Chapitre 35-4

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Amir me tendit ma veste et je la déposai délicatement sur les épaules de Ronney. J'enroulai aussitôt mes bras autour de sa taille et me collai à elle en enfouissant mon visage dans ses sombres cheveux ondulés. Elle se tourna et je sentis mon corps se désintégrer un peu plus. Elle était rayonnante, certes différente, mais je voyais toujours au fond de ses prunelles cette véritable beauté qui lui venait de l'intérieur. Tant que cette beauté prenait le dessus sur le reste, alors elle demeurerait à mes yeux la femme la plus magnifique qui soit. Aucun rouge à lèvres, aucun mascara, aucune paire de chaussures ne pourraient changer ça. Ronney resterait toujours Ronney.

Ses yeux essayaient désespérément de voir à travers mes lunettes. Frustrée, elle posa sa tête sur mon torse et se lova contre moi.

— Je ne sais pas qui je dois étriper en premier. Mes sœurs ou toi ?

L'intonation de mes paroles lui donnait le ton sur mon humeur. J'étais fou de jalousie, fou de désir, fou d'elle.

Ronney continuait à balancer son corps sur le rythme lent de la musique. Quand sa main vint se poser à l'arrière de mon cou, je fermai les yeux. D'un seul geste elle venait de faire partir toute ma colère. Je la serrai plus fort de peur de la perdre.

— Mes hommes vont te ramener chez toi.

Elle releva subitement son front et secoua la tête en me suppliant du regard.

— Non, Ronney, je ne peux pas te laisser ici, habillée comme ça. Les regards des hommes sur toi sont en train de me rendre malade. J'en ai marre de ressentir ce sentiment de jalousie quand je suis avec toi ou même quand je pense à toi. C'était plus simple quand j'ignorais tout de cette émotion, quand je ne te connaissais pas.

Toujours muette, elle posa une main sur ma joue pour me faire entendre raison, calmer mes démons. Je sentais que je devais lui dire, qu'elle devait savoir. Je ne pouvais plus faire semblant, ni continuer à me mentir. Elle avait gagné. Elle avait gagné le jour où je l'avais regardée dormir à Los Cabos.

— Tu es si belle. Je pourrais rester là, à te contempler une éternité.

Ronney posa sur moi un regard stupéfait puis un sourire radieux effleura ses lèvres teintées de rouge jusqu'à dévoiler une rangée de dents parfaitement blanches et alignées. Son appareil dentaire avait disparu. Fasciné par sa beauté singulière, je défaillis. Après un long moment à la scruter intensément, je pris une profonde inspiration comme pour me donner du courage :

— Je t'aime. Je suis tombé amoureux de toi sur Los Cabos. J'ai tout fait pour me convaincre du contraire durant des semaines.

Doucement, elle vint frôler son nez contre le mien et répondit :

— Je t'aime aussi. Mon amour te suivra partout où tu iras.

Sans réfléchir, j'attrapai son visage à deux mains et ma bouche vint s'écraser douloureusement sur ses lèvres ardentes. Ma main derrière sa nuque l'empêchait de s'écarter de moi même si elle n'en avait pas envie. Elle me rendit mon baiser avec fougue pendant que j'enfonçais ma langue encore plus loin dans sa gorge. Nous avions oublié que nous étions entourés de monde. Demain, on ne parlerait sûrement plus que de ça dans tout Sheryl Valley et les parents de Ronney connaîtraient enfin ma véritable identité. Mais pour l'heure, je ne voulais pas y penser. Mes paumes me brûlaient, je ne pouvais pas m'empêcher de la palper. J'avais envie de passer ma main entre ses jambes, de m'introduire à l'intérieur d'elle. Sentant mon empressement, Ronney réussit à se dégager de mon étreinte, les joues rouges, le regard débordant de désir puis elle partit d'un petit rire embarrassé. J'aimais ce son par-dessus tout.

— Monte avec moi. Il faut que je t'enlève cette robe tout de suite, déclarai-je du bout des lèvres.

Elle secoua la tête avec toujours ce sourire éblouissant qui me faisait perdre tous mes moyens. Soudain, une voix grave et glaciale me tira de ma plénitude comme si mon cerveau se remettait en route en urgence.

— Monsieur Khan ?

Je tournai mon visage. Mes hommes de main demandaient à un type d'une soixantaine d'années, les traits marqués par la vie, de se tenir à bonne distance de moi. Sans savoir pourquoi, une alarme se mit en place dans ma tête. Éloigne-la !

— Monsieur Khan, Nino vous envoie le bonjour.

Quand je le vis sortir son arme, je me tournai vers Ronney et la poussai de toutes mes forces. J'entendis un coup de feu partir, mes hommes répondirent dans la seconde. Je baissai aussitôt les yeux sur moi à la recherche d'une balle dans le corps, mais il n'y avait rien. Un mouvement de panique se forma à l'intérieur du club. Tout le monde courait dans tous les sens.

— Yeraz, souffla Ronney, debout derrière moi.

Je me retournai et vis une tache rouge s'élargir au fil des secondes à travers sa robe au niveau de sa poitrine. Mon sang se glaça, mes yeux s'agrandirent de terreur. Un hurlement sortit du plus profond de mes entrailles quand elle vacilla. Je courus vers Ronney et me jetai à terre, le bras tendu, pour amortir le choc de sa tête contre le sol. Je me redressai sur les genoux et la hissai contre moi en enroulant mes bras autour d'elle. Paniqué, je regardais partout autour de moi pour trouver de l'aide, mais je ne voyais plus rien. La peur m'enveloppait d'une couverture froide, la bile me montait à la gorge. Par réflexe, j'appuyais sur sa blessure en espérant arrêter l'hémorragie. Du sang sortait de sa bouche, signe que les dégâts à l'intérieur étaient importants. Impuissant, je la sentais partir sous mes mains. Je suppliais le ciel de me prendre à sa place. Ronney me fixait, en faisant « non » avec la tête. Je savais ce qu'elle me demandait, mais ma lumière c'était elle. Un grognement primitif remonta du fond de ma poitrine, je n'arrivais plus à respirer.

— Tiens bon ! Ne ferme pas les yeux, reste avec moi ! Je t'interdis de me quitter. Je t'en supplie, Ronney.

Je sentais son pouls ralentir, son énergie s'échapper. Désespéré, j'accrochai son regard, je l'obligeai à rester consciente jusqu'à ce que les secours arrivent. Un flot d'émotions m'emporta, les larmes me montèrent aux yeux, il n'y avait plus rien pour les retenir.

— Je t'interdis de mourir ! m'emportai-je avec violence.

— Monsieur Khan, la police va arriver. Allez-y, je vais m'occuper d'elle.

Je tenais Ronney dans mes bras en interdisant à quiconque de s'approcher de nous. Il était hors de question que j'abandonne la femme que j'aimais. Rien ni personne ne me ferait bouger d'ici.

D'une voix extrêmement faible, Ronney trouva la force d'articuler ses derniers mots :

— Le vieux monsieur, je crois... je crois qu'il est temps que tu t'entretiennes avec lui. Maintenant, c'est entre lui et toi.

Ses yeux puis sa respiration s'éteignirent avec une douloureuse lenteur. Sa vie et la mienne venaient au même moment de s'arrêter. Le choc dans ma poitrine fut si puissant que mon cerveau se déconnecta en me laissant juste éveillé avec des bribes de souvenirs.

— Monsieur Khan, voici Ronney Jimenez, votre nouvelle assistante.

*

— Et la soirée n'est-elle pas assez distrayante pour que vous restiez à l'intérieur ? Le choc des cultures vous dérange-t-il à ce point ?

— Les invités de ce soir ont pour seul souci de se montrer et d'apparaître sous leur meilleur jour afin de satisfaire leurs intérêts personnels. Je n'ai aucune raison de me montrer, bien au contraire.

*

— Si tu ne crains pas la mort, de quoi as-tu peur ?

— De quoi ai-je peur ? Des vendredis soir, quand tu pars et que je n'ai plus de garde-fou pour m'empêcher de charger cette arme.

*

— Quand il m'a embrassée, je l'ai repoussé, car je pensais à toi. Ce n'était pas lui que je voulais. J'ai alors réalisé que j'étais guérie de lui, mais malade de toi, c'était encore pire.

*

— Ronney, donne-toi une chance de vivre une belle vie, avec quelqu'un qui pourra te rendre heureuse. Tu ne mérites pas ça. Mon empire est un royaume où il n'y a pas la place pour une reine.

*

— Je t'aime, Yeraz.

Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant