Il y a eu un temps d'arrêt, après que mes yeux se posèrent de nouveau sur elle. Je décelai son air de découragement et en profitai aussitôt.
— Miss Cooper, vous pouvez disposer. Je vais rentrer avec miss Jimenez.
Ashley se tourna brusquement vers moi. Entre ces deux femmes dont un voile de panique couvrait leur regard, l'apparence, la taille et le style formait un étrange contraste. Je levai un sourcil interrogatif à l'encontre de Cooper pour la dissuader d'ouvrir la bouche. Ce n'était pas une proposition, c'était un ordre ! Miguel réapparut à cet instant accompagné de Fares. Avec un signe de tête, il me fit comprendre que Rafael était arrivé. Satisfait, je levai mon visage vers le plafond et fis craquer mon cou pour tenter de me détendre. Cette nuit était sans fin, je sentais l'épuisement me gagner. À travers mes lunettes, j'observais Jimenez qui regardait furtivement mes hommes en train d'installer le coin d'interrogatoire. Je tournai ma tête vers Ashley, son air d'embarras me parut ridicule. Qu'attendait-elle pour disparaître avec mon assistante ?
— Je vais conduire miss Jimenez à votre véhicule, monsieur Khan.
Cooper se hâta vers la sortie en empoignant Jimenez. J'étais enfin débarrassé de l'épouvantail, enfin c'est ce que je croyais. Lorsque Rafael apparut dans la pièce, trainé par Merwan et Alexander, la jeune femme se plaqua au mur, tétanisée par ce spectacle. Je n'avais pas le temps de la dégager de là, toute mon attention était portée sur l'homme à terre. Je le fixai un petit moment. Ce mec représentait l'incarnation de la traitrise.
— Où sont passés les dix millions de dollars ?
Je m'avançais vers lui tout en continuant de le fixer. Ma voix grave et autoritaire lui arracha un frisson.
— Je vous jure que je ne sais pas. S'il vous plaît. Je peux tout arranger. Pitié.
Il retenait à peine la nausée qui s'était emparée de lui. Je sentais bien que dans son esprit tout foutait le camp. J'avais envoyé tellement d'hommes à la mort avant lui que je pouvais anticiper la moindre de ses réactions, la moindre parole. Il allait me demander de lui accorder un peu de temps, mais moi du temps je n'en avais pas.
— Je ne veux aucune tache.
Miguel et Fares relevèrent Rafael qui résista avant de se résigner à s'asseoir sur la chaise. Dans la pièce, le silence était devenu lourd. Les collaborateurs regardaient la scène, satisfaits du spectacle. C'était notre quotidien, une simple routine.
Sur sa chaise Rafael essayait d'expliquer ce "malentendu", mais je ne laissais jamais la place au malentendu. J'étais intransigeant, les règles c'était les règles. Mon père me les avait fait rentrer à coup de ceinture tant de fois. Pas de sentiments, Yeraz ! Ces mots résonnaient encore en moi. Les cris qui montaient en puissance, me ramenèrent rapidement à l'instant présent. Rafael hurlait à la mort. Je m'accroupis devant lui.
— Je veux des noms.
Il baissa la tête et semblait réfléchir. Il était mal en point. Miguel lui avait troué les deux genoux à coup de perceuses et Fares lui assenait les coups au visage à chaque mauvaise réponse.
— Ils sont tous à New York, murmura l'homme à bout de souffle.
Il recrachait le sang de sa bouche qui coulait abondamment. La flaque rouge continuait de s'élargir à ses pieds, sur les bâches.
— Les contacts sont dans mon ordinateur. Le code est 844 462 9181. Vous trouverez les personnes qui ont vos millions, monsieur Khan.
Rafael m'agrippa soudain par les poignets pour les serrer avec une force de damné.
— Allez-vous me laisser vivre, maintenant ? J'ai une femme, des enfants.
Il me suppliait en pleurs. Ma haine extrême qui m'animait contre lui avait disparu. Je savais que c'était la fin pour cet homme.
— Nous ne toucherons pas à votre femme ni à vos enfants. La mafia à son code d'honneur, vous le savez bien.
Il hocha la tête, renifla bruyamment puis remua la tête. Eh oui, Rafael, la vie tient à peu de choses. Je me relevai et balayai l'air d'une main lasse.
— Finissez-le rapidement ! ordonnai-je à mes hommes. Les balles dans la nuque sont à la mode en ce moment.
Rafael ferma ses paupières avec une respiration saccadée. Il avait joué et il avait perdu. Rien ne pouvait plus le sauver.
Il était temps pour moi de rentrer et de dormir quelques heures. J'avais trente ans et ma routine m'avait déjà usé jusqu'à l'âme. Pas un seul jour de ma vie je n'avais joui de ma liberté ni goûté au bonheur. C'était deux choses qui m'étaient totalement inconnues. Comment ces choses pouvaient-elles me manquer si j'ignorais ce que c'était ?
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Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomanceLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...