Chapitre 9-5

1.9K 165 5
                                    

Hamza s'appliquait à créer une atmosphère sympathique avec Marconie, ce soir-là au club. Posté devant la baie vitrée, les yeux rivés sur la foule, en bas, je ne détournai pas la tête, mais captai des bribes de leur conversation : trafique...affaires classées...Argent. Le chef de la police promettait à Hamza d'appuyer l'affaire de Seattle du mieux qu'il pourrait, mais il lui faudrait pas mal de liquidité en retour afin de graisser le maximum de pattes.

— Boss, je suis rentré en contact avec les investisseurs de New York. Il souhaiterait s'entretenir avec vous au sujet du projet "Roskuf".

Amir me tira de mes pensées. Je tournai mon visage vers lui. Il regardait son reflet à travers les verres opaques de mes lunettes. Je répondis d'un ton sec :

— Merci, Amir. J'enverrai Lucas, mais avant je dois creuser un peu plus. Il y a quelque chose qui ne va pas avec cette société. Il faut que je trouve ce que c'est.

Amir hésita avant de répondre :

— Si vous me le permettez, je pourrais m'infiltrer au sein du personnel. Je connais le fonctionnement de ce genre de boîte et en plus, je parle russe.

Le jeune homme, plein d'espoir, attendait ma réponse. Je l'observai pensivement. Il n'était pas un homme de terrain. Bon en affaire, mais tellement innocent pour ce qui était du reste.

— Je ne te fais nullement confiance. Fais tes preuves et quand tu arrêteras de trembler en tenant une arme, je te confierais des affaires plus importantes. Pour l'instant, tu ne me sers à rien !

Le jeune homme comprit qu'il devait me donner beaucoup plus, jusqu'à son âme. Jusqu'à présent, il s'y accrochait, mais il ne pourrait bientôt plus revenir de là où je comptais l'emmener. Personne n'y revenait !

Son visage s'allongea. Déconcerté par mes paroles, le jeune homme promena un regard vague dans la pièce. Il aurait voulu répliquer, me prouver que j'avais tort. À la place il déglutit difficilement avant de s'incliner courtoisement pour se retirer. C'est ça, va retrouver tes pistolets en plastique. Jimenez m'aurait sûrement tenu tête, elle. Pourquoi pensais-je tout à coup à mon assistante ? Elle m'avait mise à bout de nerfs et je ne décolérais pas. Je boudais, près de cette vitre comme un gamin de cinq ans.

— Yeraz !

Je n'avais pas entendu Hamza arriver derrière moi. Ce dernier m'attira à l'écart, dans un coin de la pièce.

— Je vous ai appelé toute la matinée, que fabriquiez-vous, aujourd'hui ?

Sa voix irritée à l'extrême exigeait des réponses.

— Ce n'est pas le moment de prendre des jours de repos. Dans quelques mois vous prendrez le contrôle d'un empire qui a besoin de quelqu'un entièrement disponible pour le diriger.

Son œil, sans cesse aux aguets, faisait des allers et retours vers les hommes, installés dans les fauteuils un peu plus loin, et moi. J'envisageai plusieurs réponses, mais je savais qu'Hamza avait des yeux et des oreilles aux quatre coins de ce pays. Il savait donc déjà exactement où et avec qui j'étais, ce matin et cet après-midi.

— J'étais avec mon assistante.

Hamza fit mine d'être surpris puis il m'invita à poursuivre du regard.

— Je voulais la convaincre de démissionner.

— Et ? J'imagine que vous avez réussi vu tout le temps passé avec elle.

Je détournai mes yeux malgré moi et grognai :

— Non, elle refuse. Cette femme n'est pas intéressée par l'argent. Je pense que je l'ai vraiment sous-estimé. Pour la première fois, je suis...perdu.

Choqué par mes propos, il souleva un sourcil. Cette confidence le déstabilisa. Hamza me connaissait assez pour savoir que jamais personne ne m'avait encore résisté.

— Comment avez-vous prévu de vous débarrasser d'elle ?

— Je ne vais plus la lâcher. Elle va vivre sous la menace permanente. Sa famille sera mon meilleur moyen de pression.

Il y avait à cet instant dans ma voix, une douceur démoniaque. Hamza me conseilla avec toujours cette fermeté paternelle chargée d'autorité.

— Attention, Yeraz. Passer autant de temps avec quelqu'un n'est jamais très bon. Vous seriez surpris de constater à quel point cela peut être rapide de transformer les défauts d'une personne en qualités.

Je plissai mon front. Que cherchait à me faire comprendre Hamza ?

— Il y a d'autres solutions à pousser Jimenez à la démission, croyez-moi. Ne jouait pas au jeu du chat et de la souris. Le chat est toujours perdant.

Hamza posa une main sur mon épaule. Il espérait que ses paroles suffiraient à me convaincre de changer mes plans. Il n'approuvait pas cette obsession que j'avais pour mon assistante, mais il ignorait que cette femme était en train de me rendre dingue.

— Allez saluer, Ernesto. Il est venu pour vous. Les affaires doivent continuer, qu'importe la journée que vous avez passée.

J'acquiesçai. Je remis le masque impénétrable sur mon visage puis je partis rejoindre Marconie et mes hommes.

Ugly Ronney T 2 : Yeraz [Français]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant