NOAH

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Je me sentais nauséeux. Cela faisait trop longtemps que je n'avais pas pris de drogue, je ressentais le manque dans tout mon corps. Et les mots de Lou résonnaient encore en moi. Il fallait que je parle à Eleanor. Je lui devais des explications et peut-être même que ça me permettrait de me changer les idées. Je me motivais à sortir de mon lit et envoyais un message à mon amie en lui disant que j'aimerais lui parler. Elle me répondit dans la minute en refusant ma proposition. Je l'avais mérité, je dois dire. Je décidais de l'appeler, ce serait plus simple. La sonnerie retentit trois, quatre fois avant qu'elle ne décroche enfin.

-Qu'est-ce que tu veux ? M'a-t-elle immédiatement lancé.

-Une conversation avec toi. Tu mérites d'avoir des explications.

-C'est Louise qui t'a convaincue ?

-Elle m'en a parlé et je me suis rendu compte qu'elle avait raison. Je me sens bien avec toi et j'ai pris peur mais j'ai envie de te dire la vérité.

-Écoute, Noah, c'est gentil que tu m'appelles même si je ne vois pas trop le but. Mais là, c'est compliqué pour moi et je n'ai pas besoin de m'entourer de personnes comme toi qui...

-Qui ?

-Qui m'entrainent vers le fond.

Évidemment qu'elle pensait cela de moi. Tout le monde le pensait, pourquoi serait-elle différente ?

-Je ne suis certainement pas la meilleure personne et la plus stable pour toi. Je me drogue, je fais des conneries, je te fais du mal. Et je m'en excuse. J'ai juste besoin de te parler. Une conversation et si tu veux on ne se reverra plus jamais. Je ferais en sorte de ne pas croiser ton chemin et tu n'entendras plus parler de moi. Si c'est ce que tu veux, très bien. Mais je dois te parler, s'il-te-plaît.

-Ok, viens chez moi, il n'y a personne à la maison, a-t-elle cédé.

Je n'ai pu empêcher un sourire de se former sur mon visage. J'étais soulagé, j'avais vraiment cru ne jamais la revoir. Et cette idée m'était insupportable. J'espérais simplement qu'elle ne choisirait pas de couper contact avec moi après notre discussion. Je ne sais pas si j'étais capable d'encaisser ça en plus de tout ce qui se passait dans ma vie.

Je marchais très vite pour rejoindre le domicile d'Eleanor. Quand elle me fixa en ouvrant la porte, je sentis la colère et la tristesse qu'elle ressentait au fond d'elle. Évidemment que je l'avais blessé mais sur le moment je n'avais pas mesuré à quel point.

-Merci de bien vouloir m'écouter.

-Va droit au but, je n'ai pas des heures à t'accorder.

Nous étions dans sa chambre, sur son lit. Elle était assise à l'extrême opposé de moi et elle faisait tout pour éviter mon contact.

-Je vais te dire la vérité, d'accord ? Je te promets de tout te dire. Je n'ai juste pas envie que ton opinion de moi change, tu étais la seule à ne m'avoir jamais jugé auparavant.

-J'aurais aimé que tu me dises la vérité dès le départ. Mon opinion sur toi a déjà changé après que tu m'aies embrassé alors que tu as une copine.

Elle avait raison mais j'avais quand même eu l'impression de m'être pris une gifle juste en entendant ses paroles.

-Techniquement, je suis en couple. Mais je ne l'aime pas. Je ne l'aime plus. Et ce n'est pas vraiment un couple...

-J'ai vraiment du mal à comprendre là, Noah.

-Je sais mais c'est parce que c'est une histoire compliquée. Je vais commencer par le tout début. Tu sais que je me drogue et que je deale. J'ai commencé à me droguer avec un pote et après je suis sorti avec une fille que j'aimais bien. Elle m'a convaincu de commencer à vendre et elle m'a rapidement fait du chantage. Je devais vendre la drogue qu'elle se procurait pour lui rapporter de l'argent. En échange, j'avais de quoi aider financièrement ma mère qui ne travaille plus et ma soeur. On a besoin de cet argent alors je l'ai fait. Elle a menacé de me dénoncer quand j'ai voulu la quitter. Il faut que j'aille au lycée et si je suis exclu, je n'aurais aucun avenir. Et je ne peux pas faire de la taule pour ça. J'ai si peur, tu sais. Alors je vends pour elle et je reste avec elle parce qu'apparemment elle ne peut pas se passer de moi. Et évidemment, il y a une part de moi qui aime ça. Vendre cette drogue me permet aussi d'en consommer. Et j'en ai besoin parce que rien ne va bien dans ma vie et j'ai l'impression de m'effondrer à chaque pas. Quand je t'ai rencontré, j'étais mal mais pourtant je me sentais en vie avec toi. Je me sentais heureux. Et je sais que j'aurais dû te dire la vérité plus tôt mais c'était trop dur parce que j'ai honte. J'ai honte de ce que je suis.

-Je suis désolée pour toi, Noah. Je ne peux que comprendre ce que c'est que d'avoir honte de soi-même. Personne ne t'a jamais aidé à t'en sortir ? Tu n'en as jamais parlé ?

-Louise est au courant, bien sûr, mais elle ne peut rien faire et elle a beau me conseiller et me dire de la quitter, c'est un sacrifice que je n'étais jamais prêt à accepter avant.

-Tu as eu une vie difficile, je le sais et tu ne peux pas te blâmer d'avoir fait ce que tu as fait pour survivre. Tu veux t'en sortir, ça veut déjà dire beaucoup. Tu aurais pu me parler de tout ça, je ne t'aurais pas jugé. On a tous des choses qu'on déteste à propos de nous-mêmes.

-C'est moi qui te blesse et c'est toi qui as les bons mots pour me consoler. Je ne mérite pas que tu sois là pour moi. Il y a une dernière chose que tu dois savoir...

-Oui ?

Je pris une grande inspiration en sachant que ce que j'allais dire allait probablement tout changer.

-Même si je ne me considère pas en couple avec cette fille, on couche régulièrement ensemble.

Elle a encaissé ce que je lui disais en hochant la tête. Peut-être que je l'avais tellement déçue qu'elle n'était pas étonnée de mes révélations.

-On n'est pas ensemble, tu couches avec qui tu veux, a-t-elle dit avec de la fierté dans la voix.

-J'ai couché avec elle après avoir fait n'importe quoi avec toi. Je regrette tellement. J'étais frustré et en colère et j'ai fait une connerie.

-Comme j'ai dit, on n'a jamais été ensemble.

-Oui, parce que j'ai tout fait foirer. Je ressens tellement de choses pour toi, Eleanor. Et je comprendrais que tu ne veuilles plus me parler mais si tu savais comme je me sens coupable. J'aimerais tout recommencer et faire les choses bien avec toi. Tu mérites d'être heureuse avec quelqu'un qui te donne tout et qui soit respectueux et gentil et honnête aussi.

-Le truc c'est que je ne voulais personne d'autre que toi.

Mon coeur rata un battement en entendant cela.

-Peut-être que j'ai un faible pour les gens à problèmes, a-t-elle dit en rigolant.

-Je suis vraiment désolé. Pour tout. Je regrette d'avoir merdé comme ça.

-Maintenant, je dois me concentrer sur moi-même, Noah. Ce n'est juste pas le bon moment pour nous.

-Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. J'arrive à peine à m'en sortir alors si je ne t'aie plus dans ma vie...

-Tu y arriveras. Et ta copine sera là, a-t-elle annoncé en me jetant un regard amer.

-Je vais rompre avec elle. Je ne peux plus faire ça. Je te le promets, je ferais ce qu'il faut. J'assumerais mes actes quand elle me dénoncera. J'ai peur pour ma famille mais je dois le faire. J'arrête de me droguer et j'arrête d'en vendre. Je veux m'en sortir vraiment cette fois.

-J'en suis heureuse pour toi. J'espère que tu y parviendras et qu'il ne t'arrivera rien. Tu comptes beaucoup pour moi, Noah.

-Tu comptes aussi beaucoup pour moi.

J'ai vu qu'elle avait les larmes aux yeux même si elle faisait tout pour me le cacher. J'avais l'impression que nos chemins se séparaient et qu'ils n'allaient jamais se recroiser. C'était un sentiment horrible, j'avais l'impression que mon coeur se déchirait. On aurait pu être bien ensemble. J'avais tellement de regrets.

-Je ne sais pas ce que tu as à régler de ton côté, ai-je déclaré, mais si tu veux m'en parler je serais toujours là pour toi. Et dans le cas contraire, j'espère que tu iras bien. Prends soin de toi, Eleanor.

-Au-revoir, Noah.

J'ai franchi le seuil de son domicile et mon coeur me semblait lourd dans ma poitrine. Je ne sais pas trop ce que j'attendais ni ce que j'espérais de cette conversation. Cela n'aurait pas pu finir autrement, pourtant. J'avais tellement envie de me droguer et d'oublier tout en le faisant. Cela me semblait bien plus facile d'en finir ainsi que de m'en sortir. Je ne voyais plus d'échappatoire possible.

Destinées CroiséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant