J'avais rejoint Connor comme prévu, il m'avait donné rendez-vous devant chez lui. Je l'ai vu arrivé, de son habituelle démarche nonchalante et avec un grand sourire sur le visage.
-Salut, Alec, a-t-il lancé.
-Coucou, Connor.
J'étais un peu gêné en me tenant devant lui. Je ne savais pas trop quoi faire. En voyant cela, il a pris les devants et s'est penché pour m'embrasser sur la joue.
-Je sais, je sais. On est en public, m'a-t-il chuchoté à l'oreille.
Je lui ai adressé un sourire reconnaissant. J'étais soulagé qu'il comprenne ma position ou tout du moins, qu'il la respecte.
-Tu me suis ?
-On va où ?
-Surprise, je t'ai dit.
Je me suis donc laissé guider. On a pris le bus, à mon grand étonnement. La route passa très rapidement, nous n'avons pas arrêté de discuter avec Connor. J'adorais cette période, lorsqu'on rencontrait une nouvelle personne. L'avenir semblait rempli de nouvelles possibilités. Et on était jamais à court de sujets de conversation. Apprendre à découvrir l'autre, c'était vraiment incroyable.
-On est arrivés !
Connor m'a montré un petit restaurant au coin d'une rue. C'était mignon, tout illuminé et chaleureux. J'ai souri en passant le pas de la porte. Aucun garçon ne m'avait jamais emmené dans un restaurant, tout était nouveau pour moi.
-Salut, Julien !
-Eh, Connor ! Ça fait longtemps qu'on ne t'avait pas vu.
-Tu connais tout le monde, ici ? Ai-je demandé à mon ami, une fois installés à table.
-Je venais souvent. C'est un peu mon repère.
-Ah, t'as emmené tous tes rencards ici, c'est ça ?
-Chut... Ne révèle pas mes secrets, s'il-te-plaît. Je me suis dit que c'était assez éloigné de la ville. Tu ne risques pas de croiser des gens que tu connais, là.
Je fus touché par cette attention. Connor m'avait clairement expliqué que c'était compliqué cette situation pour lui. Et pourtant, il s'adaptait et faisait attention à ce que je sois à l'aise.
-Merci. Tu ne sais pas combien ça compte pour moi.
-Je peux imaginer. Même si je n'ai jamais vraiment fait mon coming-out, j'ai eu beaucoup d'amis dans ton cas. Et je sais que tu finiras par le faire aussi, Alec, dans ton propre intérêt. Tu mérites d'être heureux, sans avoir à te cacher.
-Ce n'est pas si simple.
-Je sais. Mais une fois que tu l'auras fait, tu verras, tu seras beaucoup plus en paix avec toi-même. Maintenant, ne parlons plus de ça. Tu as choisi ce que tu veux commander ?
Notre repas fut parfait. Et je ne parle pas que de la nourriture. Connor parlait beaucoup et cela m'arrangeait. J'adorais l'écouter et il s'intéressait aussi à moi. Je passais une superbe soirée, loin de tout. Quand nous eûmes fini de manger, Connor m'emmena dans un petit parc, à l'écart du centre-ville.
-C'est notre truc, maintenant, les parcs ?
-C'est le seul endroit où je peux t'embrasser, a-t-il répondu dans un souffle.
J'ai ri et je l'ai laissé se pencher vers moi. On était seuls au monde à cet instant et cela m'arrangeait grandement.
-Tu ne trouves pas qu'on va un peu vite, tous les deux ? Ai-je finalement demandé.
Cette pensée me trottait dans la tête depuis un moment.
-Tu as cette impression, toi ?
-Peut-être...
-On peut aller plus lentement, si tu veux. Apprendre à se connaître, d'abord. Je comprends tout à fait.
-Non, laisse tomber, j'ai vraiment envie de t'embrasser encore, là.
Il a éclaté de rire.
-D'accord, on apprendra à se connaître plus tard, alors.
Nous avons passé la fin de la soirée ensemble à rigoler et à se raconter nos vies. Et à s'embrasser aussi, je l'avoue. Le temps s'écoulait plus vite en sa compagnie. C'était un garçon incroyablement intéressant et j'avais l'étrange impression de l'avoir toujours connu. C'était la seule personne qui pouvait me comprendre totalement. J'avais Louise bien évidemment mais c'était différent. Elle n'avait jamais été dans ma situation et ne le serait jamais.
Nous avons fini par reprendre le bus et il était déjà très tard. J'avais dit à mes parents que je sortais avec Louise, c'était toujours ma couverture dans ces cas-là. J'ai embrassé une dernière fois Connor avant de sortir du bus et de retourner à notre vie « normale ». J'ai senti chez lui une pointe de déception en voyant que je m'éloignais un peu. Je savais que ce n'était pas voulu de sa part mais cela me mettait un peu la pression. Je ne voulais pas en parler à mes parents mais j'avais peur de perdre Connor en ne le faisant pas. Et dans mon esprit, cette petite idée avait germé et j'avais du mal à la faire taire. Elle ne cessait de me dire que je serais plus heureux en avouant tout. C'était faux, sûrement. Cela ne causerait que de la peine à tout le monde. Ça risquait de créer un conflit entre mes parents et de perturber ma petite soeur. Mais, tout de même, en entendant Connor parler de ça et en le voyant avec sa famille, je l'enviais. J'avais envie de ça, moi aussi. Louise me l'avait dit, je méritais d'être en paix avec moi-même.
Ces pensées me torturèrent toute la nuit. Et, au réveil, je n'étais pas plus avancé. Je savais que je ne prendrais pas de décision de sitôt. Mais je commençais à me poser des questions et cela m'effrayait. Qu'est-ce qui arriverait vraiment si j'avouais la vérité ? Comment je serais traité ? L'opinion que tout le monde avait sur moi changerait d'un seul coup. Mise à part celle de Lou et de Connor, probablement. Ils étaient un peu mon point d'ancrage. Tant que je les avais, je savais que je serais capable de faire et de supporter beaucoup de choses. Est-ce que dire que je suis gay faisait partie de ces choses-là ? Ça, je ne l'avais pas encore découvert.
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Destinées Croisées
Fiksi Remaja«Tu crois que c'est de la chance ? Tout ce qui nous arrive ? a demandé la fille, allongée sur le dos dans l'herbe à côté de son ami. -Non. Je crois que c'est le destin, a murmuré le jeune homme en regardant les étoiles. -T'y crois à toutes ces conne...