Chapitre 11-3

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Nous nous assîmes à l'écart du groupe survolté qui carburait à l'alcool et à la drogue. Mon rival, assis en face de moi, parcourait la foule avec ses yeux clairs et arrogants. Ses rides marquaient son visage, le rendant encore plus grossier. Il avait dans son cou une immense cicatrice, suite à un règlement de compte qui avait mal tourné. Ce type avait échappé tellement de fois à la mort que beaucoup disaient qu'il avait acheté son immortalité.

Avachie dans le fauteuil, son importante corpulence me faisait penser à un ogre. Son crâne, à peine recouvert de cheveux, luisait de sueur. Il alluma une cigarette avant de s'adresser à moi :

— Ton club est vraiment sympa et il a l'air de bien marcher. Arrives-tu à blanchir assez d'argent en un seul mois ?

Je remarquai l'éclair de convoitise qui illumina ses yeux sombres.

— Il ne faut pas se plaindre.

Ma voix glaciale obligea Nino à se redresser de son fauteuil. Il savait qu'il n'était pas en terrain conquis, ici. Derrière mes lunettes, je le vis essayer de deviner mes pensées, mais mon visage restait impénétrable. Déstabilisé par le fait de ne pas voir mes yeux, l'homme jetait des regards tout à tour à Hamza et à moi. Il prit un air sévère puis fit un résumé sur sa requête, soumise à Hamza quelques heures plus tôt, qui concernait le lac de Sheryl Valley. Son organisation voulait une part plus importante de ce territoire afin de pouvoir cacher plus de marchandises. En effet, la Rosa Negra importait d'importants volumes de cocaïne, chaque jour, grâce à de petites embarcations de loisir. Des experts en plongée s'occupaient de cacher et de récupérer la drogue, placée au fond de l'eau.

Nino esquissa les grandes lignes de son plan, puis attendit ma réponse. Je le fixai un long moment puis me tournai vers Hamza.

— Qu'est-ce qui a été convenu ? demandais-je en arabe.

Mon rival parut offensé, mais je m'en moquais.

— Si nous leur laissons ce droit de passage, nous voulons un pourcentage sur les bénéfices. La Rosa Negra est prête à discuter.

Je hochai la tête et revins sur Nino.

— J'ai une réunion avec Lucas, mercredi. Nous pourrions nous revoir ce jour-là pour discuter des conditions et commencer à établir un accord par écrit.

Satisfait, Nino s'empara de son verre de Whisky posé devant lui et le leva en l'air pour approuver cette décision.

Nous échangeâmes ensuite sur l'avenir de Sheryl Valley jusqu'à ce que je trouve une excuse pour laisser les deux hommes. Au moment de me lever de la banquette, Nino me retint :

— Yeraz, j'ai appris que la Mitaras Almawt avait mis un terme au combat de chien. Il paraît que cette décision vient directement de vous, est-ce vrai ?

Je tirai sur ma veste et me rassis.

— Oui, j'ai interdit cette pratique. Ces combats à notre époque n'ont plus lieu d'être.

Nino partit d'un rire infiniment désagréable avant de vouloir me faire entendre raison :

— S'il vous plaît, Yeraz, ce divertissement existe depuis l'antiquité. Vous n'imaginez pas l'impact énorme que va avoir cette décision prise, à la va-vite, sur l'économie de toutes ces organisations. Beaucoup de gens vivent de ces combats.

Ce qu'il me disait flottait dans l'air comme une vapeur sans importance.

— La Mitaras Almawt se retire de tout ça. Les combats de chiens ne sont pas essentiels à notre famille.

— Vous parlez un peu vite, je trouve, mon ami.

Si une arme avait trainé sur la table, je n'aurais pas laissé Nino finir sa phrase. Hamza décida d'intervenir :

— Nous ne pouvons pas faire voter tous nos hommes sur chaque décision que nous prenons. Celle-ci a été murement réfléchie par Yeraz.

Nino esquissa une légère grimace avant de se caler au fond de son fauteuil. Du revers de sa main, il s'essuya la bouche, comme pour effacer ce sourire mauvais qui restait incrusté sur ses lèvres.

— Je pense que la moindre des choses aurait était que Yeraz ait la courtoisie de parler avec Jacob Percy. C'est l'éleveur le plus respecté du pays. Mettre fin à une collaboration de plus de vingt ans sans aucune explication, c'est mal vu. Un homme doit assumer les décisions qu'il prend.

Nino se tourna vers moi et continua :

— Ne me dites pas que vous n'avez pas le courage d'affronter Jacob Percy. C'est un rustre, certes, mais il a quand même le droit d'entendre de votre bouche vos explications et de défendre ses convictions.

Mes poings se crispèrent. Hamza me coupa dans mon élan :

— C'est prévu ! Yeraz va le rencontrer ce mardi.

Mon rival adorait ce moment. Me voir me débattre et surtout céder sous la pression. Cet enfoiré se délectait. Poussé à bout, je me penchai vers lui et d'un signe de de main, l'invitai à faire de même. Lorsque son visage fut assez près du mien, je lui glissai d'une voix vibrante de haine :

— Vous êtes un homme sans aucune valeur, d'une totale cupidité, prêt à vendre mère et enfants. Je vous prédis la pire des fins.

Je me reculai. Le sourire de Nino s'éteignit. Hamza tenta de calmer la situation :

— Messieurs, s'il vous plaît. Laissez vos rancœurs de côté pour le moment. Ce n'est pas bon pour le business. Il y a beaucoup trop en jeu.

— Yeraz, vous êtes de la mauvaise graine, me provoqua Nino.

Je secouai la tête et jugeai qu'il était temps de mettre fin à l'entretien qui devenait d'une gravité trop comique. Même si en apparence je paraissais calme, au fond de moi, j'aurais tué n'importe qui à cet instant.

— Je dois y aller, déclarai-je en me levant.

Nino me suivit du regard, l'air fou. Hamza n'essaya pas de me retenir. Il connaissait mes limites.

Trois minutes plus tard, je quittais le club où s'engouffraient de longues acclamations suivies de cris intermittents. La fête allait durer jusqu'au petit matin.

Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant