restriction, je ne me sens pas bien avec moi-même justement, loin de là. Je me déteste et je veux me faire du mal. Et, là où d'autres choisissent de se mutiler, je choisis de me faire vomir. Bien sûr, cela n'est pas la même chose mais je crois que le but est le même. Apaiser la douleur interne dans la douleur externe. C'est quelque chose de complexe la psychologie humaine. Et jamais je ne pourrais prétendre m'y connaître. Je ne savais pas pourquoi j'étais faite ainsi. Pourquoi la nourriture était devenue mon ennemie ? Évidemment, les critères de beauté, la société actuelle et les réseaux sociaux y avaient sûrement contribués. Mais on vivait tous dans la même société et tout le monde n'avait pas de trouble psychique, Dieu merci. Des fois, j'avais des pensées plus fatalistes. Oui, c'était arrivé à moi et c'était comme cela. Et cela ne se réglerait pas. Jamais. D'autres fois, j'étais beaucoup plus optimiste. Je n'aimais pas beaucoup cet état-là, paradoxalement, car cela finissait généralement par me revenir en plein à la figure.
J'avais le numéro de téléphone de ma psychologue depuis un moment affiché sur mon téléphone. Ma main tremblait un peu en tapant sur mon portable. Elle m'avait énormément aidé par rapport à mes troubles des conduites alimentaires, elle était spécialisée dans ce domaine d'ailleurs. Étant dans l'impossibilité d'aller la voir, je me disais que l'entendre me ferait du bien.
-Eleanor ?
-Oui... Euh, je suis désolée d'appeler comme ça. J'espère que vous n'êtes pas occupée...
-Non, pas du tout. Que se passe-t-il ?
-Je crois que j'ai besoin d'aide à nouveau, ai-je fait en retenant mes larmes.
-Tu sais, j'avais regardé si tu pouvais continuer ton suivi quand tu as déménagé. J'ai un très bon collègue que je suis sûre tu apprécierais à te recommander. Je vais te donner son contact, d'accord ? Je lui en parlerais également et il pourra commencer une nouvelle thérapie avec toi. Tu serais d'accord avec ça ?
-Je ne sais pas... J'étais enfin en confiance avec vous. Je ne sais pas si je suis capable de recommencer tout à zéro.
-Tu ne recommences pas tout à zéro. Tu as déjà fait énormément de progrès et tu sais comment je le vois ? Tu m'as appelé. Il y a quelques années, tu refusais toute l'aide qu'on te proposait et tu aurais préféré mourir plutôt que de voir un psychologue. Tu as évolué, Eleanor. Mon collègue aura ton dossier, tu pourras lui faire part de tes difficultés actuelles et tu n'as même pas à lui raconter ton histoire passée si tu n'en as pas envie. C'est toi qui décide.
-D'accord. Je crois que je l'appellerais.
-Je pense que c'est ce qui est le mieux pour toi. N'hésite pas à me contacter s'il y a un problème, je serais toujours présente.
-Merci. Vous avez déjà tellement fait.
-C'est là que tu te trompes, c'est toi qui as tout fait. Tu t'es battue pour t'en sortir. Et tu peux être très fière de toi pour cela.
Je ne cherchais même plus à cacher mes larmes désormais, elles coulaient toutes seules.
-Merci encore, ai-je murmuré.
-Au-revoir, Eleanor.
Je raccrochais et dans la minute, je reçus les coordonnées du psychologue qui était tout près de chez moi. Je ne tardais pas plus de peur de changer d'avis et je le contactais. Il me dit qu'il avait un créneau de disponible la semaine prochaine. Je le notais dans mon agenda et soupirais un grand coup. Je savais au fond de moi que j'avais fait ce qu'il fallait et pourtant c'était si dur et cela semblait mal. Comme si je me trahissais moi-même.
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Destinées Croisées
Teen Fiction«Tu crois que c'est de la chance ? Tout ce qui nous arrive ? a demandé la fille, allongée sur le dos dans l'herbe à côté de son ami. -Non. Je crois que c'est le destin, a murmuré le jeune homme en regardant les étoiles. -T'y crois à toutes ces conne...