Elle était furieuse contre le monde entier et surtout contre moi. Je la regardais ranger ses affaires avec des mouvements rapides, les larmes au bord des yeux. Logan, son collègue un peu trop attentionné la réconfortait avec des paroles niaises. Je les examinais paresseusement avec l'envie de me tirer d'ici le plus rapidement possible. Le jeune homme, à la coupe brune désordonnée, suivit mon assistante jusqu'à la porte du studio.
— Je te raccompagne !
— Ça ira, je m'en charge, déclarais-je en souriant, mais l'expression de mon visage était dure.
Logan jeta un coup d'œil inquiet à son amie. Elle savait trop bien qu'il était préférable d'aller dans mon sens. Mon assistante remonta ses lunettes.
— On se voit la semaine prochaine, ça ira, le rassura-t-elle avec un demi-sourire avant d'attraper son sac et un casque sur le canapé.
Un casque ?
Dans les couloirs, la jeune femme se pressait autant qu'elle le pouvait pour sortir de cet endroit sans se retourner vers moi. Bon sang, elle marchait vite !
Mon assistante s'arrêta au milieu du trottoir et m'adressa un coup d'œil mauvais. Je décidais de passer à la seconde partie de mon plan.
— Alors, où allons-nous, maintenant ?
Jimenez plissa son front et se pinça les lèvres pour retenir des mots violents. J'enfouis mes mains dans mes poches, satisfait de l'effet que je produisais sur elle. Toute la semaine, je devais la supporter, c'était à son tour de me supporter.
— Nous n'allons nulle part ensemble ! Je rentre chez moi et vous, allez tuer qui vous voulez en attendant.
La pique se voulait hostile, mais glissa sur moi. C'est là que je fis le rapprochement entre le casque qu'elle tenait et l'engin du siècle dernier qui était à côté d'elle. Non ! C'était encore plus critique que ce que je pensais. Comment pouvait-on encore se servir d'une mobylette à notre époque. Elle n'était même pas de collection. Pire, elle ne démarra pas quand mon assistante tenta de me fuir. Je n'avais jamais vécu une situation aussi embarrassante de toute ma vie. Je ne sais pas lequel de nous deux fut le plus mal à l'aise à ce moment-là.
Je me grattai l'arrière du crâne.
— J'ai l'impression que votre carcasse vient de rendre l'âme.
— Non, elle est juste capricieuse ! s'agaça Jimenez.
Elle était proche de la crise d'hystérie et moi, du fou rire. Je me mordis l'intérieur de la joue pour me contrôler. Malgré toute l'animosité que j'éprouvais pour elle, je ne pouvais pas la laisser ainsi.
— Je vais vous ramener.
Jimenez releva sa tête et plissa les yeux. Elle semblait réfléchir aux différentes options possibles qui se présentaient à elle pour se sortir de là. Elle balança légèrement sa tête de droite à gauche puis finit par accepter à regret ma proposition. Dans à peine une heure, elle et moi nous nous séparerions avec un accord commun.
Je lui ouvris la porte de la Benthley. Une fois de plus, elle me jeta un regard méfiant avant de s'asseoir sur le siège passager.
Tendue, Jimenez ne décollerait pas. Nous roulions depuis à peine cinq minutes quand elle me lança froidement :
— N'avez-vous pas peur de vous faire abîmer votre voiture dans ce quartier peu fréquentable ?
Cette question me fit à moitié sourire. Comment pouvait-on s'en prendre à Yeraz Khan ou à sa voiture sans être inquiété dans la minute qui suivrait ? Mon assistante n'imaginait pas l'effet de terreur que je faisais régner partout dans ce pays. Je soupirai avant de répondre calmement :
— Je plains la personne qui osera la toucher.
Jimenez secoua la tête pour désapprouver mes paroles, puis avec un geste brusque m'indiqua le chemin à prendre pour rentrer chez elle de peur que je continue tout droit.
Je ne l'écoutai pas et tournai à gauche pour sortir de la ville. Il était hors de question que je la dépose maintenant. Non, avant, je voulais sa démission ! Interloquée, elle exigeait des explications. Je restai bref. Une fois de plus, la dispute entre nous était inévitable.
— Où allons-nous, et de quel droit venez-vous envahir ma vie privée ?
— Ronney, nous sommes pieds et poings liés tous les deux. Vous envahissez mon espace en semaine, j'ai décidé de faire pareil le week-end. Démissionnez et vous n'entendrez plus parler de moi.
Le ton montait. Je restais concentré sur la route même si mon pied avait tendance à appuyer un peu trop sur la pédale d'accélération. Elle me rendait fou à vouloir me tenir tête, à essayer de me ramener à la raison. C'était à elle de se remettre en question, ce n'était pas à moi. Non, Putain, pas à moi ! Je finis par trouver les paroles les plus blessantes qu'il m'était possible d'avoir pour la faire taire une fois pour toutes.
— Pour être franc, en plus d'être une femme pas jolie et d'un ennui terrible, vous êtes naïve et sans aucun intérêt pour moi. Et c'est quoi cette voix ridicule que vous prenez lors de ces doublages ? Ça a été une véritable torture pour mes oreilles.
Je mentais. Cette matinée au studio, sa voix, m'avait transporté là où personne ne m'avait encore jamais emmené. Et au plus profond de moi, je lui en voulais. Je ne voulais pas ressentir de bien-être en compagnie de qui que ce soit et encore moins auprès d'elle.
Jimenez remonta ses lunettes et laissa le silence répondre à sa place. Au lieu de m'affronter ou de pleurer, elle tourna la tête vers sa vitre, l'air impassible. Encore une fois, mes mots n'eurent aucun effet sur elle. Rien. Cette femme semblait être dotée d'un rempart infranchissable et cela me déstabilisait plus que je voulais me l'avouer.
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Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomanceLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...