Amir avait rendez-vous avec Smith cet après-midi pendant que je me concertais avec le directeur d'une de nos banques. Le jeune homme m'avait appelé à l'issue de son entretien pour m'annoncer que ce connard de Bryan était prêt à racheter les parts de Roskuf. Notre opération de scalping en bourse avait fonctionné, il était tombé dans le panneau et pensait bientôt être, avec ses collaborateurs, multimilliardaire.
En fin d'après-midi, j'appelais Jessim et Ian pour m'assurer que Ronney allait bien. Suite à l'attaque au restaurant de ses parents, j'avais repris la surveillance afin de m'assurer que rien ne puisse lui arriver de nouveau. Les journées sans elle étaient longues, pénibles. Totalement en désaccord avec mes sentiments, j'espérais me détacher d'elle au fil des jours. Jimenez m'avait quelque part ramené à la vie et sans elle, je mourrais à petit feu. L'envie de la retrouver, de lui parler, de la toucher crépitait en moi. Ça tournait à l'obsession, mais je devais tenir, conscient qu'un champ de mines nous séparait.
La nuit était complètement tombée sur la ville depuis plusieurs heures. Dès mon arrivée au club, Lucas se précipita vers moi, les traits soucieux pour m'informer qu'une journaliste du nom de Tess Lawrence m'attendait au bar côté salon privé pour me parler. Je demandai à Lucas et à Soan de rester à l'écart pour me laisser régler cette affaire tout seul.
Au moment de me diriger vers la journaliste, mon téléphone sonna, c'était Jessim. Je m'arrêtai dans mon élan et décrochai immédiatement en priant pour que Ronney aille bien.
— Boss, c'est pour vous informer que miss Jimenez est chez vous.
Je fronçai les sourcils et jetai un coup d'œil en direction de Lucas qui m'observait un peu plus loin avec attention. Mon estomac se noua.
— Comment ça, elle est chez moi ? Y a-t-il eu un souci ?
— Non, elle a quitté tard le domicile de votre mère et nous a expressément demandé de la conduire chez vous. Nous n'avons pas pu...
— Je sais, le coupai-je. Miss Jimenez sait se montrer catégorique. Restez aux abords de la maison, ne vous éloignez pas.
Je raccrochai avec un soupir las puis portai une main à mon front. Bon sang, Ronney, que dois-je faire pour te tenir éloigné de moi ?
Je me plaçai à côté de la femme rousse, aux cheveux courts, vêtue d'une robe beige minimaliste à manche longue. Quand elle releva ses yeux bleus sur moi, nos regards étaient presque à la même hauteur. Elle dut voir dans le reflet de mes lunettes qu'elle perdait un peu de son assurance. Une peur spontanée que beaucoup de monde ressentait devant ma personne. Ses doigts se resserrèrent machinalement autour de son verre.
Dès les premiers mots, j'interrompis Lawrence par principe en lui disant que j'avais que très peu de temps à lui accorder. Je la fixai calmement attendant, impatient qu'elle se lance :
— Merci de m'accorder un peu de votre temps, je suis...
— Je sais qui vous êtes ! Allez au plus court, je vous prie.
Le barman me servit un verre de Whisky. La journaliste poursuivit :
— J'ai enquêté de longs mois sur la Mitaras Almawt qui est une organisation dangereuse et puissante dans notre pays. Mon but était d'écrire un ouvrage dans lequel je me serais attachée à décrypter son fonctionnement.
Je portai le verre à mes lèvres en l'écoutant énumérer les raisons qui lui faisaient penser que nous étions liées à beaucoup de crimes restés à ce jour impunis à cause de la corruption qui régnait à Sheryl Valley.
— Pour quelle raison êtes-vous venu ce soir ? lui demandai-je après avoir entendu son ramassis de connerie. Vous êtes soit stupide, inconsciente, ou les deux.
— Non, je suis une femme qui n'a simplement plus rien à perdre, monsieur Khan. Votre mère a réussi à me mettre au placard. Si je veux rester journaliste, je dois quitter le pays.
Et oui, Lawrence, il y a pire que moi en ce bas monde. Camilia arrive toujours à ses fins d'une façon ou d'une autre, surtout si vous touchez à un de ses enfants.
— Je n'ai pas fait tous ces mois d'enquête pour rien, continua la journaliste en remettant une mèche derrière son oreille. Maintenant que vous savez qu'aucun article ne sortira sur vous, dites-moi qui vous êtes réellement, monsieur Khan. Je précise que je ne porte pas de micro sur moi. Ecouter, je veux partir demain en Europe en connaissant la vérité, votre vérité. Je veux comprendre le fonctionnement de tout un système, les ponts reliant la Mitaras Almawt au monde économique, politique et criminel.
Ses paroles m'auraient fait rire si c'était dans ma nature.
— Il n'y a aucun pont. Votre imagination s'est engouffrée tout entière dans cette histoire de chasse aux sorcières. Vous fantasmez beaucoup trop.
Je tournai mon visage vers l'entrée du salon. Soan, debout, attendait mes ordres. Je revins sur Lawrence et inclinai ma tête en lui adressant un faux sourire. Elle rougit légèrement, luttant pour chasser des images qui venaient subitement de s'immiscer dans son esprit. Sa respiration plus rapide ainsi que la veine palpitante dans son cou la trahissaient. Il lui fallut une minute pour calmer sa fébrilité, après quoi elle sortit de son sac à main un calepin et commença à passer en revue ma vie.
— Vous avez fait des études brillantes. Sitôt vos diplômes en poche, vous vous êtes trouvé plongé dans un univers bien éloigné de votre domaine. Vous vivez actuellement dans une des demeures les plus chères de Californie et contrairement au reste de votre famille, vous n'êtes pas au service des plus démunis. Votre père était la figure dominante de la Mitaras Almawt, il s'est fait assassiner il y a quatre ans.
Je hochai lentement la tête avant de poser mon avant-bras sur l'accoudoir.
— Madame Lawrence toutes ces informations se trouvent déjà dans la presse à scandale, vous n'avez rien trouvé de nouveau.
La journaliste releva son menton et me fixait à présent d'un regard droit.
— J'ai des dépositions intéressantes, monsieur Khan. Il y a toujours des gens qui parlent. Vous avez beau être quelqu'un de physiquement impressionnant et d'élégant, vous restez aussi profondément repoussant aux vues de certaines personnes. J'ai contextualisé toutes les informations que j'avais en ma possession avant de venir ici. Des flics corrompus, des gouverneurs, des chefs d'entreprise au juge. Votre organisation s'est très bien adaptée aux temps modernes. J'ai rencontré votre assistante, Ronney, récemment. À ce que j'ai pu constater, vous avez le don d'embobiner vos assistantes pour les réduire au silence.
Lawrence avait prononcé son nom pour provoquer en moi une réaction, savoir si les rumeurs qui courraient sur nous étaient vraies, mais elle ne parvint pas à créer la moindre faille en apparence. En apparence, car à l'intérieur, j'avais envie de l'étrangler pour avoir osé importuner Ronney avec tout ça. Elle n'avait pas besoin d'une journaliste en plus dans sa vie.
— Comme je vous l'ai dit, madame Lawrence, je suis un homme très occupé. Il n'y aura rien de plus à rajouter sur votre calepin, ce soir. Je suis désolé pour votre carrière, j'espère sincèrement que vous trouverez des histoires intéressantes à inventer sur des criminels en Europe.
Je finis mon verre avec une franche gorgée puis avec un geste de la main, j'appelai Soan pour qu'il raccompagne la journaliste jusqu'à la sortie du club.
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Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomansaLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...