Destinées Croisées

ALEC

Le directeur m'avait appelé. Il n'avait rien voulu me dire sinon qu'il nous donnait rendez-vous à Connor, Noah et moi dans son bureau le lendemain. J'avais transmis l'information et donc, nous nous retrouvèrent tous les trois, stressés et un peu intimidés devant la porte.

-Merci d'être venu, tous les trois. D'habitude, je traite ces questions de manière individuelle mais j'ai cru comprendre que vous étiez tous impliqués dans l'histoire, il me semble donc plus judicieux de vous faire part à tous de ce que j'ai entrepris jusque là.

Je commençais à sérieusement m'angoisser. Noah n'avait pas été suspendu pour le moment, je supposais que c'était bon signe. Et Connor ne risquait rien, normalement. Normalement. Qui sait ce que le directeur avait pu découvrir ? Noah dealait et Kaylie n'était pas digne de confiance, elle avait pu raconter des mensonges ou...

-Cessez de vous inquiétez à ce point, monsieur Foster. Je peux imaginer vos pensées rien qu'en voyant votre tête.

Je me mis à rougir légèrement, un peu honteux d'avoir été si peu transparent.

-Je ne ferais pas durer de suspense inutile. Commençons par l'affaire la plus simple, si l'on peut dire ça comme ça. Monsieur May. J'ai prévenu les familles de vos harceleurs, ils ont été suspendus quelques temps de l'établissement. Je suis sincèrement désolé que vous ayez dû subir tout cela. Maintenant, si vous souhaitez porter plainte, il en va de votre ressort. Je ne peux que vous le conseillez et m'assurer que vous ne subissiez pas les retombées de la part de ces jeunes hommes.

-Je ne porterais pas plainte, a déclaré Connor.

Je n'étais pas surpris, il m'avait déjà expliqué ce qu'il en pensait. Je n'avais rien à voir dans cette histoire et ce n'était certainement pas ma décision, je l'avais donc évidemment supporté dans son choix. Si cela ne lui apportait aucune tranquillité d'esprit, je ne voyais pas non plus l'intérêt de faire plus d'histoires qu'il n'y en avait déjà eu.

-Vous pouvez prendre le temps de la réflexion...

-Non, j'ai déjà fait mon choix. Je ne porterais pas plainte. Ils ne méritent pas que je gâche encore du temps et des efforts pour eux. Je ne pense pas qu'ils recommenceront et s'ils le font, là, je préviendrais les autorités.

-D'accord, vous semblez bien arrêté sur votre décision, je n'insisterais donc pas davantage. Il est vrai que, pour les rares cas d'harcèlement scolaire que j'ai pu observer, une fois les coupables appréhendés, ils ne recommençaient jamais. Allez savoir pourquoi, nous ne sommes pas à leur place. J'espère que vous continuerez à vous épanouir au sein de ce lycée, monsieur May. Si jamais une affaire de ce genre se reproduit, je veux en être le premier informé, d'accord ?

-Merci beaucoup. Je ne m'attendais pas une telle réactivité, je dois dire.

-Les affaires comme celle-ci sont prises au sérieux, ici. L'harcèlement tue des adolescents, c'est un fait tragique. Et je ne permettrais pas qu'il se passe quelque chose comme cela dans notre établissement scolaire, croyez-moi.

Je ne savais plus trop si le directeur avait vraiment peur pour ses élèves ou plutôt pour la réputation du lycée. Toujours est-il qu'il avait été efficace pour faire ce qu'il fallait donc la raison, on s'en fichait un peu au final.

-Si vous n'avez pas d'autres questions, je peux passer à la deuxième... affaire. Monsieur Parker. Il m'a été plus compliqué de régler cette problématique pour des raisons que vous connaissez pertinemment. J'ai conclu un accord avec le père de Kaylie. Je ne l'expulse pas de l'établissement malgré ses agissements en rapport avec le trafic de drogue. En échange, il a discuté avec sa fille en ma présence. Monsieur Parker, vous n'aurez plus de problème avec cette famille, je vous l'assure. J'ai mentionné le fait que l'action de Kaylie constituait une forme d'harcèlement et que je pouvais faire passer cela devant la justice directement. J'ai annulé le renvoi du lycée pour la jeune fille en échange de sa discrétion vis-à-vis de vous. Personne ne sera accusé pour les terribles actes qui ont eu lieu. Je suis désolé, j'aurais aimé pouvoir désigner un coupable mais c'est le mieux que j'ai pu faire. En effet, monsieur Foster a mentionné le fait qu'il fallait absolument que vous soyez innocenté. Et je ne peux pas accuser une personne et non son complice, j'espère que vous comprenez.

J'ai vu Noah, presque bouche bée. Il n'en revenait pas et, en fait, moi non plus. Je ne m'attendais tellement pas à ce que le directeur fasse ce qu'il fallait. Je voyais déjà Noah renvoyé, mis en détention juvénile et séparé de sa soeur. Louise envoyée en famille d'accueil. Je m'étais imaginé les pires scénarios alors que... il m'avait écouté. Vraiment écouté et je n'avais jamais rencontré d'adulte avec son pouvoir qui en avait fait autant jusqu'ici. C'était vraiment inespéré d'être tombé sur la bonne personne au bon moment.

-Je... a commencé Noah. Je ne sais pas quoi dire.

-Je fais mon devoir. Vous savez nombre de directeurs d'établissement scolaire sont juste à la recherche du pouvoir de direction. En fait, que ce soit un établissement accueillant des enfants ou une start-up, ça n'a pas tellement d'importance. Moi, j'ai choisi de travailler avec des enfants, des adolescents plutôt. Je ne peux pas permettre qu'il se passe autant de choses néfastes ici. C'est mon devoir de veiller à ce que vous puissiez tous étudier dans un environnement sain et agréable. Bien sûr, même si l'on ne m'a pas tout avoué, a-t-il dit avec un regard pour moi, j'assumerais le fait que vous ne participiez plus, de près ou de loin, à un trafic de ce genre. J'accorde des secondes chances mais cela se finit là. Et cela vaut pour vous monsieur Parker mais aussi pour tout le monde.

-Bien sûr. Vous n'entendrez plus parler de moi.

-Sauf en bien, j'ose espérer.

-Merci. Merci beaucoup.

-Beaucoup d'élèves vivent ici des choses difficiles et je comprends très bien que vous en faites partie. Tout le monde ne naît pas avec le même capital de chance, malheureusement. Faites le meilleur que vous pouvez avec ce que vous avez. Vous pouvez aller très loin ainsi.

J'étais en pleine admiration devant cet homme qui avait l'air d'en avoir bavé dans sa vie et qui nous offrait une belle leçon de morale. Il nous considérait comme des adultes, en vérité. Et je ne me souviens pas d'avoir un jour été confronté à une situation similaire dans ma vie.

-Monsieur Foster, quant à vous, je vous remercie pour toutes les informations que vous m'avez données. Sans vous, je n'aurais pas pu assurer la sécurité de tous les élèves.

-Merci à vous, surtout. Je ne savais pas si je pouvais vous faire confiance et vous m'avez prouvé que si.

Il a souri.

-Sur ce, si vous n'avez rien de plus à me faire part, je ne vous retiens pas plus longtemps, a-t-il dit.

-Merci encore, monsieur, ai-je fait en franchissant le pas de la porte.

Nous nous sommes retrouvés, tous les trois, en-dehors de l'établissement. Connor avait un petit sourire à la bouche et Noah sautait littéralement sur place.

-Je suis libre ! Je ne vais pas aller en taule ! Merci, Alec, je t'aime trop !

Il m'a enlacé jusqu'à me couper le souffle. Je le connaissais depuis un bout de temps et je n'avais jamais été si proche de lui, c'était assez gênant. J'ai vu Connor se marrer dans son coin. Il m'a ensuite embrassé en me disant qu'il était fier de moi.

-Tu as fait ce qu'il fallait. T'as un bon instinct et je ne remettrais plus jamais tes décisions en cause. Tu nous a sauvé tous les deux.

-Arrête, je n'ai pas fait grand-chose. Je suis arrivé beaucoup trop tard pour vous deux.

-Qui sait ce que je serais devenu si je ne les avais pas affronté, ces gars-là ? Si je m'étais laissé faire comme toujours ? Et où en serait Noah s'il était obligé de continuer à dealer et à se droguer ? T'es un vrai héros, en fait.

-Ce n'était vraiment pas mon objectif, d'être un héros. Je veux juste faire les choses bien, aider les gens que j'aime.

-Et tu y arrives parfaitement, m'a murmuré mon copain à l'oreille.

-Je n'ai jamais été aussi heureux que tu sois le meilleur ami de ma soeur, sérieux, a continué Noah.

Je crois que je ne l'avais jamais vu aussi joyeux. Et étonnamment, il était sobre.

Nous avons continué notre route en rigolant et en étant simplement content de la tournure inattendue qu'avaient pris les événements.