Isaac me déposa chez Hamza en fin d'après-midi pour discuter d'une affaire concernant un projet immobilier et son chantier, près de Sheryl Valley.
Installé dans le séjour, Hamza me resservit un verre de Wisky tout en m'expliquant la situation :
— C'est un promoteur étranger. Alexander et Merwan sont allés à sa rencontre afin qu'il paye sa part d'impôts. Le type a refusé puis est allé se plaindre au commissariat pour extorsion. Les agents m'ont tout de suite appelé.
— Combien de chantiers a-t-il ?
— Trois dans les environs. Pas mal dans tout le pays.
Une brise pénétra à travers les fenêtres ouvertes de la pièce soulevant les voilages légers et transparents. Le salon joliment entretenu ressemblait à un décor que l'on trouvait dans les magazines. Mes yeux se posèrent sur la grande table en chêne puis glissèrent sur un portrait d'Hamza et de sa femme, accroché au mur. Je bus une longue gorgée avant d'inviter Hamza à poursuivre.
— Je suis rentré en contact avec ce promoteur, mais il campe sur ses positions et ne veut pas entendre parler de nous. Je te laisse t'en occuper. S'il continue son projet à Sheryl Valley, je veux qu'il ait payé sa part d'ici la fin de cette semaine.
— Ça sera fait !
Je jetai un coup d'œil sur l'horloge puis terminai mon verre avant de me lever et de saluer Hamza avec un sourire éteint, mécanique.
Il fallait que j'aille voir, que je passe devant son immeuble. Je demandai à Isaac de faire un détour dans Bakery District, le quartier de Ronney.
La nuit tombait sur la ville. De là où j'étais, mon assistante ne pouvait pas me voir de sa fenêtre. J'étais au courant de ses moindres déplacements, mes deux nouveaux hommes de main, Ian et Jessim la suivait partout. Était-ce excessif ? Oui. J'étais attiré par cette femme d'une manière viscérale que je ne pouvais pas expliquer. Jimenez était mieux sans moi, j'en avais conscience, mais je n'arrivais pas à me résigner à la laisser partir. Ce baiser à Los Cabos, je n'arrivais pas à l'oublier. Je me revis soudain à l'âge de treize ans dans le cabinet de la psychologue où ma mère m'avait emmené en cachette de mon père.
— Madame Khan, je suis sincèrement désolée, votre fils sera incapable de pouvoir aimer un jour. Il mimera ce sentiment s'il le faut, mais son vécu est trop lourd, les séquelles sont irréversibles.
Camilia, assise à côté de moi, sur le canapé, en pleure, écoutait attentivement les paroles de cette femme à la longue chevelure rousse.
— Ça veut dire qu'il ne m'aimera jamais ? Ni moi, ni ses sœurs, ni son frère ?
La psychologue avait soupiré avant de tendre à nouveau la boite de mouchoir à ma mère.
— Yeraz ressentira du bien-être auprès de vous, auprès des gens qui lui feront du bien. Votre fils s'est coupé depuis déjà très longtemps de ses sentiments, de son corps, pour pouvoir endurer son quotidien et supporter tout ce qu'il voit à son âge. Comprenez bien qu'il a énormément souffert durant son enfance jusqu'à maintenant. C'est son seul mécanisme de défense pour ne plus souffrir.
— J'imagine que vous avez une idée de son profil à l'âge adulte.
Camilia appréhendait la réponse, mais elle avait besoin de l'entendre.
— Yeraz aura un fort caractère dominant. Il voudra avoir le contrôle sur tout et qu'on lui obéisse. Il sera imperméable aux souffrances d'autrui et aimera faire du mal autour de lui pour évacuer sa haine. Madame Khan, soyez présente pour votre fils, mais surtout ne pensez pas que vous pourrez l'aider à changer. Ce serait une illusion et vous recevrez l'inverse de ce que vous voudriez lui donner. À part un miracle, Yeraz n'aimera jamais personne.
À part un miracle. Une rose qui pousse dans du béton est-ce un miracle ? C'est comme ça que je voyais Ronney et l'état actuel de mon cœur. Je n'avais plus d'humanité depuis tellement longtemps. Comment savoir ce que l'on ressent quand à treize ans, un adulte vous a défini comme un monstre ?
Je détournai mes yeux du bâtiment avec une douleur lourde et lancinante dans la poitrine.
— Isaac, conduisez-moi chez moi.
Mon chauffeur obtempéra. J'avais encore une multitude de travaux qui m'attendait et une visioconférence avec les investisseurs de New York.

VOUS LISEZ
Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomanceLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...