Chapitre 29-2

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Mon regard trouva aussitôt Ronney quand mon deuxième pied toucha le sol, sur le toit. Elle était de l'autre côté de la terrasse avec ses deux colocataires octogénaires qui paraissaient inquiets de me voir ici. Mon assistante portait une longue robe bleue, parfaitement cintrée à la taille qui lui donnait une certaine grâce. Qu'elle était belle sous ce clair de lune.

Sans attendre, elle s'approcha de moi à grands pas, heureuse de me retrouver.

— Bonsoir, soufflai-je quand elle fut assez proche.

Une expression indéchiffrable traversa son regard. De la peur, mais aussi de la colère, de la rancœur, du soulagement passa dans ses yeux cernés par la fatigue et l'inquiétude que je lui avais causée ces derniers jours. Elle hocha la tête pour me rendre mon bonjour.

— Où étais-tu ?

Sa question mourut sur ses lèvres comme si elle était désormais sans importance. Je levai la tête et inspectai le ciel puis la vue qui s'offrait à moi. Le paysage sous mes yeux me paraissait soudain éblouissant et réconfortant, complètement différent de la première fois où j'étais venue ici, sans elle.

— Des affaires importantes à...

Je n'arrivais pas à finir ma phrase tellement que la magie de l'instant me surprit. Ce n'était pas possible, ce ne pouvait pas être le même endroit. Comment Ronney arrivait-elle à changer tout ça ?

— Cet endroit est si paisible, déclarai-je en scrutant l'horizon.

Difficile d'imaginer plus beau décor sur terre. Les étoiles se mélangeaient aux lumières de la ville se reflétant sur le lac paisible de Sheryl Valley. Ronney m'agrippa le bras et m'entraina au bord du toit. Je tournai le dos au paysage et m'assis sur le muret. Jimenez préféra rester debout, devant moi. Mes yeux glissèrent sur elle et s'attardèrent sur ses courbes. La musique dans le registre du music-hall résonnait autour de nous donnant un certain charme à l'instant.

— Tu as l'air différente ce soir.

Gênée par mes paroles, Ronney se mit à rougir puis tourna la tête vers ses deux complices qui dansaient la valse sur le rythme boiteux de la chanson.

— Belle valse.

Le regard de Ronney revint sur moi. Elle répondit :

— Tu as l'air de t'y connaître.

— Dans le milieu où j'ai grandi, il vaut mieux connaître toutes les danses de salon. Ça peut toujours nous servir dans les grandes réceptions.

Soudain, un masque de terreur vint se placer sur son visage. Ses yeux étaient rivés sur mes mains abîmées par les coups que j'avais donnés à Richardson. Elle réprima un frisson avant de relever sa tête et de m'interroger avec un regard effrayé. Je répondis :

— J'avais oublié mon arme dans la voiture. Je déteste terminer mes rendez-vous en me salissant les mains.

Ronney pâlit, prenant les informations que je lui donnais avec réserve. C'était comme si la réalité venait de la rattraper et qu'elle se replongeait dans un cauchemar. Ses yeux vacillèrent.

— Tu finiras comme les autres gangsters : les pieds sous terre.

Sa voix lui fit défaut. Il n'y avait dans celle-ci aucun reproche juste une immense tristesse et cette peur de me perdre.

— Non, moi, je suis l'exception à la règle.

Jimenez soupira.

— Aimes-tu réellement cette vie ?

Je serrai les dents, incapable de détourner mon regard du sien.

— C'est la vie que j'ai choisie !

— Et tu étais obligé d'infliger ça à cet homme ?

D'un regard, je lui ordonnai de ne pas aller trop loin.

— Oui, on parle de millions de dollars, Ronney. L'argent dans ce bas monde est le nerf de la guerre. Les affaires sont les affaires !

Jimenez attendait que je lui en dise plus, mais je me tus.

— Et la richesse mérite-t-elle vraiment un tel enfer sur cette Terre ?

Je baissai les yeux, agacé. Personne ne me dictait ma conduite. J'avais mille et une façons de la blesser sauf que je n'en avais pas envie. Au lieu de ça, je reniflai, impatient avant de lâcher, la tête toujours baissée :

— Tu ne sais rien de moi !

Sa voix se radoucit :

— J'ai eu si peur qu'il te soit arrivé quelque chose. Ne m'en veux pas de m'inquiéter pour toi. Ces dernières heures n'ont pas été faciles pour moi.

Ses paroles demeurèrent suspendues entre nous. Je comprenais son angoisse, l'idée qu'il puisse lui arriver quelque chose m'était insupportable. Je relevai mon visage. Ses prunelles aux reflets d'or vinrent se planter dans les miennes. Ce que je ressentais pour elle ne faiblissait pas au fil des jours, c'était même l'inverse. Je ne la voulais que pour moi, mais c'était égoïste. Je savais que j'étais sa pire menace, qu'à mes côtés elle serait toujours en danger. L'angoisse ? Oui, je connaissais. J'étais angoissé rien qu'à l'idée de l'aimer. Rien ne m'effrayait davantage.

À cet instant, son regard m'implorait de la choisir, elle et...durant une fraction de seconde c'est ce que j'avais fait. Les yeux toujours accrochés aux siens, je déclarai sur un ton hésitant :

— Je n'aurais certainement pas oublié cette arme si j'avais été moins occupé à penser à toi. Tu ne sais pas à quel point ta présence m'est nécessaire.

Ronney ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Cet aveu la laissa bouche bée. Désorientée, elle secoua la tête pour reprendre ses esprits. C'est alors qu'une lueur malicieuse traversa son regard. Elle répondit avec un demi-sourire :

— Eh bien, je pense que tu as de la chance de m'avoir rencontrée.

Je ne pus retenir un rire avant de l'observer d'un regard plus insistant. Une douce tension s'immisça entre nous. Sa respiration un peu plus rapide soulevait sa poitrine. Si ses deux colocataires n'avaient pas été là, je l'aurais embrassé sur-le-champ en passant ma main sous sa robe. Je la désirais à en devenir fou.

Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant