Chapitre 4-3

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Muré dans l'amertume, dans la rancune, je ne voyais ni entendais personne. L'écart entre Hamza et moi ne cessait de se creuser. Je bus une gorgée de mon whisky qui ne fit pas disparaître ma rancœur envers l'homme qui se tenait dans la pièce d'à côté. Ce fut la voix très douce de mon assistante qui me tira de mes profondes pensées.

— Monsieur Khan, allons-nous rester ici encore longtemps ?

Jimenez me fixait avec toujours cette crainte permanente que je la foudroie sur place, chose que j'aurais pu faire si j'en avais été capable. Sa question me déplut. Décidément, cette femme n'était jamais à sa place. Je jetai un rapide coup d'œil dans la pièce. Certains des hommes étaient plongés dans de vives conversations tandis que d'autres me regardaient avec une respectueuse admiration en levant leur verre dans ma direction. C'est avec un ton glacial et hostile que je répondis à mon assistante :

— Oui, miss Jimenez. Pourquoi ? Vous avez mieux à faire ?

Elle s'empourpra, puis remonta ses lunettes en bafouillant :

— Je n'ai pas dormi de la nuit et rien avalé depuis ce matin. Monsieur Khan, je suis au bord du malaise.

Je n'avais pas vu l'heure passée depuis ce matin. En effet, mon assistante n'avait rien mangé ni bu depuis des heures. Son visage dénotait une certaine fatigue qui la rendait encore moins jolie qu'elle l'était déjà. Avec un petit claquement de doigts, j'intimai à un des garçons de maison à venir vers nous.

— Un siège et un repas pour mon assistante.

L'homme, aux cheveux blonds, très pâle et aux joues creusées acquiesça d'un signe de tête avant de disparaître à la hâte. Jimenez me remercia. Je ne prêtais pas attention à ces paroles, trop occupé à me demander comment j'allais faire pour convaincre Hamza pour qu'il accepte cet accord avec moi.

Après quelques recherches sur mon téléphone, je tombais sur une information capitale qui pouvait faire pencher la balance de mon côté. Un haut membre du conseil d'administration russe de la société "Fidutive" avait toujours plaidé en faveur de la protection animale. De plus, Schröder était en étroite collaboration avec la Mitaras Almawt pour signer de juteux contrats avec certaines de nos sociétés-écrans, lui permettant d'investir de l'argent sale dans l'immobilier. Toujours debout, je m'adressais à mon assistante, assise à côté de moi en train de déguster son encas :

— Miss Jimenez, regardez les derniers chiffres de la bourse et plus particulièrement celui du groupe "Fidutive". Comparez-les à ceux de la semaine dernière.

Hamza ne pouvait pas se permettre de décevoir un de ces hauts dirigeant en affaire qui avait injecté tant d'argents dans nos affaires.

— Peut-être que j'arriverai enfin à lui faire entendre raison avec ça ! déclarai-je à voix haute.

C'est alors que je crus entendre un petit bruit contenu de la part de mon assistante. Je tournai instinctivement ma tête dans sa direction. Une colère noire s'empara de moi. Je me retins de donner un coup de pied dans sa chaise et pris sur moi pour ne pas exploser devant tout le monde.

— La situation vous fait sourire à ce que je vois.

Je mettais tout mon poids sur chaque mot.

— Non, monsieur, c'est que...

Mon assistante leva ses grands yeux vers moi et remonta ses lunettes avec sa main libre. Elle n'acheva pas sa phrase. Je m'accroupis pour être à sa hauteur et plongeai mes yeux au plus profond de ses prunelles pour qu'elle n'oublie jamais à qui elle avait à faire. Elle se raidit, glacée de froid et de terreur.

— Il y a une chose que je déteste par-dessus tout, miss Jimenez. La désobéissance et l'insolence.

— Ce n'est pas pour vous, monsieur Khan, balbutia-t-elle. Je ne voulais pas. C'est juste que vous trouvez une situation compliquée qui, pour moi, n'en est pas une.

— Vous n'avez pas compris un seul mot de cette réunion, mais vous pensez être capable de résoudre un problème qui vous dépasserait si vous aviez toutes les informations à votre disposition.

Jimenez se pinça les lèvres puis baissa les yeux sur son assiette qu'elle posa à côté d'elle avant de chercher dans son sac, sa tablette. Elle ajouta ensuite avec la plus grande précaution :

— Parfois, il suffit d'examiner la personne qui se trouve en face de nous pour la comprendre. La gestuelle permet d'en apprendre beaucoup plus sur elle que le discours qu'elle peut avoir.

Bon sang, n'allait-elle pas finir par se taire ? Je me redressai et remis ma veste en place en la toisant toujours de mon regard le plus noir.

— Une de vos théories ?

Jimenez baissa de nouveau ses yeux sur l'appareil qu'elle tenait entre les mains. Je pensais avoir enfin réussi à la mettre en port à faux, mais c'était mal la connaître. Elle remua lentement sa tête de droite à gauche et ajouta d'une voix calme, sans me regarder :

— Monsieur Saleh est un homme avec un esprit d'enfant. Il suit son instinct avant tout. Si vous voulez qu'il vous écoute, soyez le dernier à quitter la pièce.

Je m'étonnais de la vivacité de cette réflexion. Moi qui pensais jusqu'ici que mon assistante n'était pas une femme à l'esprit particulièrement rapide, m'étais-je trompé ?

Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant