Je circulai parmi la centaine d'invités présents au club, ce soir-là. Tout comme Esraa, Amélia était issue d'une famille nombreuse. L'ambiance était à la fête. Le champagne coulait à flot et sur la piste de dance, tout le monde se mélangeait. Hamza m'attendait dans le salon privé, à l'étage, mais j'avais décidé de venir d'abord saluer les jeunes mariés avant de le rejoindre. Je connaissais Esraa depuis toujours. Nous avions grandi ensemble, c'était un frère d'armes. Sur mon passage, je dus serrer de nombreuses mains. Heureusement, Miguel et Fares m'ouvraient le passage, empêchant ainsi certaines personnes à venir me parler ou certaines femmes à venir se coller un peu trop près de moi.
Comme d'habitude, ma présence éveillée pas mal de curiosité. Je ne comptais pas m'éterniser ici, mon but n'était pas de voler la vedette aux mariés.
Arrivés dans l'espace VIP, les hommes d'Esraa laissèrent passer Fares et Miguel. Je trouvais le jeune homme, la chemise à moitié détachée, complètement alcoolisé, en train de faire un discours devant un auditoire surexcité. L'heure était à la fête. Esraa, âgé de deux années de moins que moi, arrêta son spectacle quand il m'aperçut.
— Oh putain, c'est bien toi ! beugla-t-il.
Il enjamba pas mal de personnes, assis sur les fauteuils rouges, avant d'arriver jusqu'à moi. Ivre, il se jeta dans mes bras et me serra fort quelques secondes avant de me relâcher avec une petite tape sur l'épaule.
— Mec, merci de nous offrir ce mariage. Amélia est...
Le jeune homme passa une main dans ses cheveux bruns, ébouriffés par la sueur qui lui dégoulinait sur le visage, et se mit à chercher son épouse des yeux un peu partout autour de lui. Quand il la trouva, il l'appela d'une voix assez forte pour couvrir le son de la musique.
— Amélia, mon amour, viens par là. Je vais te présenter au Boss.
Esraa tourna sa tête vers moi et me donna de nouveau une petite tape sur le bras. OK, il était vraiment bourré pour se conduire d'une façon aussi familière. Du coin de l'œil, je vis Fares s'approcher de nous. Discrètement, je levai une main dans le vide pour l'arrêter. Dans notre famille, la Mitaras Almawt, on ne se mariait qu'une seule fois. Je ne voulais pas gâcher ce moment.
Une femme au teint hâlé, habillée d'une longue robe blanche cintrée, arriva près d'Esraa. Elle glissa son bras sous le sien. Ses cheveux méchés, coupé très court, faisaient ressortir les traits de son visage parfaitement harmonieux. Ses yeux sombres, légèrement en amande, souriaient eux aussi.
— Vous devez être Yeraz Khan. Je suis Amélia.
— Enchanté, répondis-je en la saluant d'un signe de tête poli.
— J'espère que la journée s'est bien passée.
Esraa répondit à la place de son épouse.
— C'était parfait ! Je suis un homme nouveau. Amélia a complètement changé ma vie.
La jeune femme, d'une vingtaine d'années, plongea son regard dans celui de son époux. Esraa se consumait d'émerveillement. Aucune expression de doute ne se reflétait au fond de leurs yeux sur la qualité de leur bonheur actuel.
Amélia s'arracha à la contemplation de son mari et me demanda :
— Et vous ? Êtes-vous marié ?
Je frictionnai d'une main ma joue rasée de près avec un petit rire.
— Non, je n'ai pas la chance d'Esraa. Il n'y a personne qui m'attend le soir.
Amélia leva un sourcil, étonnée.
— Il n'y a aucune femme assez bien pour Yeraz, se moqua Esraa en me défiant avec un sourire.
Amusé, je secouai la tête.
— Je suis juste trop occupé et...compliqué à vivre, ajoutai-je. Personne ne pourrait me supporter.
Le jeune homme leva une main en l'air d'un geste théâtral.
— Je confirme, très compliqué.
— Esraa, tu es peut-être marié maintenant, mais je peux encore te botter les fesses, comme quand nous étions gamins.
Ce dernier éclata d'un rire sincère avant d'embrasser sa femme sur le front.
— Amélia, tu as devant toi, l'homme à qui personne ne peut dire non.
Le sourire de la jeune mariée s'effaça. Une profonde mélancolie se lisait en elle. Amélia tourna la tête vers moi et déclara sur un ton plein de tristesse, mais sans reproche :
— Je sais bien. C'est lui qui t'enlève à moi pour quelques années.
La jeune femme se tourna vers son époux avec une poussée d'émotion.
— Je ferais en sorte de sortir Esraa le plus vite possible de prison. Je vous le promets.
— Yeraz n'a qu'une parole, mon amour. Crois-moi, s'il y a bien quelqu'un sur terre qui respecte ses engagements sans jamais dévier de sa route, c'est bien lui.
Avec sa main, il caressa la joue de sa femme qui, attristée, hocha la tête.
— Va rejoindre tes parents, je dois parler avec le Boss.
Amelia, le cœur lourd, me salua et partit profiter de sa fête. Esraa, plus calme, avait soudain repris ses esprits.
— Je suis désolé. Les femmes c'est...
Je levai la main devant moi pour le couper :
— Ne t'excuse pas. Je te demande un énorme sacrifice, ta femme a le droit de m'en vouloir.
Esraa esquissa un pauvre sourire.
— Je m'en veux de lui infliger ça. Faire souffrir la femme qu'on aime est un sentiment atroce. C'est comme si un millier de pics à glace te transperçaient la chaire.
Son désarroi était criant, mais je ne pouvais pas aller dans son sens ni le rassurer en lui disant que je comprenais, car tout ce qu'il me racontait sur l'amour n'était pour moi qu'un sentiment abstrait que je n'avais jamais, même du bout du doigt, touché jusqu'à présent et cela me convenait parfaitement.
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Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomansaLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...