NOAH

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J'avais rendez-vous avec Kaylie. Si je ne me contenais pas, je pourrais la frapper. Dès que je voyais sa tête, je sentais la rage monter en moi. C'est une personne horrible et je ne pouvais strictement rien faire. Et vu que je n'étais pas un connard, je ne levais pas la main sur elle. De toute façon, elle me l'aurait fait regretter.

-Mon coeur ! Tu vas bien ?

Bien sûr, fais comme si de rien n'était. Comme si tu ne me forçais pas à faire ce que tu veux.

-Qu'est-ce que tu veux, cette fois ?

Elle m'avait appelé plus tôt dans la journée alors que je l'avais déjà vue hier. J'avais intérêt à répondre. Une fois où je décuvais, je n'avais pas répondu dans la matinée et elle m'avait envoyé des gars louches à qui je devais, apparemment, de l'argent. Comment vous dire que je n'avais pas l'argent et qu'ils m'ont donc bien amoché.

-Te parler. Je n'ai plus le droit de discuter avec toi ?

-C'est marrant ça parce que moi, je n'ai aucune envie de t'adresser la parole.

-Assieds-toi.

Evidemment, je fis ce qu'elle me dit.

-T'as vendu la drogue que je t'ai filé ?

J'ai regardé autour de moi. On était dans un lieu hyper fréquenté et elle abordait ce sujet ? Très bien, de toute façon, je n'avais plus rien à perdre.

-Presque.

-Presque ?

-Un client m'a fait un sale coup et il m'en reste un peu.

-Tu sais que t'es censé éviter ce genre de sale coup ? T'es censé leur faire assez peur pour qu'ils n'essayent même pas de te la faire à l'envers. T'es censé, je sais pas, les frapper s'ils persistent. Sois un homme, enfin !

-Je suis pas le genre à frapper les autres. Tu peux te chercher un autre esclave, du coup ?

-Non, tu sais bien que je t'aime trop. Mais j'ai besoin de sous donc fais ce que tu as à faire.

-Quoi, il te faut un nouvel iPhone ?

-Exactement, a-t-elle fait, un grand sourire sur le visage. Rappelle-toi pour qui tu bosses.

-Tu te prends pour la reine du monde maintenant mais ce ne sera pas toujours le cas.

-Justement, je crois que si. Tant que j'ai un moyen de pression sur toi, j'ai tous les droits.

-Il y aura un moment où je n'aurais plus besoin de rien, tu comprends ? Tu n'auras plus de moyen de pression. Si tu savais comme j'attends cet instant avec impatience.

-Le truc que tu ne comprends pas c'est que tu auras toujours besoin d'argent. Ce n'est pas grace à ta mère que tu vas t'en sortir. Et je connais ta famille, je connais ta soeur chérie. Je connais aussi des hommes qui n'attendent qu'à frapper ce qui leur tombera sous la main...

-T'es en train de menacer ma famille, là ?

-Je dis juste que tu devrais réfléchir avant de vouloir te débarrasser de moi.

Elle me donnait clairement des envies de meurtre. Si je n'avais pas peur des conséquences, je ne sais pas ce que je pourrais lui faire. Mais je préférais ne pas le savoir. Je savais que j'avais tendance à être violent, surtout en ayant trop bu. Et la haine que m'inspirait cette fille était exceptionnellement intense.

Je me suis levé en lançant un regard méprisant à Kaylie. Dire que j'étais sorti avec cette fille, en toute liberté. Si j'avais su...

-Je peux m'en aller, maintenant ? Lui ai-je demandé, à contrecoeur.

-On se reverra vite.

Et je me suis cassé de là. Tout de suite, ma haine a disparu pour laisser place à de l'angoisse. Kaylie était capable de tout et elle avait toujours tenu ses promesses. Si elle disait qu'elle pouvait faire du mal à ma famille, elle le ferait. Il n'y avait pas que moi qui était en danger, désormais. Autant j'étais en conflit avec ma mère, autant ma soeur était ma meilleure amie depuis tout petit. Et je ne supporterais pas qu'elle souffre encore par ma faute.

-Salut ! A fait une jeune fille, assise sur un banc devant lequel je venais de passer.

Je lui ai lancé un regard. Elle me disait quelque chose...

-Je suis une amie de ta soeur. On s'est vus hier.

Ah oui, elle. Elle m'avait tout de suite inspiré confiance. Elle avait un sourire naturel qui donnait envie de la connaître. Malgré sa maigreur qu'on ne pouvait pas rater, elle rayonnait.

-Oui, je me souviens. Je suis Noah, et toi ? Désolé, j'ai une mémoire terrible.

-Eleanor. Tu peux m'appeler Len.

-Je préfère Eleanor si ça ne te dérange pas. C'est un joli prénom.

Je l'ai vu rougir légèrement. Elle ne devait pas être habituée à recevoir des compliments.

-Tu fais quoi ici ? Lui ai-je demandé.

-Je faisais un peu de sport...

Je n'avais même pas remarqué qu'elle portait des vêtements de sport.

-Pourtant tu n'en as vraiment pas besoin.

Je l'ai vu baisser les yeux et son sourire s'est évanoui. Je n'aurais sûrement pas dû dire ça.

-Je suis désolé, je...

-Non, ne t'en fais pas. Tu n'es pas le seul à faire des remarques sur mon poids. Je devrais y aller.

Elle s'est levée et m'a tourné le dos.

-Attends !

J'ai attendu qu'elle se retourne pour reprendre :

-J'espère qu'on se reverra. Je fais des commentaires à la con mais peu importe ton poids, t'es très belle.

Elle a souri légèrement et a continué de marcher dans la direction opposée.

C'était une fille que je n'aurais jamais remarqué autrefois. Avant Kaylie, je ne sortais qu'avec les filles les plus populaires, avec des formes, des vêtements à la limite du vulgaire et un peu trop de maquillage. Mais Eleanor était différente, ça se voyait tout de suite. Si seulement j'en avais pris conscience avant...

En rentrant chez moi, je passais dans notre sous-sol pour chercher la drogue que j'avais entreposée là. De toute façon, j'avais déjà prévenu Kaylie que je n'avais pas réussi à tout vendre. Alors, pourquoi ne pas en profiter ? Je n'avais plus rien à perdre, je l'avais déjà dit. Ça arrangerait tout le monde si je mourrais maintenant. Ma famille ne serait plus en danger et je ne manquerais à personne. Je garde espoir que Lou serait triste mais en vrai, elle serait certainement soulagée aussi.

Sauf que je n'aurais jamais le courage de franchir cette limite, j'étais beaucoup trop lâche pour essayer de me tuer. Je n'étais même pas capable de faire ça, j'étais pathétique.

Destinées CroiséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant