C'était le petit matin, la nuit se mélangeait aux premières clartés de l'aube. Il n'y avait aucun bruit. La paix, le silence rendait cet instant paisible.
Je vérifiai mon gilet pare-balle, mon arme ainsi que le chargeur puis nettoyai mes lunettes noires avant de les remettre sur mon nez. Après de longues minutes de concentration, je me tournai vers mes hommes qui attendaient mes ordres sur ce chantier vidé de ses ouvriers. Derrière moi, plus loin, Alvaro Sassoli était déjà au travail dans le bâtiment modulaire installé le temps des travaux.
— Alexander, vous rentrerez en premier pour désinstaller les caméras de surveillance. Merwan, Soan et Amir, vous restez avec moi. Les autres, je veux vous voir à votre poste et attendez le signal.
La dizaine d'hommes s'éparpillèrent sur le chantier. Je me tournai vers Merwan :
— Vérifie que le reste des hommes sont bien positionnés sur les deux autres chantiers.
Mon collaborateur s'exécuta. Il sortit son téléphone et composa un numéro. Pendant ce temps, je me dirigeai vers Amir qui tremblait de froid.
— Si ça n'avait tenu qu'à moi, tu ne serais pas avec nous en ce moment, lâchai-je sur un ton plein de mépris. Tu es peut-être bon en affaires, mais tu es un risque pour nous tous sur le terrain. Tu observes et tu bouges quand je te dis de bouger, est-ce clair ?
Je m'écartai de lui pour observer son visage apeuré. L'obscurité accentuait chaque trait le rendant encore plus vulnérable qu'il ne l'était déjà. Amir hocha la tête.
— Maintenant, vérifie ton arme !
Les mains tremblantes, il s'empressa de la chercher à l'intérieur de sa veste et la fit maladroitement tomber à ses pieds. Exaspéré, je levai les yeux au ciel. Quelle plaie, ce type ! Soan et Merwan soupirèrent discrètement. Je tournai mon visage en direction du bâtiment préfabriqué. La lumière à l'intérieur éclairait notre chemin. Ce jeudi commençait avec de l'action.
Nous nous dirigeâmes avec mon groupe vers la cabine en prenant soin d'observer les alentours à la recherche d'hommes armés embusqués, prêts à nous attaquer.
Alexander nous attendait, à demi assis sur le bureau, en surveillant Sassoli d'un œil. L'homme d'une cinquantaine d'années, aux cheveux clairsemés, était installé dans un fauteuil. Sa barbe mal rasée camouflait ses taches de rousseur. Il ne paraissait pas paniqué et encore moins inquiet.
— Vous êtes venues pour le petit déjeuner ? demanda-t-il avec une voix grave et éraillée. Son sourire condescendant n'était pas du goût d'Alexander qui le fit taire avec une gifle.
Je marchai dans ce bureau étroit en promenant mes yeux un peu partout autour de moi. Les murs étaient couverts de plans, de plannings, de noms. Le silence se prolongea un moment jusqu'à ce que je me poste devant Alvaro.
— Il paraît que vous ne voulez pas payer notre impôt. Pourtant vous devez savoir que rien n'est gratuit à Sheryl Valley.
Une lueur amusée traversa son regard. Je dus prendre sur moi pour ne pas saisir ce type à la gorge.
— Je travaille pour...
— Nous savons pour qui vous travaillez, le coupai-je brutalement. Appelez votre chef.
— A cette heure-ci en Italie, il fait nuit. Je ne sais pas si...
Alexander lui remit une gifle pour le convaincre de m'obéir. Alvaro se tint un instant la joue avec une grimace. Après un juron, il prit son téléphone posé sur son bureau et composa un numéro. Il échangea trois mots en italien puis me passa le portable. Une voix calme et rauque à l'autre bout de fil me salua :
— Bonjour, monsieur Khan. Je suis désolé pour ces désagréments que nous vous causons avec ces chantiers. Nous n'avons pas l'habitude de payer ce genre d'impôt visiblement très répandu dans votre région. Nous ne le payerons pas, mais nous nous engageons à rendre vos séjours en Italie très distrayants.
J'émis un petit rire mauvais.
— Non, l'argent est au centre de notre organisation.
— Notre organisation n'a jamais payé ce genre d'impôt pour un chantier et nous ne commencerons pas aujourd'hui. Si vous voulez mettre une balle dans la tête de notre promoteur, allez-y, mais un autre promoteur viendra le remplacer aussitôt. Je vous prie de reconsidérer ma proposition.
— Refusé, déclarai-je en raccrochant.
Je jetai le téléphone au nez d'Alvaro qui écarta les bras en disant avec ironie :
— Alors, n'est-il pas délicieux mon Boss ?
Il posa les mains sur son bureau désordonné et se pencha avant de déclarer à voix basse :
— Me tuer ne vous servira à rien.
À mon tour, je posai mes mains sur le bureau et avançai mes épaules vers lui en articulant avec une lenteur délibérée :
— Mais, nous ne sommes pas venues pour vous tuer. Nous voulions juste assister au spectacle avec vous.
Le sourire d'Alvaro s'évanouit, il fronça les sourcils. Mes paroles le prirent de cours. Il m'interrogea du regard, inquiet. Je tournai ma tête vers Soan et lui adressai un hochement de tête à peine perceptible. Il sortit immédiatement son téléphone de sa poche.
Huit secondes plus tard, un bruit de déflagration se fit entendre à l'extérieur puis un deuxième. Le promoteur respirait difficilement et jetait des regards hagards tout autour de lui avant de lever des yeux effrayés sur moi. C'était à mon tour de sourire :
— Vos deux autres chantiers subissent la même chose. Toutes vos machines, votre matériel, vos projets viennent de disparaître. Vous voyez, monsieur Sassoli, vous auriez dû payer. Nous préférons toucher directement au portefeuille plutôt qu'à votre vie qui ne nous intéresse pas.
Merwan éclata de rire avant de remettre une gifle dans le visage d'Alvaro puis déclara d'une voix forte :
— Alors, on les bouffe ces croissants ?
Dehors, les flammes ravageaient le chantier. Il ne resterait bientôt que des cendres.
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Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomanceLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...