À l'intérieur de la salle régnait une ambiance festive. Il y avait beaucoup de monde, toutes les tables étaient occupées par les clients. La décoration aux couleurs vive me surprit. Ce restaurant était à tous les égards différent des établissements que j'avais l'habitude de fréquenter. Les rires fusaient et les gens parlaient fort en espagnol.
— Giovanni, me héla une voix féminine.
Je reconnus la jeune femme aux taches de rousseur, rencontrée la semaine dernière au repas de famille. Celle-ci s'approcha de moi et m'entraina un peu plus loin, vers le comptoir.
— Ronney ne nous a pas avertis que tu venais, aujourd'hui. Elle est derrière, en cuisine, pour donner un coup de main à son père.
J'avais laissé de côté mon masque sévère, d'homme puissant, capable d'ordonner le meurtre de mon semblable pour un masque sympathique, celui du gendre idéal et de l'amoureux transit.
— À vrai dire, encore une fois, ce n'était pas prévu. J'étais en voyage d'affaires pratiquement toute la semaine et je n'ai pas vraiment pu passer de temps avec Ronney.
J'observai attentivement Hailey, à la recherche du moindre indice qui pouvait me laisser penser que Jimenez avait tout balancé sur moi et ma véritable identité.
Hailey écarquilla de grands yeux, à la fois touchée et surprise par tout cet amour que je pouvais avoir pour sa cousine. Je répondis à ce regard par un faux sourire. Visiblement, j'étais toujours à ses yeux, Giovanni Cucitore.
— Je suis tellement heureuse de vous voir ici, s'exclama une voix qui arriva par-derrière.
La mère de Ronney n'avait pas tardé à nous remarquer au milieu de la foule. Elle paraissait ravie de me voir.
— Valentina, pour moi aussi c'est un plaisir.
Elle papillonna des yeux avant de me toucher le bras.
— Laissez-moi vous présenter à monsieur et madame Lopez. Ils font partie de nos meilleurs clients. Et aussi à Hugo Garcia, notre banquier.
Folle de bonheur à l'idée de me présenter à la moitié des clients, elle ne me laissa pas le temps de refuser. Je la suivis en cachant du mieux possible, mon désenchantement. Finalement, je ne savais plus si j'avais bien fait de venir.
Après plusieurs tentatives, je réussis à m'extirper des griffes de Valentina. Je me faufilai discrètement derrière le comptoir où une rangée de cocktails était préparée puis poussait les portes battantes qui menaient aux cuisines, à la recherche de Ronney. Le bruit de vaisselles et de machines emplissait l'endroit. Je partis sur la gauche avant de m'arrêter brusquement. Des éclats de verres cassés jonchaient le sol. C'est là que j'entendis deux voix qui commençaient à m'être familières.
— Tu as combien, Ronney ? Dix centimètres d'épaisseur de verre sur tes lunettes et tu es incapable de tenir correctement un plateau !
— Dix ? Tu es bien gentille Olivia.
En m'approchant du virage, je vis mon assistante, genoux à terre, en train de ramasser des bouts de verres. La tête baissée, elle essayait de se défendre.
— Si tu ne m'avais pas poussé, Gabriella, les verres seraient intacts.
— Petite saleté, es-tu en train de m'accuser ? Ferme là et dépêche-toi de réparer tes conneries !
Le ton furieux de Gabriella était rempli d'un profond mépris pour sa cousine. Les deux se tenaient au-dessus d'elle, visiblement très menaçantes. J'aurais pu m'allier avec ces deux harpies et en rajouter une couche pour humilier davantage mon assistante, mais une force invisible en moi m'obligea à intervenir.
En me voyant apparaître, les lèvres des deux jeunes femmes blêmirent. Olivia, le visage noyé sous une couche de maquillage, semblait tout d'un coup livide.
— Je dérange, Mesdemoiselles ?
Gabriella fit non de la tête. Jimenez, toujours au sol, grommela quelque chose entre ses dents. J'imaginais que ma présence ne devait pas la ravir.
— Nous étions en train de ramasser tout ça, m'indiqua Olivia en faisant de grands cercles avec sa main.
— Nous ? répétai-je.
Je soulevai un sourcil. Une vive rougeur passa sur les joues de Gabriella. Elle sentait que je n'étais pas dupe. Elle plissa les yeux et ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Sans les lâcher du regard, je m'adressai à Jimenez.
— Ronney, relève-toi. Ta mère a besoin de toi pour distribuer les cocktails.
Folle de rage, les joues d'Olivia se gonflèrent.
— Elle ira en salle quand elle aura fini de ramasser ce qu'elle a renversé.
Je ne pus m'empêcher de sourire face à son insolence.
— Dépêche-toi, elle t'attend, insistai-je d'une voix calme, mais ferme.
Jimenez secoua la tête, inquiète. Même si elle était malmenée par ses cousines, elle avait peur pour elles. Je me baissai pour ramasser un bout de verre à mes pieds puis commençai à jouer avec en le faisant passer entre mes doigts. Mon assistante comprit mon avertissement silencieux et décida de laisser les deux jeunes femmes seules avec moi pour ne pas envenimer plus la situation.
Pendant que je la regardai quitter la cuisine, j'entendais les chuchotements affolés monter crescendo derrière mon dos.
— Mais que fabrique-t-elle ? Pourquoi ai-je l'impression qu'elle s'enfuit ? demandait à voix basse Olivia à Gabriella.
— Ce mec me fait penser à un parrain de la mafia.
La remarque me fit sourire. Je me retournai vers elles en faisant disparaître toute once d'humanité dans mon regard. Olivia et Gabriella parurent s'étouffer avec l'air qu'elles respiraient. Pour un pas que je fis en avant, elles en firent deux en arrière.
— Nous allions l'aider, balbutia la jeune femme chargée de maquillage.
— Mais je n'en doutais pas.
Suffisamment proche d'elle, je plaçai mon bras au-dessus de son épaule pour attraper le balai, posé derrière elle. Olivia s'empourpra. Intimidée par toute ma personne, elle cessa de respirer. Je plongeai mes prunelles sombres et inquiétantes dans les siennes puis avec un dédain extrême, j'ajoutai :
— Ne vous inquiétez pas, les parrains ne tuent que très rarement les femmes.
Mes paroles l'envahirent d'effrois. Figées sur place, les deux jeunes femmes étaient incapables de prononcer le moindre mot. Je reculai en mettant le balai dans les mains d'Olivia. Mes traits se radoucirent et j'éclatai d'un rire ni bon ni mauvais.
— Je plaisante bien sûr.
Gabriella se força à sourire en secouant la tête.
— Oui, nous nous en doutions.
Elle poussa sa cousine avec son bras pour la faire réagir. Olivia, livide, acquiesça et se mit sans attendre à balayer le sol.
— Giovanni, peux-tu venir un instant ?
Ronney était revenu s'assurer que ses cousines étaient encore en vie. Je l'interrogeai du regard. Elle chercha aussitôt une excuse.
— C'est l'heure de ma pause, nous pourrions nous installer dans la cour, à l'arrière du restaurant, avec les autres.
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Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]
RomanceLa mafia et les gens normaux ne se mélangent pas à Sheryl Valley. Yeraz est le fils d'un des patrons du crime les plus brutaux des États-Unis. Il doit succéder à son père, assassiné quatre ans plus tôt, et prendre les rênes du royaume d'ici les six...