Après un silence un peu lourd, je repris :
— Les gens que j'ai en face de moi sont souvent mal à l'aise. Je lis de l'admiration dans leurs yeux, de la peur, de l'envie ou même la certaine fascination que je leur inspire, mais vous, c'est différent. Vous n'êtes habitée par aucun de ces sentiments. Ce que je vois, c'est du mépris, voire même un dégoût intense à mon égard.
Elle écarquilla les yeux et laissait échapper une petite exclamation avant de s'efforcer de raffermir sa voix :
— Vous vous trompez. Jamais... non ! Je ne me permettrais pas un instant de vous...
Jimenez n'acheva pas sa phrase, jugeant inutile de poursuivre.
— De me juger ?
Mon assistante me lança à cet instant un regard qui, je le jure, était suspicieux. Elle haussa les sourcils, comme pour me défier une nouvelle fois. Putain, elle commençait sérieusement à me taper sur les nerfs ! Pour qui se prenait-elle ?
— Je n'envie personne dans ma vie, c'est vrai. Chacun suit son chemin. Je veux juste faire mon travail et ne cherche rien en retour, monsieur Khan.
— Je doute que vous puissiez le faire sans motivation. Il y a forcément quelque chose qui vous habite.
Un sourire condescendant éclaira son visage.
— C'est exact. J'ai mes motivations personnelles.
Je comprenais mieux pourquoi ma mère avait engagé cette femme. Elle avait vu la même chose que moi à cet instant, miss Jimenez était imperméable à tous les mots. Visiblement, pas grand-chose ne semblait l'atteindre.
— Vous êtes arrivé, monsieur.
En s'arrêtant, le moteur provoqua un drôle de silence. Isaac venait de sonner la fin de la discussion. Les secondes avant que les portes ne s'ouvrent me parurent durer une éternité. Je toisai mon assistante d'un regard torve et fus rassuré de constater qu'une brusque envie de fuir s'empara d'elle. Finalement, je l'effrayais autant que je l'intriguais. Lorsque Isaac ouvrit les portes, Jimenez s'écrasa malencontreusement sur moi en essayant de se relever. Je lui agrippai les poignets par réflexe. Cette dernière murmura quelques vagues mots d'excuse, mais son contact m'insupportait. Je la repoussai sans ménagement en répliquant de mon air dur que le danger donnait aux hommes comme moi :
— Ne me touchez plus jamais !
Je sortis du van avant elle et pris le soin de remettre correctement ma veste en place comme si elle me l'avait froissé. Je me dirigeai ensuite à pas de charge vers l'entrée de la maison.
En entrant dans le salon, j'allumai la télévision pour me tenir au courant des informations, puis allais me poster devant les grandes fenêtres.
Le jour n'allait pas tarder à se lever sur la ville. À cet instant, tout me semblait paisible. Un rare moment où mon cerveau s'octroyait un moment de répit. J'aimais penser que j'étais seule, à l'abri de tout danger, mais mes hommes étaient présents H24 et sept jours sur sept aux alentours.
Je passai une main sur mon visage et me rappelai que Jimenez était là aussi, chez moi. L'idée même de sa présence dans ce lieu m'était désagréable. Je maudissais ma mère d'avoir embauché cette femme et pour me venger, je comptais bien faire de son quotidien, un enfer. Je décidai de l'appeler avec mon ton le plus autoritaire.
Le bruit d'un pas léger m'avertit que mon assistante venait de rentrer dans la pièce. Je continuais à regarder les informations tout en me servant un verre de scotch sans prendre la peine de lui jeter le moindre regard.
— Ashley vous a-t-elle donné le planning de mes rendez-vous ?
Jimenez se dépêcha de chercher dans son gros sac à bandoulière et sortit un dossier qu'elle feuilleta énergiquement. De mon côté, je retournai à l'observation de mon verre, réfléchissant à la stratégie à adopter.
— Oui, je l'ai avec moi.
— Annulez tout et recasez-les dans la semaine, ordonnai-je d'une voix basse, tendue.
— Mais, vous n'avez que très peu de disponibilités cette semaine.
Je fis pivoter ma tête dans sa direction et décidai enfin à la regarder. Comment osait-elle imaginer avoir le choix ? Je la dévisageai avec mépris pendant qu'elle continuait de parcourir le planning des yeux. Ces converses rouges, ce pantalon hideux et ce tee-shirt taché de pistache. Non, rien n'allait chez elle.
— Vos journées sont surchargées. Il n'y a même pas...
Jimenez releva enfin ses yeux et décida qu'il était préférable de ne pas finir sa phrase. Ma contrariété devait être visible. Je la foudroyai du regard, je ne tenais plus. J'avançai vers elle en prenant soin de prendre le ton le plus désagréable qui soit :
— Croyez-vous que j'aie du temps à perdre ? À quoi me servez-vous si vous n'êtes pas capable de faire ce que je vous demande ? Ne m'embêtez plus avec vos analyses stupides !
C'est à la qualité du silence que je sentis que je l'avais touché. Je lisais dans toute sa personne qu'elle était terrorisée. C'était jouissif de la voir apeurée, prête à donner sa démission pour foutre le camp le plus rapidement possible d'ici. Soudain, ses yeux se posèrent sur mon verre et un air ennuyé passa sur son visage. Je plissai les yeux et contractai ma mâchoire. Non, elle ne va pas oser. Elle ne va pas oser me faire la morale sur ce verre ? Elle hésita une fraction de seconde. Je sentais bien que Jimenez voulait me dire quelque chose, ça lui brûlait les lèvres. Je décidai de prendre les devants :
— Ça m'aide pour arriver à vous regarder et à vous tolérer auprès de moi.
Je connaissais cette femme depuis, quoi, trois heures à peine et elle me faisait déjà perdre tout mon sang-froid ainsi que mes bonnes manières. Agacé, je partis m'asseoir sur le canapé. Je n'avais qu'une hâte : que mon assistante disparaisse de ma vue. Je lui ordonnai d'une voix sans timbre :
— Installez-vous dans le bureau d'à côté. Je vous ai assez vue. Envoyez les emails. Après, nous partirons à Sian Diego. J'ai quelque chose à régler là-bas.
Il n'était pas question que je lui laisse quelques heures de sommeil ni même le temps de prendre une douche. Non, je voulais la pousser au bout de ses limites.
Je me calai au fond du canapé. L'atmosphère me pesait, j'avais besoin de dormir un peu. Les paupières closes, je l'entendis s'éloigner. Mes remarques ne paraissaient pas vraiment la toucher. Cette jeune femme n'était pas du genre à s'apitoyer sur elle-même ni à céder facilement. J'éprouvai pour elle une antipathie que je me promis à cet instant de ne jamais surmonter.
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Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomanceLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...