Destinées Croisées

LOUISE

J'avais décidé de passer au bar, ce soir. Ça faisait quelques jours que je n'y étais pas allée et l'endroit me manquait. Les gens là-bas me manquaient. Je me sentais un peu coupable d'y retourner après la dispute qu'on avait eue, Alec et moi, à ce sujet. Mais il ne saurait pas, il était occupé avec Connor d'après ce que j'avais compris. J'étais contente pour lui, j'espérais que ça se passerait bien entre eux.

-Louise ! Tu nous avait manqué par ici ! M'a lancé mon serveur habituel.

Il savait pertinemment que je n'avais pas l'âge requis pour boire mais il laissait passer. Les pourboires que je lui versais devaient en être pour beaucoup.

Le nouveau serveur était là, lui aussi.

-Je ne me souviens plus de ton nom... ai-je fait en le fixant.

-Robin. Et toi, Louise, apparemment.

-Sers-moi un truc, je te laisse le choix. Pas trop fort, cette fois.

-T'as décidé de te calmer un peu ?

-De quoi je me mêle ? Ai-je dit en riant.

-T'as l'air d'être une habituée, c'est tout. T'as quoi, au maximum dix-huit ans ? C'est jeune pour boire tous les soirs, tu ne crois pas ?

-Ne le répète pas mais j'ai seize ans, ai-je murmuré. Et t'es aussi mineur que moi pourtant tu travailles dans un bar. Donc, évite de me dire quoi faire.

Il a esquissé un sourire.

-Compris. Plus de commentaires.

-Merci bien, Robin.

On a pas mal parlé, tous les deux. C'était une personne intéressante, il avait beaucoup de choses à dire et pourtant, il restait assez mystérieux. Je n'avais pas réussi à lui faire dire pourquoi il avait besoin de travailler à son âge. J'avais juste compris qu'il avait un an de plus que moi.

En rentrant à la maison, je ne m'attendais pas à trouver Noah. Et pourtant, il était là. Sur son lit, les yeux grand ouverts. Ça faisait un peu flipper, si vous voulez mon avis.

-T'étais où ? M'a-t-il demandé, sans bouger.

-Tu me surveilles, maintenant ?

-Je m'inquiétais, c'est tout.

-T'as pris quelque chose ?

-De quoi tu parles ?

-De la drogue, ai-je fait en soupirant.

Il est resté silencieux.

-Quand tu te drogues, tu fais toujours de l'insomnie.

Il a hoché la tête, lentement.

-Je suis dans la merde, Lou.

-Ce n'est pas nouveau, ça.

-J'aimerais t'en parler.

-Tu crois que j'ai envie de t'écouter ? Tu passes ta vie à te droguer, Noah. Tu ne m'adresses pas la parole, tu ne parles plus à maman. Tu me laisses toute seule, tu t'en rends compte ? Et je ne suis pas sûre d'être assez forte pour supporter ça longtemps.

-Je déteste maman. Je ne supporte pas d'être près d'elle.

-Tu crois que ça m'enchante de m'occuper d'elle ? J'avais d'autres ambitions dans la vie, figure-toi. Il n'empêche que c'est notre mère.

-On devrait l'envoyer dans un centre spécialisé. Elle n'ira jamais mieux toute seule, tu en as conscience ?

-On serait placés, Noah. Et qui sait où ? Je ne veux pas partir d'ici. Ma vie est ici.

-Si tu savais comme ça réglerait tous mes problèmes de pouvoir partir d'ici...

-On serait séparés.

Il m'a fixé durant de longues secondes avant de reprendre :

-C'est la seule raison pour laquelle je ne les appellerais pas. Quand on aura dix-huit ans, on pourra enfin vivre vraiment. Partir d'ici ou rester, peu importe. On aura plus besoin de prendre soin de maman.

-Je n'aurais plus besoin de prendre soin d'elle, tu veux dire. Ça me crèvera le coeur de l'envoyer là-bas. On est ses enfants, que tu le veuilles ou non.

-Je sais. Ça me tue de la voir dans cet état. Mais c'est le mieux pour elle.

-Encore deux ans. T'es prêt pour ça ?

-Et toi ?

-Si t'es avec moi, je peux le supporter. Mais j'ai besoin de toi, Noah, vraiment.

Il a hoché la tête.

-Je serais là. Je te le promets.